« Comment le Qatar tente de s’intégrer à la mondialisation »

 « Comment le Qatar tente de s’intégrer à la mondialisation »

De Thibaut Babey et Adrien Morel

Pays du Golfe Persique pas plus grand que la région d’île-de-France et composé seulement de 3 millions d’habitants, le Qatar tente depuis une cinquantaine d’années de s’intégrer à la mondialisation. En effet, depuis son indépendance en 1971 et particulièrement depuis les années 90, le Qatar a vu son économie subir une formidable transformation grâce aux hydrocarbures et notamment grâce au gaz dont il est devenu le premier exportateur mondial dans les années 2000. Entre 2000 et 2011, le Qatar a ainsi cumulé un revenu provenant des hydrocarbures d’environ 160 milliards de dollars (d’après la revue Géoéconomie de cairn.info). 

Mais en parallèle de cela, le Qatar tente également d’augmenter sa compétitivité au niveau international en diversifiant son économie dans deux domaines principalement : le secteur industriel et celui des services. Dans le domaine industriel, le Qatar produit du pétrole (73,3 millions de tonnes en 2021) pour l’exporter ce qui lui permet d’augmenter son solde commercial. Mais le Qatar se développe aussi et surtout au niveau de ses services. 

Un bon exemple de service développé est le tourisme avec bien sûr l’organisation de la Coupe du Monde de Football 2022. 

En effet, ce sont 65 millions de dollars qui ont été investis pour cet évènement, pour permettre une extension de l’aéroport de Doha (capitale du Qatar), la construction d’un nouveau port et la réalisation de lignes ferroviaires à grande vitesse. Ce sont donc autant d’infrastructures permettant d’accueillir des touristes même en dehors des 4 semaines de cet évènement sportif (611 000 touristes en 2020 selon PSA). 

En parallèle, 36 milliards de dollars ont été investis afin de construire des immeubles résidentiels ou commerciaux. Le Qatar n’hésite donc pas à dépenser beaucoup afin de se montrer sous son meilleur jour dans le but d’attirer les touristes et les supporters du monde entier. 

L’émirat du Moyen-Orient veut se montrer attrayant en améliorant sa compétitivité-prix. L’objectif est d’acquérir un avantage concurrentiel en termes de prix afin de permettre des coûts de production plus faible, dans le but de générer de la création de richesses et donc une augmentation du PIB. 

Ainsi, le Qatar tente d’attirer des entreprises sur son territoire en réduisant les taxes appliquées sur les profits de ces entreprises, en effet, selon Doing Business, en 2022, le Qatar ne prélève que 11,3% des profits de ses entreprises contre 36,6% aux Etats-Unis, par exemple. De plus, les institutions qataries soutiennent cette attractivité en misant sur une facilité d’implantation pour les entreprises en termes de règlementation. Le temps requis, en heure, pour les formalités administratives au Qatar est cinq fois moins élevé qu’en Allemagne. 

Par ailleurs, le Qatar investit de plus en plus à l’étranger, notamment en Europe et aux Etats-Unis, grâce au Qatar Investment Authority (QIA). Le QIA est un fonds d’investissement souverain de l’émirat du Qatar qui détient environ 461 milliards de dollars d’actifs selon Sovereign Wealth Fund Institut. Fondé en 2005, il permet d’une part, de diversifier ses sources de revenus et de ne plus dépendre de la vente d’hydrocarbures, d’autre part, le QIA accentue l’ancrage du Qatar au sein de la mondialisation. En effet, le QIA détient de grandes entreprises internationales comme le Paris-Saint-Germain, le groupe hôtelier AccorHotels ou encore 17% de Volkswagen, augmentant ainsi les échanges entre l’Europe, en l’occurrence, et le Qatar.

            Cependant, si l’Etat du Qatar peut offrir à ses habitants les frais d’éducation, de santé, d’eau, d’électricité et leur permettre d’avoir le PIB par habitant le plus élevé de la planète, ce n’est pas seulement grâce à une attractivité et une compétitivité internationale importante. 

            Cela se fait au détriment des droits fondamentaux de plusieurs millions de travailleurs étrangers en provenance principalement du Népal, des Philippines et du Bangladesh. Ces derniers ont notamment été victimes de retards de salaires comme le dénonçait Human Rights Watch dans un rapport de 2020 : retard de plusieurs mois, retenues de salaire arbitraires voire pas de versement du tout. 

            Les ONG dénoncent également le manque de liberté d’expression au Qatar. Dans un communiqué du 16 novembre 2022, Amnesty International dénonce des « arrestations arbitraires » et des procès injustes contre les personnes qui critiquent le gouvernement qatarien. L’ONG évoque notamment le cas d’un travailleur kenyan détenu à l’isolement pendant un mois pour avoir dénoncé le sort des travailleurs immigrés sur son blog. 

            Enfin, les ONG s’alarment des atteintes aux droits des femmes et des personnes LGBT+. Dans le même document, Amnesty International dénonce le système de « tutelle masculine ». Pour se marier, obtenir une contraception ou aller étudier à l’étranger par exemple, les Qatariennes doivent obtenir l’accord d’un membre masculin de leur famille : père, frère, mari. Amnesty rappelle par ailleurs que les relations homosexuelles sont punies par l’article 296 du Code pénal qatarien. Un couple de même sexe risque jusqu’à 7 ans de prison. 

Outre le bafouement des droits humains, il existe un réel décalage entre les enjeux écologiques d’aujourd’hui et les projets du Qatar. En effet, la COP 27 a assuré respecter les Accords de Paris, qui annonçait limiter la hausse de la température globale de la Terre en-dessous de 2°, or, la coupe du monde au Qatar ne semble pas tournée vers cette objectif-là. Malgré le fait que la FIFA et la Qatar promettait une coupe du monde “neutre en carbone”, certaines dispositions posent questions. Le gouvernement du Qatar a signé des protocoles d’entente afin de faciliter la venue d’avion “navettes” les jours de matchs. Cette logistique a permis un mouvement quotidien de 2000 avions pendant l’événement mondial. Emettant de considérables quantités de CO2, les flux aériens sont ainsi excessivement nocifs pour l’environnement, ce qui est donc en contradiction avec les ambitions initialement affichées. De plus, la création de stades d’autant plus climatisés, est polluant et énergivore, ce qui souligne encore un peu plus le contraste entre le Qatar et les défis écologiques.

            Le Qatar est donc devenu depuis son indépendance en 1971 une puissance internationale et l’un des leaders mondiaux en termes d’hydrocarbures.  En plus d’augmenter sa compétitivité-prix et hors-prix, ce petit pays du golfe arabo-persique a su se mettre sur le devant de la scène internationale notamment grâce à l’organisation d’évènements sportifs tels que la Coupe du Monde de football. Cependant, cela s’est fait au détriment des droits fondamentaux de plusieurs milliers voire millions de travailleurs étrangers, de femmes même qataries et de personnes LGBT+, ainsi que des objectifs écologiques.

Ainsi, le Qatar est parvenu à s’intégrer rapidement à la mondialisation, non sans soulever de nombreuses critiques à l’internationale. 

Sources : 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

buy windows 11 pro test ediyorum