en passant Des Jeux et des villes, les liens ambigus entre urbanisme et olympisme…

Entretien avec Sylvain Lefebvre et Romain Roult, par Daniel Florentin et Charlotte Ruggeri (extraits) 

 

Sylvain Lefebvre est professeur au Département de géographie de l’UQAM (Université du Québec à Montréal) et directeur du GREF (Groupe de recherche sur les espaces festifs)

Romain Roult est professeur au Département d’études en loisir, culture et tourisme de l’UQTR Université du Québec à Trois-Rivières. Il a réalisé plusieurs études sur l’aménagement des espaces et des équipements récréatifs.

 

LES JEUX OLYMPIQUES, ET EN GÉNÉRAL LES GRANDS ÉVÉNEMENTS SPORTIFS, SONT PRÉSENTÉS DANS LES MEDIAS COMME DES OPPORTUNITÉS POUR LES VILLES QUI LES ACCUEILLENT. COMMENT EXPLIQUER CE DISCOURS ET DE QUELLES OPPORTUNITÉS PARLE-T-ON ?

Sylvain Lefebvre (SL) : En termes d’opportunités, il y a trois registres si l’on regarde les Jeux olympiques modernes. La première opportunité, qui est la plus mise en avant, bien qu’elle soit très difficile à mesurer ou à quantifier, est celle du rayonnement de la ville, à savoir sa capacité à accueillir de tels événements à portée mondiale. Les élites politiques et économiques misent avant tout sur ce type d’impacts pour justifier les investissements publics extrêmement importants. Cette première forme d’opportunité est l’objet d’un éternel débat : les villes ont besoin des méga-événements sportifs, c’est un levier de réputation et de prestige très important, bien que l’on ne puisse pas communiquer de chiffres concrets sur ces effets positifs.

La deuxième catégorie d’opportunités serait l’effet d’accélérateur pour des méga-opérations ou projets urbains, comme des projets d’infrastructures. […] Le bémol, c’est tout de même que plusieurs de ces projets ne sont pas tout à fait menés ou complétés tels qu’ils auraient dû l’être au départ. Par ailleurs, certains équipements sportifs deviennent rapidement vétustes ou sont mal assumés en termes de gouvernance par la suite. Il s’agirait donc d’un levier urbanistique ou de développement urbain, mais à propos duquel il faut rester prudent.

La troisième catégorie d’opportunités serait la mise en valeur du sport d’excellence. Une fois les Jeux olympiques passés, il y aurait un effet de levier pour la pratique de certains sports, d’autant plus que les équipements sont disponibles. Cela permet aussi d’accueillir d’autres compétitions internationales. Mais encore une fois, ce n’est pas un effet automatique.

Romain Roult (RR) : Ces méga-événements jouent aussi un rôle pour certains pays afin de s’affirmer politiquement, d’un point de vue géopolitique, à l’échelle de leur région ou continent, ce qui se voit beaucoup en Asie et Asie du Sud-Est. Ces méga-événements sont un moyen d’accroître leur hégémonie festive, mais aussi leur hégémonie politique à l’égard de leurs voisins. C’est le cas de la Corée du Sud actuellement, mais aussi de Singapour avec l’accueil d’un grand prix de Formule 1.

SL : La Chine en est un exemple aussi. Avant les Jeux olympiques de 2008, la Chine a encore besoin d’affirmer sa croissance économique, la libéralisation de ses échanges et les JO furent un symbole fort et spectaculaire pour envoyer un message à l’échelle planétaire sur la capacité chinoise à jouer dans la cour des grands.

 

 

ENTRETIEN RÉALISÉ EN AOÛT 2017

Photographie de couverture : le Los Angeles Memorial Coliseum

  1. Les Jeux olympiques de Munich ont été marqués par la prise d’otages et l’assassinat de membres de l’équipe israélienne par le groupe Septembre noir, organisation palestinienne.

lien : http://www.revue-urbanites.fr/entendu-entretien-des-jeux-et-des-villes-les-liens-ambigus-entre-urbanisme-et-olympisme/

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