ES, 2010 :Une vérité scientifique peut-elle être dangereuse ?

19 juillet 2010 0 Par Caroline Sarroul

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Le corrigé proposé gratuitement par le Webpédagogique le jour du bac:

Les notions au programme : La vérité, la raison et le réel, le bonheur.

La problématique :

Le sujet portait sur un type de vérité particulière : la vérité scientifique, ou plutôt « une » vérité scientifique. Qu’entend-on par « vérité scientifique » ? Toutes les vérités sont-elles scientifiques ? Qu’une vérité puisse être dangereuse peut sembler surprenant. Ce sont plutôt les actions qui sont habituellement considérées comme dangereuses, ou les erreurs. La vérité est d’ordinaire perçue comme ce qui permet à l’homme de ne pas errer. C’est plutôt l’erreur qui est jugée nuisible. En quel sens une vérité scientifique peut-elle être dangereuse ? De quel point de vue ? Pour qui ? Il est remarquable que les découvertes scientifiques qui remettaient en cause les dogmes religieux ont toujours été condamnées (la théorie de l’évolution de Darwin par exemple). Les hommes semblent préférer l’illusion que la vérité établie par la science. Quel est donc ce pouvoir des vérités scientifiques ?

Les difficultés / pièges à éviter :

Il fallait éviter de transformer la question en « est-ce bien de savoir la vérité ? » ou « la science est-elle dangereuse ? »

La difficulté de ce sujet était qu’il pouvait conduire les candidats à constituer un catalogue sur ce qui était dangereux, et à aligner des propos anecdotiques sans réelle articulation.

Attention à ne pas confondre application technique de la science et vérité scientifique.

Le sujet faisait allusion à Nietzsche et à sa critique de la vérité.

Les références pertinentes :

  • Descartes
  • Nietzsche
  • Freud
  • Platon

Le plan proposé :

I. Une vérité scientifique est une source de certitude, et de liberté pour l’homme
II. Mais une vérité scientifique peut être destructrice
III. Le danger, c’est de faire un usage dogmatique de la vérité scientifique

I. Une vérité scientifique est une source de certitude, et de liberté pour l’homme

A. Une vérité scientifique est un danger pour les préjugés :

Pour accéder à la vérité scientifique, il faut remettre en cause nos préjugés. Selon Descartes, pour parvenir à la vérité, il faut récuser toutes les opinions qui ne sont pas indubitables. Il faut donc un certain courage pour atteindre la vérité. Il faut accepter de remettre en cause nos croyances les plus enracinées. C’est en tant qu’elle est déstabilisante que le vérité scientifique a souvent été condamnées par les autorités.

B. Mais en même temps elle fournit un point d’appui pour la réflexion :

Mais un tel scepticisme ne peut tenir longtemps. On ne peut continuellement remettre en cause toutes nos croyances sans éprouver un sentiment de vertige. L’homme a besoin d’un point d’appui, un « point d’Archimède » pour ne pas perdre pied. C’est le fameux « cogito » qui constitue, selon Descartes, ce fondement stable sur lequel la science pourra s’appuyer.

C.  La vérité scientifique libère l’homme :

Savoir la vérité scientifique libère l’homme parce qu’elle l’oblige à conduire ses pensées par ordre, à ne pas se précipiter : l’erreur est chez Descartes précipitation de la volonté sur l’entendement. Celui qui parvient à une vérité scientifique apprend à contrôler sa volonté, laisse le temps à son entendement de réfléchir.

Par conséquent, la vérité scientifique est dangereuse pour les hommes qui n’ont pas le courage de renoncer à leurs préjugés, car elle les déstabilise. Elle est source de liberté pour ceux qui la trouvent. Mais pour quelles raisons certaines personnes refusent-elles la vérité scientifique ?

II. Mais une vérité scientifique peut être destructrice

A. La souffrance de la lucidité :

Affronter la vérité n’est pas facile. L’homme a tendance à préférer l’illusion, comme le montre Freud dans l’Avenir d’une illusion. Il oppose erreur et illusion (on a intérêt à croire à cette dernière). C’est la raison pour laquelle les hommes sont religieux, selon Freud.

B. Une vérité scientifique est partielle :

La vérité est-elle nécessairement scientifique ? Pascal nous montre que la raison est limitée, et que le cœur peut parvenir à des vérités plus hautes. Le danger d’une vérité scientifique réside donc dans son caractère partiel.

C. Préférer l’illusion à la vérité ?

Nietzsche nous met en garde contre le préjugé qui veut que la vérité vaille plus que l’apparence : nous sommes attachés à la vérité parce que nous n’avons pas le courage d’assumer le chaos foisonnant des apparences. La vérité nous ramène à la mort, tandis que l’apparence relève de la vie.

Par conséquent, la vérité scientifique menace psychologiquement les hommes, est partielle et potentiellement destructrice. Faut-il renoncer à toute vérité ?

III. Le danger, c’est de faire un usage dogmatique de la vérité scientifique.

Difficile pour l’homme de refuser les vérités scientifiques. Le relativisme comme le scepticisme sont intenables. Mais comment pallier aux dangers de la vérité ?

A. Le tyrannie de la vérité

La vérité devient un danger lorsque elle n’admet plus l’erreur. Accorder trop d’importance à la vérité peut conduire à l’intolérance. Or, l’erreur est fructueuse.

B. Le dogmatisme

La vérité devient dangereuse lorsqu’elle devient un dogme : ce n’est pas tant le résultat que la démarche qui importe. Platon insistait sur l’importance de se préparer à la vérité.

C. Une vérité n’est scientifique qu’à la condition d’être mise en danger

La vérité n’est féconde que si elle est en permanence « mise en danger » ou falsifiée, confrontée à des objections. Popper nous invite au « faillibilisme » : la vérité n’est jamais définitive, elle n’est que provisoire.