Qu'est-ce que la philosophie?

14 juillet 2009 0 Par caroline-sarroul

        Pour vous faire une idée de ce qui vous attend , lisez donc cet article de Vincent Cespédès. Je partage cette défintion et les premiers cours auront pour but ded’expliciter cela via textes, extrait de film et analyse:

 

                   « La philosophie est une pratique intellectuelle qui s’interroge rationnellement sur le « comment » et le « pourquoi » de toutes choses. Un doute méthodique, une réflexion fertile. Un art de penser le monde en critiquant et le monde, et notre façon de penser ! Le meilleur contre-pouvoir contre la pensée unique. La meilleure « éducation aux médias ».

La philosophie cherche à unifier tous les savoirs en faisant appel aux facultés supérieures de l’esprit humain ; elle témoigne ainsi de la fécondité poétique de l’intelligence. Mais si la philosophie ne peut se passer de l’intelligence, l’intelligence, elle, peut très bien se passer de philosophie !

Le mot grec philosophos désigne celui qui aime et recherche la sagesse, la connaissance. Or, si l’on poursuit la connaissance, c’est que l’on reconnaît sa propre ignorance ! Même avec un style impétueux, les philosophes se montrent donc fondamentalement humbles. Car leur but est de se poser des questions pour flirter avec la vérité, et non d’asséner des « vérités » pour répondre aux questions qu’on leur pose. Par conséquent, l’individu qui se prétend philosophe et se montre arrogant est en réalité un imposteur, un sophiste — un de ces « intellos » de plateaux dont raffole la télévision !

La philosophie, c’est d’abord le plaisir de chercher du sens en questionnant les questions, le courage d’embrasser la vérité par la conversation. Prendre un peu de hauteur pour avoir une vision plus large de la complexité du monde, s’armer d’outils intellectuels pour penser, entrer dans le monde réel, sortir du flou. La philosophie déconditionne et vise à rendre l’autre philosophe.

Dans un entretien de 1990, le philosophe d’origine lettone Isaiah Berlin livre cette belle définition : « Un des effets de la philosophie, si elle est correctement enseignée, c’est la capacité de voir au travers de la rhétorique politique, des arguments fallacieux, des duperies, du fumisme, du brouillard verbal, du chantage par l’émotion et de toutes sortes de chicaneries ou de fausses apparences. Elle peut, dans une très large mesure, aiguiser le sens critique. »

Du mauvais usage de la philosophie

     En théorie, la philosophie est censée s’attaquer prioritairement aux ghettos mentaux. En pratique, on la réduit parfois à une pédanterie stérile ; elle fournit alors les briques et le ciment pour colmater les brèches et tout sécuriser. De tunnel creusé vers la délivrance, la voici grillage, mirador. De dynamite, la voici chef de chantier. Elle ne dit plus « Sors de la caverne ! » mais « Reste dedans ! »; quand son baragouinage dit encore quelque chose aux gens ! Elle manque de circulations, de passions, d’ouvertures, de mélanges. Elle manque d’alchimie, de promesses inépuisables. Elle fixe les identités au lieu d’en faire des substances provisoires. Elle ne harcèle plus son siècle, elle n’invente plus son peuple. Ses pensées ne transitent plus. Elle n’entre plus ni par effraction, ni en infraction. Elle normalise, elle codifie.

Notre XXIe siècle sera celui de la violente manipulation du sens. Les mots seront les premiers visés, parce qu’eux seuls permettent d’interpréter les images qui envahissent déjà notre univers. Et, de notre vie la plus intime jusqu’à la destinée du monde, rien n’échappera au stupéfiant trafic des mots.

La vie, la langue, les idées connaissent des métamorphoses perpétuelles. Les épreuves et les angoisses d’une époque s’incarnent dans les expressions naissantes ; les termes qui peinent à décrire les enjeux présents sont volontiers délaissés, au profit de plus frappants.

