L’art et la mémoire de l’évènement

L’art et la mémoire de l’évènement

Oeuvres intéressantes pour problématiser

Les Grandes Chroniques de France (XIVe) manuscrits enluminés (ici)

Les trois « batailles » de Paolo Uccello (XVe)

La Bataille d’Anghiari de Léonard (ici) et celle de Cascina par Michel-Ange (ici)

Comment l’artiste met en place un langage iconographique à des fins de propagande politique : p. ex. les Massacres des guerres de religion et le topos du « Massacre des Innocents » dans l’histoire de l’art : un « évènement biblique » représenté depuis les fresques de Giotto au XIVe qui devient un modèle de représentation d’autres massacres de l’Histoire à commencer par ceux des guerres de religion du XVIe siècle : https://lewebpedagogique.com/khagnehida2/archives/8754

Antoine Caron en revanche s’inspire des « Massacres du Triumvirat » :

https://www.louvre.fr/oeuvre-notices/les-massacres-du-triumvirat un épisode de l’histoire de la République romaine et notamment des guerres civiles relatées par l’historien Appien.

Extraordinaire tableau de composition où la Rome antique est évoquée à travers ses plus célèbres monuments, symboles de sa gloire qui fonctionnent comme un écrin de beauté largement imaginaire (Caron  n’est jamais allé à Rome) encadrant la violence impulsée par le « triumvirat » à l’image duquel agit au XVIe siècle celui du connétable de Montmorency, de Jacques d’Albon de Saint-André, et du duc de Guise, ordonnateurs du massacre des protestants

Louis XIV devant Maastricht (Pierre Mignard etc.). Les séries sur Marie de Médicis et sur L’Histoire du Roy.

La série des gloires de la révolution (Serment du jeu de Paume) et des martyrs :

Marat Assassiné de David mais aussi mort de Bara (corps nu, mis en scène d’un faux évènement héroïque) Mort de Lepeletier et https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Derniers_Moments_de_Michel_Lepeletier

L’iconographie napoléonienne (David, Gros) puis les romantiques (Géricault, Delacroix), la photographie de guerre au XIXe fournissent des exemples d’oeuvres intéressants.

Traditionnellement liée aux pouvoirs politiques, la peinture d’histoire décline depuis le XVIII e
siècle, au profit d’autres genres . Manet l’achève avec l’Exécution de de Maximilien, et
l’impressionnisme l’ignore presque totalement, comme du reste les avant-gardes du début du
XXe siècle qui privilégient le portrait, le paysage, la nature morte.
Pourtant, la Première guerre mondiale, puis la montée des totalitarismes, les guerres coloniales et la guerre froide ont des répercussions, immédiates ou différées, directes ou diffuses, sur la vie et l’oeuvre des artistes modernes, placés, souvent malgré eux, face à l’Histoire. Longtemps des figures imposées, les oeuvres relatant des évènements acquièrent une grande liberté au XIXe et surtout au XXe siècle et sont marquées par la photographie.

L’oeuvre d’art procède de la condensation de trois facteurs :

la matière, la sensibilité et la mémoire. Ce dernier terme est porteur de sens différents au sein du domaine artistique : la mémoire personnelle de l’artiste, la mémoire collective des évènements et la manière dont l’art l’exprime ou l’interroge en faisant récit. Plus généralement, comment l’art accompagne-t-il l’histoire du temps présent qui s’est progressivement substituée à partir de la fin du XVIIIe siècle à la peinture biblique ou de l’antiquité greco-romaine ?

Tout au long du Moyen Age, la Mémoire est d’abord celle de l’Eglise et du christianisme. Elle se déploie sur les façades des cathédrales et sur les vitraux des immenses verrières qui  les éclairent et les décorent.

Concernant le rapport de l’art aux évènements historiques sous l’Ancien Régime, une évolution remarquable apparaît en comparant les fresques de la Galerie de François Ier à Fontainebleau qui ne font que très peu référence à des événements au Cycle de la régente Marie de Médicis par Rubens (1621-1623) et aux séries relatant des grands événements du règne de Louis XIV à la Galerie des Glaces par Charles Le Brun et la suite de tapisseries de l’Histoire du Roy (sur le modèle de celle d’Alexandre le Grand également par Le Brun) sur des cartons du même Le Brun et dAdam Frans Van der Meulen. montre une évolution depuis représentations abstraites, hermétiques et maniéristes de François Ier jusqu’aux commandes à la gloire du roi et de la reine faisant référence à des évènements précis, mais par des représentations totalement idéalisées, voire imaginaires :

(La Défaite de l’armée espagnole près du canal de Bruges, ou déroute de Marchin 31 août 1667).

https://www.deroyan.fr/tapisseries/la-d%C3%A9faite-du-comte-de-marsin  

Alors que Turenne avait été le principal acteur de la guerre contre l’Espagne aux Pays-Bas dans les années 1667-1668, c’est Louis XIV qui est mis en avant tant dans les représentations iconographiques que dans les poésies glorificatrices, les médailles, les spectacles à triomphaux à Versailles etc.

Même procédé dans les représentations de la Guerre contre la Hollande dans les années 1670 avec le portrait équestre de Louis XIV devant Maastricht par Pierre Mignard ou le Passage du Rhin épisode massivement représenté, déclamé et chanté triomphalement à Versailles pour mieux masquer les revers subis par les armées françaises.

