Féminisme. #lutte #genre

article paru dans sciences humaines.

Transféminisme, s’affranchir du genre

Marion Rousset, journaliste indépendante
Grands Dossiers N° 63 – Juin – juillet – août 2021

L’activisme trans revendique le droit à disposer de son corps et remet en question la différence des sexes.

Le 22 janvier 2020, Marguerite Stern, ancienne Femen à l’initiative des collages contre les féminicides et les violences sexistes, publie une série de tweets qui mettent en cause la place des débats sur le transactivisme dans les luttes féministes. Ils « prennent de plus en plus de place dans le féminisme, et cristallisent même toute l’attention », s’insurge-t-elle. « J’interprète ça comme une nouvelle tentative masculine pour empêcher les femmes de s’exprimer », lâche-t-elle. Cette polémique est le dernier avatar des relations houleuses entre le mouvement trans et certaines féministes.

En 1979, l’Américaine Janice Raymond, professeure en études féministes, décrivait déjà dans L’Empire transsexuel les trans comme de fausses femmes, fabriquées par des hommes médecins afin qu’elles s’immiscent dans les milieux féministes et lesbiens pour les faire disparaître. « C’est ce registre de la colonisation qu’on retrouve aujourd’hui chez une minorité de féministes qui prennent souvent la parole », observe le sociologue Emmanuel Beaubatie.

L’activisme trans s’inscrit pourtant dans l’histoire des conquêtes féministes en revendiquant le droit à disposer de son corps : « C’est là-dessus que s’appuient les trans pour dénoncer le principe de l’évaluation psychiatrique à laquelle doivent se soumettre les personnes qui souhaitent accéder à des modifications corporelles qui impliquent une transgression des normes de genre », avance E. Beaubatie.

Reste que le féminisme qu’ils revendiquent ne repose plus sur la différence des sexes. C’est pourquoi les textes fondateurs des Américaines Sandy Stone (Manifeste transsexuel, 1979) ou Leslie Feinberg (Transgender Liberation, 1992) s’inspirent autant des approches queer* qui jouent avec le genre. « Le philosophe Michel Foucault est une référence importante pour les théories queer qui estiment qu’on ne peut pas se défaire des normes. Plutôt que de chercher à les abolir, il faut donc les subvertir. Changer de sexe peut ainsi devenir une forme de résistance à la domination patriarcale et à la rigidité du genre », indique I. Eloit.

En France, les séminaires du Zoo, collectif queer, remettent en cause la binarité des sexes. Lancés par Marie-Hélène/Sam Bourcier, ils ont permis au transféminisme d’aiguiser ses outils théoriques. Mais il aura fallu attendre la naissance de l’association OUTrans, en 2008, pour qu’un groupe se revendique de ce courant. « Les mécanismes qui nous invisibilisent, nous stigmatisent et nous excluent (…) sont exactement les mêmes que ceux qui excluent, invisibilisent et stigmatisent les femmes, les gouines, les pédés et toutEs les autres individuEs minoriséEs », avance cette association.

Depuis quelques années, les actions trans se multiplient : participation à la journée internationale des femmes, ateliers d’autodéfense féministe pour les personnes trans, signature du texte « Nous féministes » face à la montée de la droite extrême en France… jusqu’aux plus radicales « grèves du genre » pour protester contre les stéréotypes sexués dans le monde professionnel.

Queer

Selon les « pensées queer », le découpage des sexes et genres en deux catégories bien établies, homme et femme, est une construction sociale qui ne correspond en rien à la diversité humaine. Entre l’homme et la femme, avec leurs rôles et statuts stéréotypés, il y aurait tout un spectre de situations intermédiaires et hybrides, en mal de reconnaissance : personnes homosexuelles, intersexes, trans, etc. Les philosophes Judith Butler et Paul B. Preciado sont les figures de proue de ce mouvement.

About GhjattaNera

prufessore di scienze economiche e suciale a u liceu san Paulu in Aiacciu

Category(s): actualité

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