Clonage ou pas clonage?

13 janvier 2009 0 Par caroline-sarroul

2005, Réalisateur Mickael BAY

CNE – Comité National d’Ethique (1997) 

 

En quoi le clonage humain est-il un problème éthique ?  

L’intense émotion qu’a suscitée partout dans le monde l’éventualité désormais plausible de futurs clonages d’êtres humains, la condamnation véhémente de toute perspective de cet ordre à partir de convictions très diverses pourraient suggérer que la question éthique posée serait en quelque sorte tranchée d’avance. Rien pourtant ne serait plus dommageable, en une affaire d’un tel enjeu, que d’en venir à des conclusions et le cas échéant à des dispositions juridiques en ayant fait si peu que ce soit l’économie d’une réflexion philosophique et morale approfondie, et cela en particulier pour deux raisons :

1) Si l’on doit en fin de compte se prononcer pour l’interdiction légale de tout clonage reproductif de l’être humain, il est de haute importance que l’argumentation éthique invoquée apparaisse le plus possible probante à l’échelle internationale comme nationale afin que des mesures concertées soient prises en ce sens partout dans le monde, condition indispensable de leur efficacité. La plus grande exigence est donc requise dans l’évaluation des attitudes et des arguments susceptibles d’être avancés en l’occurrence.

2) Un tel effort de réflexion ne saurait être ajourné au motif que le clonage d’êtres humains serait aujourd’hui pure hypothèse d’école dont les conditions de réalisation sont fort loin d’être réunies : l’histoire de la recherche biomédicale montre justement la nécessité d’une réflexion éthique menée le plus possible en amont des recherches envisagées pour prévenir les faits accomplis. Pas davantage le sérieux de la question ne peut être sous-estimé en raison de la place qu’y occupe l’imaginaire, voire la science-fiction. L’afflux à Edimbourg de candidatures au clonage, parmi lesquelles celles de personnes très fortunées, atteste de la légèreté qu’il y aurait ici à identifier le fantasmatique à l’irréaliste.

L’idée d’une banque de sperme de titulaires du prix Nobel pour donner naissance à des génies reposait aussi sur une patente aberration fantasmatique. Elle n’en a pas moins vu le jour et fait des dupes.Une réflexion éthique sérieuse s’impose quand il y va, à un titre ou à un autre, de la dignité de l’être humain.

Le problème éthique qui se pose ici à nous concerne l’éventualité désormais concevable du clonage reproductif d’êtres humains , c’est-à-dire, conformément aux définitions formulées plus haut, d’une production d’embryon à partir d’une cellule somatique ou embryonnaire et de son développement mené jusqu’à son terme, aboutissant à la naissance

d’un enfant. Si la cellule clonée était prélevée sur un organisme développé, enfant ou adulte, le résultat serait un être humain dont le génome nucléaire serait identique à celui de l’individu d’origine. Si la cellule clonée était prélevée sur un embryon en cours de développement et aussitôt transférée in utero , ce résultat prendrait la forme d’une quasi-gémellité provoquée, non nécessairement limitée d’ailleurs à deux exemplaires. Dans les deux cas, un ou des êtres humains seraient engendrés par reproduction asexuée, comme des copies identiques entre elles et avec l’organisme d’origine quant à leur génome nucléaire. En d’autres termes, il s’agirait de la production d’individus, isolés ou en nombre, presque aussi semblables sur le plan biologique que des jumeaux vrais, mais pouvant naître avec un décalage dans le temps susceptible d’enjamber une ou plusieurs générations.Comme il l’a été indiqué plus haut, le clonage reproductif aboutissant à la naissance d’êtres humains doit être bien distingué du clonage non reproductif , qui ne conduit pas à la naissance d’un enfant. La notion de clonage non reproductif recouvre elle-même deux sortes de techniques déjà usitées ou envisageables : – la production et la culture de cellules d’origine embryonnaire ou adulte qui ne peuvent donner lieu par elles-mêmes à la constitution d’un embryon. Ces techniques, couramment pratiquées et très précieuses pour la recherche diagnostique et thérapeutique, posent des problèmes éthiques qui ne diffèrent pas fondamentalement de ceux qu’ont déjà conduit à traiter d’autres aspects de la recherche biomédicale. L’utilisation possible de cellules dérivées de cellules souches embryonnaires humaines fait l’objet d’un avis du Comité Consultatif National d’Ethique qui sera prochainement présenté ;       – la production d’embryons dont le développement serait arrêté à un stade plus ou moins précoce pour obtenir des cellules immuno-compatibles à des fins de thérapie cellulaire. Rappelons à cet égard que la création de novo d’embryons humains en dehors d’un projet parental et aux seules fins de recherche a été interdite par la loi française en date du 29 juillet 1994, loi qui doit faire l’objet d’un réexamen en 1999.