Or, lorsqu’on choisit de moins en moins ses mots, on a du mal à choisir par soi-même. Or la société de consommation ne se contente pas de massifier les désirs et les goûts, tous milieux confondus : elle nous fanatise. Ou plutôt : elle nous rend fanatisables. Laissant la porte ouverte aux démagogues et aux publicitaires qui sauront nous toucher, nous émouvoir. « Penser, c’est s’attarder. S’attarder, c’est s’ennuyer. S’ennuyer, c’est la mort. Donc, penser, c’est la mort. » Vive le zapping ! La vitesse ! La meute !

On a même entendu ces derniers temps une ministre de l’Économie dire en substance que « le temps n’est plus à la réflexion ». Terrible aveu.

Retrouver les « pourquoi » de l’enfance

    Penser, c’est la vie. Seulement, il faut des mots et du temps pour penser. Et il faut impérativement que nous pensions, n’en déplaise aux dirigeants de chaînes commerciales. Car c’est le seul rempart contre l’hystérie collective — euphorique ou haineuse —, qui conduit toujours à faire régresser l’humain vers la bestialité.

L’essentiel n’est pas dans les réponses que la société nous vend, mais dans la longue chaîne des « pourquoi » de l’enfance, le questionnement insatiable qu’aucune certitude ne vient interrompre : le plaisir de douter. Car sans curiosité, à quoi bon vivre ? Il n’y a pas de connaissance sans le désir de la connaissance ; et c’est ce désir qu’il faut susciter.

Des philosophes comme Aristote font de l’étonnement — même pour des choses banales — le premier pas vers la quête de la connaissance. Mais dans un monde où tout est censé nous émerveiller, où l’étonnement est un devoir, où les pires âneries sont proclamées « fabuleuses », « extraordinaires », « fantastiques », « géniales » par ceux qui ont intérêt à ce que nous devenions des ânes, l’étonnement n’engage plus personne à penser : il engage bêtement à passer à la caisse ! Le doute, en revanche, dit : « Temps mort ! Qu’est-ce que vous me racontez là ? Prouvez ce que vous affirmez ! Argumentez ! » Et le bon sens dit : « N’importe quoi ! Vous semez la confusion au lieu de nous proposer des solutions valables ! Vous nous embrouillez ! » Le doute et le bon sens : voilà deux points de départ solides pour commencer à devenir responsables de nos paroles et de nos actes.

Réjouissance intellectuelle

  La philosophie, comme art de questionner et de faire réfléchir, est à la fois une gourmandise infinie et un contre-pouvoir. Une réjouissance intellectuelle, par les innombrables domaines du savoir qu’elle explore ; une attitude existentielle, parce qu’elle revendique avec force et clarté la justice et la vérité.

Plus nous apprenons, plus nous aimerions apprendre, car plus l’étendue de notre ignorance nous apparaît nettement. On n’en finit jamais avec la connaissance. Le connu ne vient pas réduire l’inconnu, au contraire : tous les deux augmentent simultanément. Plus je sais, plus je sais que je n’en sais pas assez. Un enivrement intellectuel. Une souffrance aussi, parfois. Car on est bien contraint de faire des choix, à contrecœur : dix vies ne seraient pas suffisantes pour lire tout ce qu’il y aurait à lire, écrire ce qu’il y aurait à écrire, et a fortiori vivre ce qu’il y aurait à vivre ! Mais faire des impasses n’est-ce pas, au fond, le destin des philosophes ?

La philosophie n’est pourtant pas une activité gratuite, désintéressée, mais une activité polémique. Elle s’apparente en effet à un combat d’ophtalmologistes, souvent d’une extrême violence, visant à modifier les lunettes à travers lesquelles nous observons et nous vivons le monde. Elle permet de rectifier notre vue, nos idéologies, nos opinions, nos appétences. Elle est même le plus puissant des contre-pouvoirs contre l’obscurantisme et le dogmatisme, l’aveuglement superstitieux et les préjugés.

Il n’y a pas d’engagement sans enragement ou, du moins, sans dérangement. Le confort intellectuel est l’autre nom de la bêtise. Il faut donc frapper là où ça dérange, afin que l’on ait envie de participer activement, ardemment, au débat et finalement à la vie de la cité.

Il suffit d’un seul mot bien compris pour que nous ne pensions plus jamais de la même façon. »