Exposition Edme Bouchardon au Louvre

Exposition Edme Bouchardon au Louvre

Edme Bouchardon (1698-1762) est une des grandes figures du renouveau artistique du XVIIIe siècle.

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François-Hubert Drouais (1727 – 1775), Edme Bouchardon (1698-1762), sculpteur, 1758, huile sur toile, morceau de réception, Paris, musée Carnavalet .

Le portrait d’un artiste par un autre illustre la nouvelle image de l’artiste qui émerge dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il fait désormais partie des « hommes illustres » qui contribuent au prestige de l’État. Les autorités doivent donc les aider à se former d’où la multiplication des Académies dans toute l’Europe censées garantir la qualité des oeuvres destinées à la postérité comme témoins du caractère éclairé des ces États.

Il a bénéficié d’une grande célébrité à Paris mais déjà à Rome où il a complété sa formation comme après son titre de 1er Prix comme sculpteur et élève de Guillaume Coustou. « Il étudiait sans cesse et dessinait tout ce que l’antique a de plus parfait, l’apprenant pour ainsi dire par coeur » (Mariette) ainsi que les maîtres italiens.

Parmi ses copies à sujet mythologique, celle du Faune Barberini achevée en 1730, a frappé les esprits

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Edme Bouchardon, Satyre endormi, copie réalisée à Rome du célèbre Faune Barberini, conservé aujourd’hui à la Glyptothèque de Munich. La statue a orné successivement plusieurs parcs publics (Parc Monceau, Parc de Saint-Cloud, Jardins du Luxembourg), ce qui explique le mauvais état du marbre. 1.84 m x 1.42 m  x. 1.19 m.

Autre sujet mythologique, beaucoup plus tard, en 1750, L’Amour taillant son arc dans la massue d’Hercule doit beaucoup à un tableau du Parmesan sur le même sujet appartenant aux collections d’Orléans : voir ici.

Edme Bouchardon (1698 – 1762), L’Amour se taillant un arc dans la massue d’Hercule, 1750, marbre. Marbre. H. : 1,73 m. ; L. : 0,75 m. ; Pr. : 0,75 m. Louvre. Paris.

Détail.

Voir analyse de l’oeuvre ici : http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/l-amour-se-taillant-un-arc-dans-la-massue-d-hercule

Parmigianino,  Cupidon fabriquant son arc, vers 1533, huile sur bois, 135 × 65 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne.

malgré les qualités plastiques exceptionnelles (notamment le mouvement en spirale du corps et des accessoires) l’oeuvre de Bouchardon a été jugée triviale car le corps est très naturaliste, sauf par Mme de Pompadour.

Il a fait des projets pour la Fontaine de Trevi et le tombeau du pape Clément XI. Mais un des travaux les plus prometteurs fut la composition pour la statue du prince de Waldeck qu’il finit en 1731 mais il ne réalisera pas le marbre à cause de la mort du commanditaire.

Il nous reste le dessin du projet qui exprime déjà tout l’art novateur de Bouchardon (1730) conservé au Louvre :

http://art.rmngp.fr/en/library/artworks/edme-bouchardon_projet-d-une-statue-en-marbre-du-prince-de-waldeck_mine-de-plomb

Il a fait partie avec un autre de la collection de son ami collectionneur et imprimeur Pierre Jean Mariette. Le dessin nous offre une image de la statue sur son piédestal : le prince aux cheveux longs et frisés est figuré nu de manière grandiose avec une simple draperie lui couvrant les reins et une partie du bras gauche. les pieds chaussés de sandales. Un baudrier portant glaive barre son torse. sa main droite s’appuie sur des armes (cuirasse, casque présentées comme un trophée.

C’est une conception novatrice de la statue princière. il envoie directement à un type de composition antique la statue héroïque à demi drapée que Bouchardon a pu étudier dans les collections romaines sans que l’on puisse déterminer la source exacte? Peut être le Général victorieux du Muzeo nazionale romano (1er siècle av. JC) :

http://www.wikiwand.com/it/Statua_di_generale_da_Tivoli

Il mêle la référence antique : nudité, draperie, trophée et les caractères modernes ; chevelure et également le visage de profil sur un corps de face; Une belle synthèse malheureusement resté à l’état de projet.