 

L’objet tout différent et profondément nouveau du présent document est la perspective d’un éventuel clonage reproductif d’êtres humains, c’est-à-dire celle d’ un véritable bouleversement de la condition humaine elle-même, dont les implications dans l’ordre de l’éthique et du droit apparaissent d’emblée sans commune mesure avec celles du clonage non reproductif. C’est à cette seule question que sont consacrées les réflexions qui suivent.

1. Identité génétique et identité personnelle : une grave confusion à dissiper: un éclaircissement préalable s’impose. Dans ce qui, en France ou ailleurs, s’est écrit depuis l’annonce de l’existence de Dolly sur la perspective du clonage reproductif d’êtres humains, on constate en effet qu’est souvent admise comme allant de soi la croyance que la complète identité génétique de deux humains entraînerait ipso facto leur complète identité psychique. Il apparaît même que, pour certains, un individu produit par clonage serait en quelque sorte une autre incarnation du sujet cloné. Et c’est justement cette supposée réduplication à l’identique d’un  » je » humain en un autre corps par bouturage génomique qui attise chez plus d’un la compulsion d’échapper ainsi à la mort individuelle ou d’y faire échapper un être cher. Or on peut l’écrire en toute assurance : l’idée qu’une parfaite similitude génétique entraînerait de soi une parfaite similitude psychique est dénuée de tout fondement scientifique . L’identité biologique d’un individu ne peut déjà être réduite à son identité génétique nucléaire , à cause du rôle de l’hérédité cytoplasmique (mitochondriale) et surtout de celui de l’épigénèse dans le développement. On sait par exemple que, chez deux jumeaux vrais adultes, ni l’organisation cérébrale ni même celle du système immunitaire ne sont identiques dans leurs détails. A plus forte raison l’identité de la personne dans ses dimensions psycho-sociales le peut bien moins encore, puisqu’elle se constitue essentiellement au travers et à partir d’une individuation subjective et biographique inépuisablement singulière et foncièrement irréductible à quelque programmation génétique que ce soit. Aussi n’y aurait-il nul bon sens à admettre qu’un adulte et son double clonal, né par conséquent bien après lui et ayant vécu une histoire individuelle tout autre, puissent être tant soit peu assimilés à une seule et même personne en double exemplaire. Le croire serait être victime de l’illusion réductrice dont est porteuse l’affligeante confusion entre identité au sens physique du même ( idem ) et au sens moral du soi-même ( ipse ). Faire la clarté sur ce qu’a de mystifiant une telle représentation des choses est d’importance non seulement théorique mais pratique. Cela met en effet en lumière l’inconsistance de certaines objections trop peu méditées à la perspective d’un clonage reproductif d’êtres humains, mais aussi, du même coup, celle du fantasme de reproduction de soi ou d’un proche et de survie identitaire qui semble hanter bien des demandes de mise au point d’un tel clonage. Dans la mesure où rendre manifeste le caractère parfaitement fallacieux d’une telle prétention est de nature à décourager des candidats qui seraient aussi des commanditaires, l’éthique a tout à y gagner.

