art

23 juillet 2008 0 Par caroline-sarroul

I . artiste et artisan

Tout artiste est d’abord un artisan , n’en déplaise à Platon. Il est un créateur, un producteur qui travaille une matière brute pour lui donner , au travers d’un savoir faire et d’outils, une forme. Il y a du travail en art. Cependant l’œuvre artistique se distingue du produit artisanal ou technique à différents niveaux :
1. l’œuvre d’art n’a pas été ni pensée, ni crée en vue d’une utilité pratique. Si la technique a pour finalité de produire de l’utile, ce n’est pas le cas de l’art qui vise soit à produire du beau, soit du sens , de l’émotion…..L’art est dégagé de tout intérêt. C’est ce qui différencie selon Kant les arts mécaniques des arts d’agréments ( visant à produire de l’agréable comme la cuisine ou la décoration) et les Beaux-arts.
2. L’œuvre d’art est unique, le produit artisanal est de série même limitée. L’originalité.
3. L’œuvre d’art est plus qu’un simple produit du travail. C’est quelque chose qu’aurait peut-être pu faire un artisan, mais à laquelle il n’aurait pu penser par manque de génie (chez Kant, ce n’est pas qu’il ait plus d’imagination que le commun des hommes , mais elle est libre par rapport à l’entendement) , d’inspiration (traditionnellement, être inspiré , c’est la capacité de se déposséder de soi, pour se laisser posséder par autre chose, Dieu chez Platon, l’essence de la Volonté chez Schopenhauer ou l’objet, l’idée chez Hegel. L’artiste est souvent vue comme une sorte d’intermédiaire au travers duquel « ça » crée , ce qui explique aussi pourquoi bien souvent, cela le dépasse aussi), d’artiste en lui. Ce fut le 2ème point du débat lors du Procès Brancusi contre les Etats-Unis en 1926, à cause de L’oiseau dans l’espace, l’autre point étant celui de la représentation en art ( opposition entre art classique figuratif et art moderne abstrait ou non représentatif).

II. art et imitation

Si on part du principe que l’art doit représenter , figurer et donc imiter quelque chose il ya 2 conceptions :