Bouchardon a donc eu la possibilité d’étudier l’antique à Rome et d’en faire une interprétation personnelle aussi bien pour le sujet mythologique (Faune)  que le portrait en buste (comme celui  du baron von Stosch 1727)  mais aussi la statuaire (Waldeck) tout en relevant des oeuvres des grands maîtres du baroque comme Bernin (portrait en buste de Scipion Borghèse :

http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/edme-bouchardon_buste-de-scipion-borghese-de-profil_sanguine

ou le projet pour le Tombeau de Clément XI:

http://www.latribunedelart.com/spip.php?page=docbig&id_document=4475&id_article=1586

Lorsqu’il se préparait à rentrer en France le directeur de l’Académie de France à Rome a dit « ce n’est pas pour enrichir les païs étrangers que le Roy fait tant de dépenses ».

A peine élu à l’Académie de Saint Luc de Rome, le Roi l’appelle donc à Paris où il reçoit logement au Louvre une marque de faveur exceptionnelle et fut agréé à l’Académie royale de sculpture dès 1733. très vite il reçoit des commandes comme le buste du marquis de Gouvernet dans la lignée de ses oeuvres romaines torse nu comme les bustes romaine du II esiècle ap. JC, tête « moderne »

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Edme Bouchardon (1698-1762)  Charles Frédéric de La Tour du Pin, marquis du Gouvernet, 1736
Marbre – 78 x 56 cm. Paris, Musée du Louvre

http://www.amisdulouvre.fr/nos_acquisitions/collections-nationales/2012/collections-bouchardon.htm

Oeuvre exposée au Salon de 1738, avec comme légende « un portrait en buste de marbre blanc, sans draperies, traité dans le goût de l’antique ». C’est un manifeste esthétique car aucun portrait de ce type n’avait encore été proposé à Paris.

Autre manifeste peu après : le petit tombeau de la duchesse de Lauraguais, qu’il exécuta pour l’église Saint Sulpice 1735 – 1742 à Paris. Une vision renouvelée du monument funéraire avec pleureuse qui a eu une riche descendance. (catalogue antiquité rêvée p. 116). Pas de portrait, de la défunte ni allégories chrétiennes, mais « une seule figure de femme éplorée et représentée dans l’abandon de la douleur » selon les termes de Caylus. D’autres jugements y ont vu « soit par la draperie soit par l’expression, ce qui nous reste de plus beau de l’antique ».

L‘esquisse en en terre cuite a été acquise par le collectionneur et grand amateur du « goût grec » La Live de Jully.

Mais l’oeuvre qui lui attira le plus de gloire est la Fontaine de la rue de Grenelle

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fontaine_des_Quatre-Saisons

http://www.french-engravings.com/images/artworks/ART-17003/HQ.jpg

Fontaine réalisée entre 1739 et 1745.

Dans un nouvel espace urbain de la ville de Paris on souhaitait mettre à disposition publique l’eau dans la plaine de Grenelle. L’ensemble a été conçu par Bouchardon selon un programme iconographique préétabli (allégories de la Ville de Paris, de la Seine et de la Marne  ainsi que les génies des saisons au ailes).
Le projet de Bouchardon pour la Trevi(fleuves ; Tibre et Erculaneo témoignait de son intérêt pour les fontaines publiques qui associaient architecture et sculpture.

Trois statues en marbre sont visibles avec la Ville de Paris au centre assise comme l’allégorie de la Rome antique de Trevi et sous elle la Seine et la Marne. Les niches des ailes sont ornées de autre statues : les génies des saisons. Les références à l’antique sont ici précises : Rome, médailles, ou éléments d’architecture avant corps à fronton et colonnes ioniques. On a vu dans cette fontaine l’illustration d’un nouveau style à Paris. 

Mais si certains comme Lafont de Saint-Yenne louent  » ce goût pur de l’antique » « la belle nature » des sculptures dignes de « l’antique du premier ordre » L’architecte Louis Gougenot critique cette sorte de « palais » dont le frontispice est « hissé » « sur un trop haut socle ». La disposition frappante qu’il y a entre les sculptures et l’architecture car « de deux choses l’une, ou l’architecture est trop petite pour ces figures ou bien elles sont gigantesques relativement à cette architecture. On a souvent reproché à Bouchradon le choix de ses modèles, mais le Génie de l’automne est loué « il peut être mis à côté de ce que l’antique fait de plus beau ». L’abbé Laugier ironise sur ce « retable d’autel » alors que Voltaire et Diderot dénigrent une fontaine où l’eau est absente.

