Gérer autrement les enseignants?

CdCAlors que certains jugent que le ministre de l’Éducation Nationale, qui voulait refonder l’école, ne va pas assez loin avec ses réformes, voici que la Cour des Comptes vient enfoncer le clou et proposer une réforme en profondeur de la répartition des moyens, et principalement des moyens humains au sein du système scolaire (Gérer les enseignants autrement). Plus qu’une réforme, c’est même une remise à zéro des compteurs que propose la CdC.

Je vous épargne le chapitre habituel que l’on sert à la Cour des Comptes à chaque fois qu’elle se penche sur un nouveau sujet (« Ils ne sont pas spécialistes du domaine étudié »,« Ce sont des énarques dans leur tour d’ivoire qui n’y connaissent rien », « Qu’ils s’occupent de surveiller les magouilles des politiques au lieu de dire des bêtises sur notre domaine d’expertise à nous », …) et je vais plutôt regarder les principales conclusions auxquelles les mènent leurs réflexions (quelle qu’en soit la qualité).

Tout d’abord, d’après la Cour des Comptes, l’éducation ne va pas bien. Elle s’appuie notamment sur les études internationales pour dire cela, études que nous avons nous-même déjà critiqué par le passé (Voir Nos enfants savent-ils lire ?) ; argument qui peut donc laisser songeur. Ils s’appuient également sur le constat que le nombre de candidats aux concours de l’enseignement diminue fortement. Ce signe de malaise rappelle que notre profession ne fait plus rêver. C’est même une sévère crise des vocations qui a lieu, d’autant plus étonnante que le statut d’enseignant, en période de crise économique aiguë, devrait être particulièrement attractif. Est-ce la dégradation de la formation des enseignants qui fait fuir la jeunesse ? Est-ce l’assurance qu’ils ont de se retrouver ensuite lâchés dans une école difficile et face à une classe intenable ? Est-ce le salaire peu attractif au regard du nombre de dépressions que cette profession génère ? La question a le mérite d’être posée.

Concernant les solutions, la Cour des Comptes propose plusieurs choses dont les points les plus notables sont les suivants :

Plus les élèves sont en difficulté, plus on met d’enseignantsla CdC

La mesure phare est sans conteste celle de mettre plus d’enseignants là ou il y a plus de difficultés. On rompt ici avec la tradition de l’égalité de tous face au système scolaire en cherchant clairement à mettre fin a une situation intrinsèquement injuste. Deux fois plus de moyens, si ça ne diminue pas d’autant les effectifs là où le système fonctionne, pourquoi pas.

Un salaire proportionnel au travail, pas au diplôme

Plus polémique, la Cour des Comptes pointe du doigt la différence de salaire entre les enseignants titulaire d’un CAPES et les agrégés qui ont un salaire de 15% supérieur pour un service de 30% moindre. Ils proposent notamment de proposer de meilleurs salaires à ceux qui choisissent la difficulté ou qui prennent des responsabilités. Coup dur pour les détenteurs d’une Agrégation… Ou alors l’état à les moyens de revaloriser tout le système par le haut ?

Décentraliser les enseignants

La Cour préconise également de changer le mode de répartition du travail. Terminé le nombre d’heures de cours à assurer, on définirait désormais un nombre d’heures de travail annuel et des missions, et tout serait géré au niveau de chaque établissement. Les enseignants pourront donc avoir des missions et une organisation différentes selon l’établissement dans lequel ils travaillent, et il deviendra impossible de réformer les choses depuis le ministère… Il y a des syndicats qui ne vont pas aimer ça. De même, plus de concours national, mais des concours par académie pour le secondaire. Et puis une évaluation davantage en continu, voire en auto-évaluation. Encore un motif pour que le grand public dise que les enseignants ne sont pas évalués comme tout le monde.

Bref, on le voit bien, la Cour des Comptes propose des pistes de réflexions pleines de bonnes intentions dont certaines étaient déjà prévues dans les projets de réforme de Monsieur Peillon, mais ont été mal accueillies. Car en effet, une telle transformation du système exigerait un soutien massif du monde enseignant et ça, ce n’est n’est vraiment pas gagné.