1 . la conception « naturaliste » selon laquelle l’art doit imiter la nature telle qu’elle apparaît. Elle est par exemple soutenue par Aristote qui constate que l’imitation est naturelle chez l’homme , qu’on apprend en imitant et au travers de l’imitation, que ce qu’on apprécie c’est le fini dans l’éxécution, et que l’homme peut imiter aussi bien ce qui est, que ce qui doit être.
A cette conception s’opposent :
a. Platon (cf ; cours sur la technique)
b. Hegel : texte manuel
cette imitation est superflue, toujours inférieure au modèle, « l’art ne peut offrir qu’une caricature de la vie », des illusions unilatérales ne s’adressant qu’à un seul de nos sens. Et surtout, cette imitation n’a aucun intérêt, ce n’ est qu’un simple exercice technique, non de l’art .Car la mission de l’art est autre : il doit incarner un contenu spirituel dans une forme matérielle. Si l’art doit représenter quelque chose, c’est l’humain, l’Esprit non la nature.
c. O. Wilde : vouloir que l’art prenne pour modèle la nature, c’est considérer qu’elle est digne d’être imitée, c’est-à-dire belle. Or la nature est « an-esthétique ». c’est par l’art, et le regard éduqué par l’art, qu’elle devient belle. D’où différence entre regarder et voir. « La nature est notre création »
d. Si l’art doit imiter la nature, la réalité, on peut se demanderoù est cette réalité ? est-elle ailleurs que dans notre représentation, notre rationalisation , notre pensée de celle-ci ?
2. Conception « spiritualiste »
ici on remet en question les présupposés de la précedante et on propose que l’art doit imiter non plus la nautre naturée mais la nature naturante.
Comme le montrent les textes de Dubuffet et de bergson,
A -ici, on commence par s’interroger sur ce qu’on appelle réel et réalité. La réalité se constitue dans notre représentation. Or il faut être conscient que cette représentation peut être piègée (si on s’arrête à ce qu’on pense voir ; illusion première ; ex. Paradox after Courbet de john de Andrea 1988), qu’elle peut être partielle (il y a des objets , des choses qu’on ne voit même plus ; ils sont noyés dans une habitude de voir , dans une vision utilitaire ; ex : les ready-made de Marcel Duchamps). L’art entend montrer aussi que tou est digne d’être représenter, ex : les vieux souliers à lacets de Van Gogh,analysés par Heidegger.
B -ensuite il y a la volonté de jeter sur le monde un regard neuf qui rompt avec le ragard commun , utitaire et superficiel. L’artiste serait celui qui a un regard autre, plus perçant capable de voir par delà les conventions, les apparences, l’essence, la réalité même. Contemplateur, voyant, il voit mieux, autrement et plus en profondeur. « L’art n’imite pas le visible il rend visible l’invisible » dira le peintre Klee.
C -d’où la conception spiritualiste : Si le geste créateur divin consiste comme le disait Platon à « laisser surgir la nature », l’objectif de Leonard de Vinci dans son Traité sur la peinture était de le retrouver, car il dit : « en art, il faut découvrir dans chaque objet la manière dont il se dirige dans son étendue, une certaine ligne fluctueuse qui est comme son axe générateur ». En effet, l ‘art doit retrouver la manière dont les choses apparaissent dans la Nature, s’offrent au regard. L’art doit laisser en quelque sorte la création se faire. C’est ce que Michaux semble suggérer en disant à propos du peintre Klee : « il laisse rêver la ligne, la laisse se faire ligne, aller ligne ». L’art doit retrouver l’esprit créateur de la Nature, sa force formatrice et créatrice. L’art n’imite plus la nature naturée ( d’où possibilité d’abandonner l’art figuratif pour l’art abstrait) mais la Nature naturante, c’est-à-dire soit le Geste Créateur divin, soit la volonté originelle, l’essence des choses. Si l’artiste imite encore quelque chose , c’est comme le disait Schelling « la force créatrice » , « l’esprit de la nature ».
Comme le dit KLEE (1928-1962) , « l’art n’imite pas le visible ; il rend visible l’invisible ». Cet invisible , c’est soit ce que l’homme en général ne voit pas (faute d’attention, d’expérience), soit ce qu’il ne peut pas voir , condamné à rester à la surface des choses. Lui ne voit que les apparences phénoménales, physiques, l ‘artiste serait lui capable d’imaginer ( libre jeu des facultés chez le Génie, producteur d’Idées esthétiques) ou de voir. A ce moment là, l’art n’est plus une simple imitation de l’apparence sensible des choses s’offrant à la sensibilité du spectateur mais l’expression sensible d’un contenu métaphysique, spirituel s’adressant à l’esprit de ce même spectateur. Comme le disait Schopenhauer de la musique, l’art « ce qu’il y a de métaphysique dans le monde physique la chose en soi de chaque phénomène » L’artiste est « un voyant », dira Merleau -Ponty dans L’œil et l’esprit L’artiste se fait le clair miroir du monde et ses œuvres sont des épures de la génèse des choses et de leur sens , de ce qu’elles représentent. On peut pour éclairer cela reprendre ici les analyses de Schopenhauer.
A cette conception de l’art est liée une certaine conception de la beauté. La beauté n’est pas une affaire subjective. Il y a des critères objectifs de Beauté et ces critères sont les lois naturelles de la création. Il y a dans les choses naturelles une belle harmonie, une perfection. Cette perfection vient du fait que la nature est régie par des lois mathématiques de proportion et autres, la nature est rationnelle.
Idée que mettra en scène Platon dans le Timée , où , imaginant la création du monde par un démiurge « imposant un ordre au chaos initial », ce démiurge utilise pour créer les éléments premiers (eau, air, feu et terre) des solides réguliers (tétraèdre, octaèdre,…ayant pour face un triangle équilatéral)) et l’univers entier est lui-même un dodécaèdre (proche d’une sphère) dont la surface est composée de 12 pentagones, construit à partir de triangles isocèles.
Et imiter la nature, c’est retrouver ces lois génératives, cette rationalité de la nature. Et l’œuvre d’art s’adresse dès lors plus à l’esprit qu’aux sens. Et donc dans le jugement « c’est beau », il y a comme le disait Bossuet , « un raisonnement caché que nous n »apercevons pas car il se fait fort vite ». Il y a une science de l’art qui est d’abord science de la nature. L’architecture, la peinture sont soumises à une nécessité géométrique.
C’est ce qu’on retrouve par exemples avec la célèbre section dorée ou le nombre d’or, issue d’un théorème de Pythagore et reprise par Léonard de Vinci. Cette section définit le rapport harmonieux d’un tout avec ses parties. Si on prend un droite AB et qu’on la coupe en un point C , il y aura une proportion harmonieuse si AC/CB=AB/AC=1,618….. Cette proportion se retrouve dans le corps humain (parfaitement proportionné !), dont le nombril divise la hauteur totale suivant cette section dorée. Idem pour hauteur du visage/distance entre arcade et menton, pour distance bas du nez au bas du menton/ distance commissure lèvres au bas du menton. Ce nombre 1,618 … correspond de plus à la limite vers laquelle tend si on la met en fraction la série dite de Fibonacci : 1,1,2,3,5,8, 13… . 1 / 2 =2 /3=3/5=5/8= 8/13= 1,618… . Or cette série permet de construire une spirale logarithmique à courbure constante, qui est exactement la forme de coquillages comme le nautile. La nature est donc déjà structurée sur le nombre d’or. De plus Zeysing démontre que cette section se retrouve dans l’écartement angulaire (angle de 137°30’28 ») des feuilles par rapport à la tige des plantes , étant ainsi au maxi exposées au soleil. L’harmonie , l’ordre de la nature est finalisé.