Bouchardon est en tout cas cité comme référence esthétique à son époque grâce à son équilibre entre  fidélité à la nature (ses modèles) et idéal antique « égal aux meilleurs Grecs et très supérieur aux Romains. Mais quelquefois il imite trop exactement et n’embellit pas assez ».

De grands collectionneurs possédaient esquisses en plâtre et en terra cota ainsi que des dessins (: Mariette, Julienne, Caylus, La Live de Jully). On appréciait sa connaissance de l’antique à la fois et sa fidélité à la nature :

« Bouchardon est ce qu’on peut appeler un très grand sculpteur, peut-être égal aux meilleurs Grecs, et fort supérieur aux Romains » dit l’écrivain Bachaumont. Il imite le bel antique, et surtout la nature, mais quelques fois il l’imite peut-être trop exactement et n’embellit pas assez. Il compose (…) de grande manière (…) il termine beaucoup les détails et ne néglige rien »

Et Diderot : « De retour en France, Bouchardon fut chargé d’un grand nombre d’ouvrages qui respirent tous le goût de la nature et de l’Antiquité, c’est à dire la simplicité, la force, la grâce la vérité ».

Charles-Nicolas Cochin (voir ici) ; « M. Bouchardon a été certainement le plus grand sculpteur et le meilleur dessinateur de son siècle. on lui a obligation d’avoir ramené le goust simple et noble de l’antique ; véritablement la sculpture s’éloignait trop et serait encore plus écartée par le goust des frères Adam. » (Sur les « frères Adam », architectes décorateurs à l’origine du style dit « étrusque » en vogue en Angleterre et connu en France voir rapide article ici.

Les amateurs ne manquaient pas pour acheter les esquisses en plâtre et en terre cuite de Bouchardon :

Edme Bouchardon, Athlète domptant un lion, terre cuite, Musée de l’Ermitage. Saint-Pétersbourg.

Plusieurs étaient les meilleurs collectionneurs d’art de son époque : Mariette, qui a également rassemblé ses feuilles (dessins), possédait plus de vingt terres cuites dont le Génie de l’Automne,

Edme Bouchardon, Ge?nie de l’Hiver, De?cor de la fontaine de Grenelle, Muse?e de Chaumont, Ville de Chaumont.

Edme Bouchardon (1698-1762) Enfants moissonnant ou l’Ete?, bas relief, re?duction de la composition de la fontaine de Grenelle Marbre – 51,4 x 85,7 cm New York Metropolitan Museum.

Caylus possédait de nombreux dessins et plusieurs terres cuites également tout comme La Live de Jully dont le modèle pour le tombeau du Lauragais :

Jean-Eric Rehn d’apre?s Edme Bouchardon, Monument fune?raire de la duchesse de Lauragais (1735 mort de la duchesse), 1756, plume et encre brune, lavis brun Stockholm, Nationalmuseum.

Ce monument est véritable manifeste : un petit tombeau qu’il a exécuté pour l’église Saint- Sulpice qui illustre une vision renouvelée du monument funéraire. Seule une pleureuse figure sur le monument. Ni allégories chrétiennes, ni portrait, mais « une seule figure de femme éplorée et représentée dans l’abandon de la douleur » selon les mots de Caylus.

l’abbé Le Blanc en 1747 admire ;  » Le petit tomnbeau (…), soit pour le dessein et la manière de traiter les draperies, soit pour la force de l’expression, n’est-il pas comparable à ce qu’il nous reste de plus beau de l’antiquité ? »

Le modèle en terre cuite a été acquis par le grand collectionneur et adepte du « goût grec » La Live de Jully qui écrivait à son sujet : « Ce morceau est digne du bel antique par la sagesse et la noblesse de la composition, et la pureté du dessein ».