 

2. Clonage reproductif : des bouleversements inacceptables de la condition humaine: cette remarque faite, deux sortes de considérations éthiques retiennent l’attention. A se placer d’abord sur le terrain des effets qu’opérerait sur les personnes et leurs rapports un clonage reproductif d’êtres humains, on ne peut manquer d’être saisi par leur caractère inadmissible en conscience. Si le fait d’avoir même génome n’entraîne nullement que deux individus aient aussi même psychisme, le clonage reproductif n’en inaugurerait pas moins un bouleversement fondamental de la relation entre identité génétique et identité personnelle dans ses dimensions biologiques et culturelles. Le caractère unique de chaque être humain, dans quoi l’autonomie et la dignité de la personne trouvent support, est exprimé de façon immédiate par l’unicité d’apparence d’un corps et d’un visage, laquelle résulte de l’unicité du génome de chacun. Certes, les jumeaux vrais constituent en un sens une exception à cet état de choses – exception rare, fortuite et limitée à des frères ou sœurs nés en même temps -, mais aucun des deux ne saurait être tenu pour une copie de l’autre : plus semblables entre eux que des non-jumeaux, ils n’en sont pas moins chacun soi-même à part entière. On peut se représenter au contraire vers quelle réalité sociale nous orienterait une production de clones qui ne serait plus de hasard ni d’exception, et n’exclurait d’ailleurs plus les décalages dans le temps. Etres humains psychiquement individualisés comme des personnes singulières malgré leur similitude génétique, ils seraient cependant vus – au sens propre et figuré – comme des répliques à l’identique les uns des autres et de l’individu cloné dont ils seraient effectivement la copie. Ainsi serait minée la valeur symbolique du corps et du visage humains comme supports de la personne dans son unicité. A la différence de Dolly, des clones humains sauraient qu’ils sont des clones ; ils se sauraient aussi reconnus tels par autrui.Comment ne pas voir l’intolérable chosification de la personne que recèlerait une telle situation ? Et qui peut assurer que pareille déstabilisation de représentations sociales cardinales n’ouvrirait pas la voie à des tentatives de création utilitaire de variétés humaines, c’est-à-dire à la production de nouvelles sortes d’esclavage, qu’osent évoquer avec une insouciante faveur quelques scientifiques connus ? A l’importance de cette unicité de la figure physique de l’être humain se lie celle de son indéterminabilité génétique. Respecter l’autonomie de la personne, sa liberté et par là sa dignité commande entre autres d’accepter ce trait primordial de la condition humaine : ce que sera dans son idiosyncrasie génétique un individu est et doit demeurer pour l’essentiel indécidable par quiconque . La grande loterie de l’hérédité, avec son inépuisable incertitude, constitue sous ce rapport une protection majeure de l’être humain contre une éventuelle volonté parentale ou sociale de le prédéterminer. Certes, les progrès du diagnostic prénatal et préimplantatoire créent la possibilité technique que des enfants à naître soient exempts de certaines affections génétiques graves, et aussi qu’ils soient porteurs de caractéristiques biologiques choisies par les parents. Mais, pour limitée que soit aujourd’hui cette dernière possibilité, elle ne va justement pas sans poser déjà de graves problèmes éthiques du point de vue même de l’autonomie de la personne ni sans justifier les mesures d’interdiction légale adoptées en ce domaine par de nombreux pays. Or ce que le clonage reproductif d’êtres humains rendrait envisageable est à cet égard d’une gravité tout autre : prédéterminer non point quelques mais bien toutes les caractéristiques génétiques d’un futur être humain, faisant de lui la véritable chose de son ou ses décideurs, qu’il s’agisse de cloner un individu adulte ou de provoquer une gémellité au stade embryonnaire (cf. partie B, paragraphe I. b ). L’organisme d’un individu ainsi produit servirait en somme de moyen d’expression à un génome choisi par un tiers. Un tel projet peut-il être jugé autrement que comme un attentat à la condition d’homme ? Ce n’est pas tout encore. Il suffit d’envisager un instant ce que représenterait le passage de la procréation d’un enfant par ses deux parents à la reproduction d’un être humain par un équivalent de bouturage végétal pour mesurer de quelle dislocation de la parenté, voire de la temporalité généalogique un tel clonage serait également synonyme . Car il y a un paradoxe du clone : en même temps que l’individu ainsi produit serait l’exacte réplique chromosomique de celui dont il proviendrait, il en différerait foncièrement par un mode de production tout autre, sans fusion de gamètes, l’éventuel couple parental se transmuant sur le plan biologique en association d’un fournisseur – homme ou femme – de noyau cellulaire et d’une prestataire d’ovocyte porteur de clone. Bien que les anthropologues nous décrivent des systèmes de filiation très différents de ceux dont usent nos sociétés, aucun ne fait l’économie de deux parents biologiques à part entière, pour la simple raison que tous reposent sur l’universelle expérience de la reproduction sexuée. Asexué dans son principe, le clonage reproductif inaugurerait donc un mode de filiation très hautement problématique. De plus, par un brouillage de toute séquence familiale, l’individu né d’un clonage serait à la fois le descendant d’un adulte et son jumeau. A la limite serait ainsi vidée de sens l’idée même de filiation. Quant à la coexistence au sein d’une même population de personnes nées par procréation de deux parents et d’autres chromosomiquement issues d’un individu unique par reproduction asexuée, elle susciterait d’inextricables problèmes d’identité civile en même temps sans doute que le risque incalculable de nouvelles discriminations.