Donc dans cette « conception spiritualiste », l’art n’imite plus la nature telle qu’elle apparaît mais telle qu’elle se constitue. L’art essaie de produire comme la nature produit en retrouvant ses lois internes. La beauté est dans la nature et l’art la retrouve en créant comme la nature crée . Et comme le dira Bergson « c’est à force d’idéalité qu’on reprend contact avec la réalité » et il y dans la nature une rationalité, un esprit , une idée que l’art entend retrouver en l’observant, en la contemplant.
Ce qui soulève le problème de la hiérarchie entre la beauté naturelle et la beauté de l’art autour de la notion de finalité.

III . art et beauté

A. la question du Goût
Si on part du principe que la finalité de l’art est de produire du beau, pour certains le jugement de beauté est subjectif, dans le sens où il n’y a rien dans l’œuvre , pas de qualités objectives qui feraient que tout homme la déclarerait belle, même si selon les cultures, les modes, il y a des points communs, des critères définis et dans le sens où ce jugement dépend de chacun. Je peux trouver belle une œuvre qu’un autre peut trouver laide. C’est la position de Hume, « la beauté n’est pas une qualité inhérente aux choses, elle n’est que dans l’âme qui les contemple et chaque âme voit une beauté différente ». L’iniformité du goût viendrait soit de l’uniformité naturelle de la sensation, soit d’une uniformisation culturelle et sociale. Mais pour Kant , la beauté est universelle. On croit le contraire car on confond agréable et beau. La beauté est autre chose que le simplement joli ou agréable aux sens. Il précise que le jugement de beauté est un jugement désintéressé (non jugement sensible) non déterminant mais réfléchissant ( ni un jugement de connaissance). Qu’est-ce qui fait qu’on déclare belle une chose, en prétendant pouvoir étendre universellement ce jugement ?
C’est que 1. « Est beau ce qui plaît universellement sans concept »
2. « la beauté est la forme de la finalité d’un objet en tant qu’elle y est perçue sans représentation d’une fin » d’où libre jeu des facultés, imagination et entendement, d’où plaisir esthétique de l’âme.