Les temps révolutionnaires de 1789 à l’Empire sont le point de départ majeur de l’illustration d’événements contemporains avec une recherche de vérité (ce qui n’exclut pas l’idéalisation, voire le mensonge historique) mais aussi pour servir d’outil de propagande de séries , d’abord par la gravure mais aussi par la peinture

Parmi les oeuvres essentielles :

Marat assassiné, un tableau quasi « journalistique » de David ou la série des Désastres de la guerre et d’autres « caprices » de Goya, acte de dénonciation et de déception d’un artiste qui a beaucoup cru aux Lumières. Par leur intérêt pour les événements contemporains, les artistes romantiques bouleversent les codes de la peinture d’histoire en utilisant le grand format et les ressorts du genre pour « raconter » des évènements de leur temps.

Mais comment réunir dans la même réflexion l’image directe de l’évènement incarnée dans le médium photographique si présent au XXe siècle. Le photoreportage possède cette qualité d’être l’histoire, de se substituer à l’évènement en fixant sa réalité parfois condensée en une seul image – choc qui révèle la double vérité : celle des faits immortalisés et celle des idées p. ex. politiques qui guide la main et l’oeil du photographe. Car pourquoi l’artiste s’intéresse-t-il à l’évènement ?

Pour dénoncer, pour témoigner apporter la preuve (ou critiquer la prétention de vérité des photographes comme Pavel Maria Smejkal qui efface les protagonistes des clichés photographiques qui ont marqué l’histoire du XXe siècle, mettant ainsi en doute la réalité des faits historiques qui s’appuient sur des images par définition manipulables :

, ou pour donner sa vision de l’histoire en marche ou pour faire coïncider les évènements révolutionnaires de son temps et le caractère radical de son art comme les « avant-gardes » artistiques  du XXe siècle ?

La pratique photographique de l’artiste tchèque Pavel Maria Smejkal qui, avec sa série « Fatescapes » de 2009, fait disparaître toute trace d’humains des photographies légendaires du 20ème siècle. En effet, en se réappropriant le patrimoine photo-journalistique, Smejkal donne cette impressionde « déjà-vu » au spectateur, pour qui la photographie restebien présente, mais plus son sujet.

Associer l’art, dont l’histoire s’appuie sur les formes, les grands mouvements, mais aussi la subjectivité des artistes majeurs et la grande histoire que nourrissent les évènements n’est pas sans risques et relève de choix épistémologiques que nous devons clarifier. En effet, le récit représenté par l’art aide-t-il à comprendre l’évènement, donc l’histoire ?

La peinture d’histoire ou plus globalement le sujet d’histoire, constituent depuis la naissance des académies le « grand genre » auquel était associé le « grand style ». La finalité de cette peinture était de plaire à un public cultivé de connaisseurs ou de glorifier les monarques ce qui ne coïncidait que rarement avec les vérité historique.
Qu’apporte le regard de l’artiste dans le souvenir et la compréhension de l’évènement ? L

‘art n’est-il pas d’abord le fruit de choix plastiques qui ne dépendent pas de l’histoire ?

Or, avec l’art moderne, le style de l’artiste relève de plus en plus de choix individuels et se dissocie des canons académiques. L’artiste choisit librement ses sujets ce qui favorise la vision personnelle de l’histoire. Liberté esthétique et liberté d’expression de l’artiste s’associent avec la modernité du XIXe et du XXe siècles. L’artiste se place face à l’histoire et place le spectateur lui même face à son regard sur l’évènement laissant parfois une trace indépassable lorsque, selon lui, l’importance symbolique de l’évènement appelle le chef d’oeuvre.
Autre question fondamentale : l’artiste n’est pas historien, connaît-il ses limites ? Il ne cherche pas la vérité dans la complexité et la nuance. L’image désigne la vérité selon l’artiste plus qu’elle n’interroge celle-ci par la confrontation et la nuance. D’autre part, chaque pratique artistique contient sa propre approche de la réalité : une peinture ne vaut pas une gravure, une photo ou un dessin pris sur le vif.

Sur l’époque contemporaine (XIXe-XXe) voir exposition L’art face à l’histoire ici :

https://drive.google.com/file/d/1aumoXGr0UsaF5nYQHCJWK8gAmfjzwQSI/view?usp=sharing

Un ex. Gerhard Richter : Cycle du 18 octobre 1977.

Série réalisée en 1988 et portant sur la mort des trois terroristes d’une organisation d’extrême gauche mieux connue sous le nom de Bande à Baader active en Allemagne dans les années ’70. Elle regroupe 15 tableaux peints d’après des photographies de presse et de police prises la date indiquée et documentant des événements tragiques qui ont bouleversé l’Allemagne. Mais le titre est trompeur car les tableaux peints d’après des photographies de la police représentent d’autres moments : photos de jeunesse,  arrestation, découverte des corps dans les cellules, funérailles des dédunts…

https://www.gerhard-richter.com/fr/art/paintings/photo-paintings/baader-meinhof-56

Le lendemain, Hans Martin Schleyer, président du patronat allemand, kidnappé en septembre par des membres de la deuxième génération de la RAF, était assassiné à titre de représailles.

Le « Protest art » : https://en.wikipedia.org/wiki/Protest_art

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