 

3. Clonage reproductif : une inadmissible instrumentalisation de la personne: aucune motivation, pour valable qu’elle puisse paraître en elle-même, n’est en mesure de légitimer un projet aussi redoutable : la fin ne saurait justifier le moyen. Pour autant, il est d’autant moins superflu d’entrer dans l’examen de ces motivations possibles que la réflexion éthique y trouve les plus fortes raisons supplémentaires de condamner tout clonage reproductif d’êtres humains comme toute recherche susceptible d’y conduire. Quelles que soient les finalités alléguées en faveur d’un tel projet, les unes présentables, d’autres au contraire à peine énonçables, elles offrent toutes ce trait commun que, dans leur principe même, elles reviennent à projeter de mettre au monde un ou des êtres humains non comme libres fins en soi mais comme purs moyens au service d’objectifs préalables qui leur seraient, fût-ce en dépit des apparences, foncièrement extérieurs. Le clonage reproductif d’êtres humains n’est donc pas seulement inacceptable en raison de ses prévisibles effets sur la condition humaine. Il l’est aussi en ce que les fins même au nom desquelles certains peuvent croire le justifier reviennent à faire un but en soi non du clone lui-même mais du clonage, et entraînent nécessairement par là une instrumentalisation de la personne qu’il s’agirait de faire naître. De prétendues  » applications médicales « : comme s’il pouvait s’agir ici d’une simple extension des applications médicales présentes ou à venir du clonage de cellules humaines, quelques tentatives se font jour de légitimer le projet de clonage reproductif d’êtres humains en alléguant qu’il pourrait lui aussi répondre à des indications  » médicales » . Il s’agit là en réalité d’une formulation tout à fait abusive. A considérer ces prétendues justifications médicales, il apparaît en effet qu’elles recouvrent toujours une aliénation insidieuse ou brutale, voire le pur et simple sacrifice d’une personne à venir aux intérêts ou aux illusions d’autres personnes. C’est pourquoi la notion d' » application médicale » du clonage reproductif d’êtres humains nous paraît fondamentalement irrecevable . Il est à peine besoin de mentionner ici les projets de clonage où les êtres humains qu’on envisage de produire sont expressément conçus comme de purs instruments. C’est le cas des possibilités techniques indiquées ci-dessus (cf. partie B, paragraphes I. a et II), où un embryon ne serait créé que pour les besoins d’un diagnostic préimplantatoire ou pour la production de cellules immuno-compatibles. C’est plus brutalement encore le cas des fantasmagories dans lesquelles des êtres humains seraient fabriqués par clonage pour servir de réservoirs d’organes à greffer ou pour fournir une main-d’oeuvre génétiquement sélectionnée en vue de sa bonne adaptation physique à certaines tâches. Sous leur allure ambiguë de fiction réaliste, de telles idées recèlent une si monstrueuse inhumanité qu’on s’étonne vivement de les voir propager par des scientifiques parfois éminents dans leur spécialité. Et l’on doit attirer leur attention sur le discrédit éthique qu’ils infligent ainsi non seulement à leur oeuvre mais à leur discipline tout entière. D’autres  » applications » ont été évoquées où, au premier regard, l’individu qu’il serait question de produire par clonage serait du moins voulu et traité comme fin en soi, en sorte qu’ici nulle instrumentalisation de la personne ne paraît d’abord à relever. Ces usages hypothétiques du clonage reproductif étant particulièrement propres à abuser des personnes de bonne foi, ils appellent une analyse des plus attentives. La volonté de pallier la mort par n’importe quel moyen: certains ont ainsi mis en avant le désir de parents pouvant souhaiter que soit reproduit par clonage un enfant promis à une mort précoce. Comme on l’a souligné plus haut, l’être produit de la sorte serait en fait une