B. L’EVOLUTION ( ou plutôt la disparition !) DE LA NOTION DE BEAUTE
« Qu’est-ce que le beau ? » s’interrogeait Socrate dans Hippias majeur de Platon. A cette question , on a longtemps donné une réponse en avançant QUATRE définitions objectives ( propriétés présentes dans l’objet) canoniques (valant pour référence dans le jugement esthétique ) du beau idéal : 1° le beau , c’est l’harmonie 2° le beau, c’est l’utile 3° le beau, c’est le Bien, 4° le beau comme plaisir (de la vue et de l’ouïe) MAIS cette question de la beauté ne se pose plus. On ne peut plus soutenir l’idée d’un beau idéal. L’art moderne du 20ème n’a plus rien à voir avec cette question. Comme l’a écrit P.Valery « la beauté semble une sorte de morte », l’œuvre d’art veut rompre avec les codes esthétiques traditionnels. Comme le dit Rimbaud, « Tu es las de ce monde ancien (…) tu en as assez de vivre de l »antiquité grecque et romaine ». L’œuvre d’art n’a plus à être belle, comme le dit Claudel « Voilà déjà longtemps que l’idée de beauté s’est rassise ».
L’art du Xxème siècle est en mutation , particulièrement dans les arts plastiques. « L’art est mort » dira Hegel. En fait, c’est l’art comme expression du sacré qui est mort. Cette mort était annoncée dès la Renaissance car à ce moment là la création artistique acquiert une certaine autonomie jusqu’à ce qu’apparaissent les musées. L’art s’autonomise à partir du XVIème siècle visant une fin nouvelle qui concerne l’homme privé, l’émotion esthétique avec le début de l’humanisme. A la fin du XIXème , la mort est effective. L’art cesse alors d’avoir un référent extérieur que ce soit : -un modèle à imiter (depuis l’invention de la photographie, première expérience entre 1816 et 1827 par Niepce, apparition du mot en 1839, la copie de la réalité par la peinture devient inutile )
– un spectateur dont il faut tenir compte : on se libère de la perspective nécessaire si on tient compte du regard du spectateur immobile sous un angle unique. : il ne s’agit plus de produire des illusions. -des règles savantes de l’académisme ; à présent c’est la science qui se met au service de l’art avec par ex . de Xenakis (1922- )en musique avec la création et l’utisation de machines électroniques.
C’est avec l’œuvre de Cézanne (1839.1906) , avec La montagne Sainte -victoire que commence effectivement la modernité. Il y avait déjà des changements préfigurant cette rupture , chez certains artistes figuratifs réalistes du XIXème comme Turner, Courbet ou Manet, auprès duquel Cézanne s’est formé. La rencontre de l’impressionnisme va être décisive ( avec Pissarro en particulier). Peu à peu, à partir de 1872, après une période « romantico-baroque », Cézanne va éclaircir sa palette, raccoucir sa touche,travailler plus les tons que le modelé pour finir par organiser des plans sans perspective, de faire des jeux de taches et de facettes. L’impressionnisme , c’est le parti pris de travailler sur le motif,, en plein air,en privilégiant la sensation de l’artiste en introduisant le temps en peinture (le transitoire, le changeant, l’éphémère). On renonce à dessiner les contours, on bannit le noir, on recherche les vibrations colorées .L’impressionnisme n’est plus seulement une école, c’est une manière d’être. Cézanne inspirera le fauvisme, le cubisme et certaines formes de l’abstraction.
A partir de 1908 jusqu’en 1960, commence la deuxième période de la modernité, avec le cubisme et l’abstraction, qui ne font que poursuivre la révolution entamée (surface plane, référence à une irréel ). Cet accomplissement mène à cette fin de la peinture que semble constituer le Carré blanc sur fond blanc de Malevitch (1878-1935) . Une tendance primitiviste teintée d’expressionnisme (Van Gogh, Gaugin redécouverte de l’art primitif, irréalisme de la couleur, déformations) l’amène à un cubo-futurisme, puis à un cubisme synthétique et à l’intuition en 1913 du suprématisme. L’économie suprême du blanc sur blanc, on retrouve l’unité originelle avec le tout. C’est la fin de la peinture de chevalet, les frontières entre peinture, sculpture et architecture sont abolies. On se rend compte comme le dira Kandinsky que « le blanc regorge de possibilités vivantes ». Le tableau s’anime, entre en mouvement et dans le temps. C’est le cas par exemple du Nu descendant un escalier de Marcel Ducamps en 1912, où le mouvement est décomposé en phases successives. La peinture dépasse la peinture. L’art conceptuel refuse la notion de toile comme image d’une réalité extérieure, il y a une œuvre dans son être physique qui se présente et qui parle un autre langage , un métalangage.