Dès son premier Salon en 1737, Bouchardon expose ses « desseins » à la sanguine représentant des scènes historiques.  d’après les Fastes d’Ovide :

Les fêtes de Palès, « célébrées chez les Romains par les gens de la campagne, pour honorer cette déesse et lui demander la conservation des troupeaux ».

Edme Bouchardon. Les fe?tes de Pale?s. 1737. Cambridge, The Horvitz collection, Boston.

Et les Fêtes lupercales : « en usage à Rome en l’honneur du dieu Pan : deux jeunes gens armez de courroyes prises dans la peau des victimes, courraient nus par la ville et frappaeint toutes les femmes qu’ils rencontraient, dans la confiance qu’elles deviendraient fécondes ».

Edme Bouchardon. Les fe?tes lupercales, 1737, sanguine, coll. part.

Il marque ici son intention de rivaliser avec la peinture d’histoire.Trois ans après Caylus les grave à l’eau forte et au burin (par Fessard) et les publie. la même année 1737 Bouchardon devient le dessinateur des jetons et médailles de l’Académie des Inscriptions. Cette même année, il publie une Suite de sujets dessinés d’après l’antique, deux Livres de vases ou encore les très touchants Cris de Paris. La plupart de ses dessins sont mis en gravure par Caylus et Fessard.

Il en crée d’autres dont l’extraordinaire Ulysse évoquant l’ombre de Tirésias.

Edme Bouchardon, Ulysse évoquant l’ombre de Tirésias, sanguine, 1738, 24 x 59 cm. paris, musée du Louvre. (le dessin est bien sûr à l’envers par rapport à la gravure)

Un témoignage de l’art du dessin de Bouchardon si apprécié et largement diffusé par la gravure.
Le sujet est tiré de l’Odyssée. Circé indique à Ulysse qu’il lui faut descendre aux enfers « consulter l’âme de Tirésias un devin privé de ses yeux du corps il a en revanche les yeux de l’esprit très vifs puisque il lit dans l’avenir le plus sombre. Proserpine lui a laissé son entendement même après la mort. Les autres morts ne sont que des ombres. Ulysse doit se rendre à l’endroit indiqué par Circé et creuser un trou pour y verser des offrandes de nourriture et de boissons destinées aux morts. Puis il lui faudra immoler une brebis et un bélier. Avec son épée il doit empêcher les ombres d’approcher du sang des animaux sacrifiés avant d’entendre la voix de Tirésias. Ce dernier informera le héros du chemin à prendre pour rentrer chez lui. Ulysse suit scrupuleusement les instructions de Circé il laisse Tirésias s’abreuver de sang « L’ombre approche boit du sang et me prononce ses oracles ». Bouchardon a judicieusement représenté le moment où Tirésias boit le sang des animaux sacrifiés pendant qu’Ulysse écarte les ombres avec son épée. La figure du héros fait le lien entre le monde des vivants, ses compagnons faisant des libations le bûcher avec la brebis et celui des morts , les ombres attirées par l’odeur du sang, le devin accroupi pour lécher. La composition s’intègre dans les débats sur la redécouverte de la peinture antique à Herculanum et la déception qui en a suivi. Nulle trace des grands sujets historiques mentionnés par Pline (Chute de Troie, Ulysse aux Enfers) que Caylus a gravés. Diderot a loué l’ouvre qui par plusieurs aspects annonce les visions cauchemardesques de Füssli et celles d’Ossian, les ombres, le devin grotesque, semblent véritablement sortis déjà du « génie romantique ».

Bouchardon lui même dit d’Homère : « Ah ! Monsieur., depuis que je lis Homère les hommes ont quinze pieds de haut et la nature s’est agrandie pour moi. »

Entre 1737 et 1741 des dizaines de dessins de Bouchardon sont imprimés en gravure et publiées par Mercure de France. Bouchardon est resté au centre de l’actualité artistique jusqu’à  sa mort.

« Il faut que B. ait été un grand homme, car il a joui de toute sa réputation pendant sa vie. les artistes se sont tous accordés à lui décerner le tribut de louanges qu’il méritait. Lorsque après sa mort on a vendu publiquement ses desseins qui lui restaient, car pendant sa vie il les avait presque tous distribués à ses amis et surtout à moi »

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