tout autre personne que le disparu, mais, grâce à son extrême ressemblance physique avec lui, jointe à la croyance sans fondement qu’étant sa copie génétique il serait du même coup son double psychique, ce clone pourrait figurer pour les parents l’enfant mort ressuscité. La demande a été de même formulée de voir cloner un conjoint ou tout autre proche venant à décéder. Se sont également manifestés des candidats et candidates à leur propre clonage. Dans les représentations fantasmatiques sous-jacentes à ces désirs, tout se passe comme si le génome d’un individu était doué des attributs traditionnels de l’âme, en sorte que sa reproduction à l’identique se voit confusément assimilée à une réincarnation de la personne, imaginairement promise à une nouvelle existence tout en étant censée demeurer la même. Nul n’est bien entendu en droit de prétendre à régenter les croyances d’autrui. Mais en l’occurrence, si l’identification insensée entre un défunt et son clone devait se traduire par la mise au monde d’un être ainsi produit, il ne s’agirait plus de croyance à respecter mais de claire instrumentalisation d’une personne, et il y a exigence éthique de l’empêcher. Car, voulu pour lui-même selon un regard tout superficiel, le clone serait en vérité la prothèse d’un désir fantasmagorique où il n’aurait nulle place. En aucun cas la technique biomédicale ne saurait se mettre au service de telles divagations sans s’y pervertir scientifiquement et éthiquement : elle s’y ferait la supplétive d’une pensée magique pour une fabrication bafouant la dignité humaine. L’acharnement procréatique poussé à l’absurde: on a voulu aussi présenter comme une  » application médicale » acceptable du clonage reproductif d’êtres humains la compensation d’une insurmontable stérilité masculine ou féminine par totale absence de productie stérilité par une procréation de sorte inédite mais bien substitué à une procréation impossible, c’est-à-dire à une impossible naissance par voie sexuelle, une reproduction asexuée, avec toutes les conséquences indiquées plus haut. Il faut en particulier rappeler que l’enfant ainsi produit serait en fait un jumeau du père ou de la mère, présentant toutes ses caractéristiques génétiques y compris d’ailleurs les anomalies éventuelles du génome peut-être responsable de la stérilité. Le caractère instrumentae stérilité par une procréation de sorte inédite mais bien substitué à une procréation impossible, c’est-à-dire à une impossible naissance par voie sexuelle, une reproduction asexuée, avec toutes les conséquences indiquées plus haut. Il faut en particulier rappeler que l’enfant ainsi produit serait en fait un jumeau du père ou de la mère, présentant toutes ses caractéristiques génétiques y compris d’ailleurs les anomalies éventuelles du génome peut-être responsable de la stérilité. Le caractère instrumental d’un tel enfant du fantasme est aussi manifeste qu
e sa complète prédétermination génétique . Le désir d’enfant à tout prix ne saurait en aucune façon justifier une telle pratique, dépassant les limites de ce qu’on peut nommer acharnement procréatique jusqu’à sortir de la reproduction sexuée elle-même et, par là, de l’humaine nature.
Il n’y a donc pas une seule variante concevable du clonage reproductif d’êtres humains, que ce soit à partir d’un adulte ou d’un embryon, qui échappe à une accumulation d’objections rédhibitoire. A l’ensemble de ces titres, il ne peut susciter qu’une condamnation éthique véhémente, catégorique et définitive. Une telle pratique, mettant en cause de manière radicale l’autonomie et la dignité de la personne, constituerait une grave involution morale dans l’histoire de la civilisation. Aussi y a-t-il lieu de se demander s’il ne conviendrait pas de qualifier juridiquement, en vue de son interdiction universelle, l’atteinte dégradante à la condition humaine , dont le clonage reproductif constitue le net exemple.