On entre dans la troisième période qui commence en 1960 , celle de l’art conceptuel, du non-art, de l’anti-art. Ici on est en rupture tout en étant en continuité avec la période précédente qui a été aussi marquée par le dadaïsme et le surréalisme :
-Le dadaïsme, dont Marcel Duchamps à partir de 1915 est un des représentants avec Picabia, se pose comme un refus des contraintes idéologiques et artistiques. Cela se voit dans l’attitude subversive des œuvres et revues, dans les productions délibérement anti-tradition (collages d’ordures de Schwitters) mais aussi dans les Ready made iconoclastes qui sont des objets pris tels quels et promus dérisoirement œuvres d’art par une signatures ou une exposition au milieu d’autres œuvres. C’est le cas en 1914 du Sechoir à bouteilles, de l’urinoir intitulé Fontaine en 1917. L’esthétique devient éthique et l’art est un geste qui affirme la responsabilité morale de l’artiste. Les artistes considèrent que la folie meurtrière de la 1ère Guerre mondiale, le mépris de la vie font que désormais « il est inadmissible qu »un homme laisse une trace de son passage sur terre » (Breton) Le dadaïsme est un nihilisme, un attentat contre l’idée même de Beau. Mais en 1965, les artistes avant-gardistes , justes sortis des Beaux-arts vont faire une expo portant pour titre Vivre ou laisser mourir, ou la fin tragique de M. Duchamps . Ils reprochaient à celui-ci d’être rester très classique et peu critique en continuant à signer ses œuvres. Or, pour eux « mieux vaut travailler sans signer que signer sans travailler » . Ils veulent redonner à l’art sa fonction sociale et refuse de faire de l’art la simple production d’œuvre d’art qui seraient exposées , prisonnières des musées.
-le Surréalisme, né d’une réaction contre ce pessimisme nihiliste dadaïste, essaie lui de sauver l’art en s’émancipant de l’objet extérieur qui reste la référence même dans le cubisme. On parie désormais sur l’automatisme, le rêve, le hasard,le jeu. On n’a pas rénoncé à produire du beau, mais plus du beau au sens classique du terme. Cette beauté ne vient pas de l’harmonie méditée des parties (rejetée au nom de l’automatisme), ni de l’utilité qui est assimilée à la morne et répressive quotidienneté qu’on entend fuir, ni d’un bien moral qui est social et conventionnel, ni même du charme des couleurs et des matières purement décoratif. La beauté vient de l’étrangeté, de la nouveauté. Comme le dira Lautréamont, « beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d »un parapluie et d »une machine à coudre ». André Breton parle d’ « une beauté convulsive » qui se caractérise par 3 couples d’adjectifs contradictoires ou dialectiques : érotique-voilée (opposée à la beauté de la nudité classique froide, désincarnée, cadavérique), explosante-fixe (un objet réel ; déterminé mais renvoyant à une infinité de connaotations imaginaire, à une explosion d’images conscientes ou inconscientes), magique-circonstantiellesMais le surréalisme reste malgré tout, bien que métaphorique et onirique,figuratif. L’art conceptuel entend lui faire primer l’idée sur la realisation matérielle de l’œuvre.
En tout cas avec l’art moderne, c’est l’avènement d’une nouvelle esthétique qui n’est plus une esthétique de la beauté, mais celle de la création. . L’art moderne implique que ce qui importe dans l’œuvre est son caractère créateur, original, inédit , sublime, plus que sa beauté (voire même à l’exclusion de sa beauté). L’impact des œuvres a changé, le critère n’est plus la beauté mais l’originalité (l’originellité aussi). Selon Malraux, une œuvre d’art n’a plus à être belle mais impressionnante. Esthétique du laid, du repoussant ,de l’odieux ou horribles (étalages sanglants de boucherie humaine, dans La mariée de Spoerri en 1973). Le tout est de susciter une réaction, un intérêt, comme d’une autre manière les œuvres qu’il faut toucher, voire la créer soi-même en partie ( Ex : Le pénétrable sonore de Soto qu’il faut traverser pour qu’il produise une « musique » assourdissante de cloches de cathédrale.)