Et vous, quelle proposition vous fait rêver ?
Quelle proposition vous fait bondir ?

7 réflexions sur « Gérer autrement les enseignants? »

  1. Merci beaucoup pour ces quelques éléments de réflexion, ainsi que pour le lien vers le texte intégrale de la Cours des Comptes.
    Et félicitation pour ce blog très instructif.
    Pierre

  2. Je trouve que ces propositions de la cours des comptes sont un véritable torchon!
    Encore des gens qui n’ont jamais enseigné et qui vont nous expliquer comment doit fonctionner une école.
    C’est surtout encore un pas de plus vers la libéralisation de l’éducation, et bientôt, ce seront les chefs d’établissement qui seront nos patrons, qui nous jugeront et qui fixeront nos salaires; et alors là, bonjour les dérives en tout genre.
    Encore une régression qui se fait passer pour une révolution…

  3. Le constat est connu depuis longtemps ! Il manque bien évidemment le courage politique de mettre en oeuvre les mesures qui s’imposent car les syndicats de l’EN ont l’arme absolue : la capacité d’envoyer des millions de gamins dans la rue défendre leurs intérêts.. avec le très secret espoir qu’un dérapage fasse une victime qui mettrait aussitôt un terme à toute velléité de réforme.
    C’est ainsi depuis 45 ans !

  4. Remarquable rapport de la Cour des Comptes ! Mais je suis très pessimiste car un syndicat archaïque va plomber toute évolution et saboter toute tentative d’améliorer la qualité du service. Existe-t-il des études sur les raisons qui font de la France un pays tellement irréformable dans certains domaines ?

  5. Le fond du problème, à l’Éducation nationale, et notamment à l’école primaire, est d’une part la formation des maîtres, d’autre part les programmes ou supposés tels, ainsi que les pédagogies imposées. Tant qu’on ne prendra pas en compte les contenus enseignés et comment il convient de les enseigner, rien ne changera, et nous continuerons de voir entre 20 et 40 % d’élèves arrivant au collège sans savoir lire, écrire et compter correctement, soit incapables de suivre en collège !

  6. Il faut ne jamais avoir mis les pieds dans un établissement scolaire pour préconiser des solutions comme celle-ci « les enseignants de collège pourraient délivrer plusieurs disciplines et faire des échanges de services avec les maîtres de l’école d’à côté en cas de besoins des élèves.  » La flexibilité des horaires et des missions conduiraient à un désastre. Ce qu’il faudrait sérieusement, c’est revoir les programmes . Mais de cela les comptables de la Cour des comptes n’en ont cure. Lamentable.

  7. Bonjour,
    Il faut sortir d’un système qui est géré selon des principes datant de l’après guerre. Toutes les réformes soucieuses de s’attaquer à la difficulté scolaire en introduisant de la différenciation scolaire se sont fracassées contre le mur du décret de 1950 gérant les obligations de service (et non temps de travail…) des enseignants.
    Alors trois fois oui à une remise à plat du système : plus juste paie car le service public de l’Education est vital pour la Nation, contre annualisation du temps de travail en y intégrant tout.Seule la transparence permettra de faire avancer le débat. Certes, cela fera travailler plus les enseignants mais la reconnaissance sera là.
    Oui à une gestion des moyens humains prenant en compte enfin les besoins des élèves et non prioritairement ceux des enseignants ( cf pour l’anecdote la construction les emplois du temps….). Cette gestion des enseignants par des enseignants (bien nombreux parmi les élus) pour les enseignants étouffe tout
    Et enfin, ARRETEZ de dénier aux citoyens le droit de vous demander des comptes en vous réfugiant dans ce qui semble faire à vos yeux l’essentiel de votre légitimité : l’expertise disciplinaire. Vous êtes des fonctionnaires en charge d’une partie de l’avenir de nos enfants et en çela vous êtes éminemment importants, mais vous êtes au service des usagers et non une profession libérale au delà de toute contrainte. Et à défaut, la porte de la fonction publique est à deux sens.

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