Le goût des autres et de la culture

31 janvier 2009 0 Par caroline-sarroul

 Monsieur Castella est un chef d’entreprise peu porté sur la culture. Pourtant, un soir, en allant par obligation assister à une représentation de « Bérénice », il tombe en adoration du texte et de l’actrice principale, Clara. Par une coïncidence, celle-ci va lui donner des cours d’anglais, nécessaires à son travail.

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Castella tente de s’intégrer à ce milieu artistique mais sans grand succès. On ne bouscule pas ainsi les cadres de références et les barrières culturelles sans faire d’histoires.

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«Le goût est le sens le plus ancré dans le coeur du sujet, le sens le plus sensuel, le plus délicat, le sens le plus viscéral: il n’y a pas de goût sans dégoût et… sans vomissement: l’affirmation de notre goût ne va pas sans une intolérance viscérale pour le goût des autres comme si seul le nôtre était fondé en nature. » disait François Warin dans la question du beau dans Art. En effet, même si on pense que le beau est une affaire de goût comme Hume. On ne peut pas nier que lorsque nous trouvons quelque chose véritablement beau, nous pensons que tout le monde devrait le trouver beau. On croit alors que celui qui ne partagerait pas notre goût n’a pas seulement un autre goût mais pas de goût du tout. Même si on ne le dit pas parce que cela ne se dit pas. Il y a aussi l’idée que pour que la beauté apparaisse, il n’est peut-être pas nécessaire d’être cultivé pour la goûter. C’est en partie ce que laissait penser Kant, pour qui la beauté est universelle ou n’est pas.  » Est beau ce qui plaît universellement sans concept ». La beauté libre s’impose et elle se distingue de l’agréable ( lui dépendant des sens de chacun) et du parfait ( ou beauté adhérente qui elle présuppose une connaissance, puisque pour juger de la perfection d’une chose, il faut connaître sa fin, sa fonction ou les règles auxquelles elle obéit).

Ce film d’Agnès Jaoui en 2000 amène aussi à réfléchir sur le rapport à l’art et sur ce que c’est finalement qu’être un philistin, quelqu’un qui méprise l’art. Et on peut voir dans le simple plaisir de Castella qui ne cherche pas à paraître, à se faire valoir en achetant une peinture ou en allant au théâtre, mais parce que simplement il a découvert le plaisir de la contemplation d’une oeuvre d’art, une authentique relation à l’art en dehors de toute érudition ou tout élitisme. Cela peut-être rapproché des analyses que fait Hannah Arendt dans La crise de la culture (1963) des différentes formes de philistinisme et du rapport de l’art à la société du loisir de masse.

« On fait des grandes oeuvres d’art un usage tout aussi déplacé quand elles servent les fins de l’éducation ou de la perfection personnelles que lorsqu’elles servent quelqu’autre fin que ce soit. Ce peut être aussi utile, aussi légitime de regarder un tableau pour parfaire sa connaissance d’une période donnée, qu’il est utile et légitime d’utiliser une peinture pour boucher un trou dans un mur. Dans les deux cas, on utilise l’objet d’art à des fins secondes. Tout va bien tant qu’on demeure averti que ces utilisations, légitimes ou non, ne constituent pas la relation appropriée avec l’art. » CAR pour Hannah Arendt, une oeuvre d’art n’a d’autre « but » que « de ravir et d’émouvoir le spectateur ou le lecteur par delà les siècles ». En somme une oeuvre d’art ne peut être utilisée comme un moyen pour… elle vaut en elle-même et pour elle-même.