IV . art et société
Kandinsy : « toute œuvre d’art est l’enfant de son temps et la mère de nos sentiments »

L’art et la société entrtiennent un rapport dialectique : l’art s’inspire de et reflète la société, même si c’est un reflet libre. Par ex. , Guernica de Picasso, ou les dadaïstes et surréalistes dans l’après-guerre, où faire de l’art devient un geste éthique et politique, où le refus de représenter l’homme et le réel dans le Non-art vient du principe que vu les agissements de l’homme « il est inadmissible qu’un homme laisse une trace de son passage sur terre » selon Breton. Ou en réaction au nazisme ; un abandon du réalisme pour l’art brut, naïf ou au contraire stylisé ; on ne peut plus représenter ce qui est. Ou Paul Klee disant : « plus le monde est terrifiant et plus l’art devient abstrait ». Ou l’art américain , produit à la chaîne, représentant les objets de consommation, comme Andy Warhol.
Mais si l’art réflète une société à une époque déterminée , il semble que pardelà son objet particulier daté, il ait un contenu universel. Comme s’en étonne paradoxalement Marx ( car selon sa théorie matérialiste historique , l’art comme production de la superstructure culturelle se devarit être le reflet de l’infrastructure économico-sociale ! !) , comment expliquer sans cette dimension universelle et intemporelle, le succés , le plaisir apporté encore aujourd’hui devant des œuvres du passé. Comment expliquer que des sociétés peu développées socialement, techniquement, comme les Cités grecques aient pu voir naître des chefs d’œuvres ? Comme le disait H. Lefbvre « puisque certaines œuvres se détachent de leur temps, c »est qu »elles se rattachent à quelque chose d »éternel ».

       On peut également remarquer que dans toutes les sociétés et cultures, depuis l’aube de l’humanité, il y a et il y a eu art. Cela s’explique selon Hegel par un besoin universel d’art. L’homme n’est pas seulement artiste par plaisir ou pour se divertir, mais parce qu’il est nécessaire pour lui de s’exprimer artistiquement. Comme dans les fruits de son travail, à travers l’œuvre artistique , il peut s’affirmer comme individu et homme. De même on a besoin de voir de l’art, d’être spectateur, non pas pour satisfaire nos désirs, ni par curiosité intellectuelle, mais par besoin spirituel de contempler l’esprit. Selon Kandinsky l’art serait « le pain quotidien de l’âme » ( texte p.447)

    Enfin on peut même voir dans l’art une fonction morale. « le beau est le symbole du bien moral » disait Kant. Hegel verra dans l’art un moyen d’éveiller l’âme de « renseigner l »homme sur l »humain » et de l’inviter à faire le bien en 2 temps :
– « en adoucissant la barbarie naturelle » de l’homme liée à sa grossièreté primitive, venant de l’indiscipline de ses instinct et désirs. Exprimer dans l’œuvre, ses instinct et désirs est un moyen de lews extérioriser, de les déconcentrer et de prendre de la distance par rapport à eux pour pouvoir en prendre conscience et les juger.
– à partir de là, l’art peut avoir un effet cathartique qu’Aristote avait déjà défini comme propre à la tragédie grecque inspirant , devant un malheur familial né de l’ignorance du héros et s’achevant dans la souffrance, terreur et pitié. En représentant ainsi le mal et les conséquences de l’ignorance et de l’aveuglement du désir, l’art à un effet moral , il est « susceptible d’encourager l’esprit et l’âme dans la lutte contre les passions » selon Hegel. En imitant le mal, on montre le bien.