Mourir de ne pas enseigner

Gros coup de massue en apprenant dans la presse le suicide d’un collègue enseignant qui ne supportait plus ses conditions de travail. Après l’incompréhension préalable, la lecture de sa lettre d’adieu m’assomme d’autant plus.

Il y dénonce, coup sur coup, la baisse générale du niveau des élèves, la catastrophique réforme Chatel avec un coup faramineux pour un résultat absolument incohérent, inutile et même stupide. Et puis le silence des collègues, le silence des syndicats et surtout le silence et la lâcheté des inspecteurs et de toute la hiérarchie de l’E.N. qui donne des consignes impossibles à suivre, le savent parfaitement, mais font comme si tout allait bien.

« La mise en place de la réforme est faite à la hussarde dans un état d’affolement que l’inspection a du mal à dissimuler. Entre temps le gouvernement a changé sans que les objectifs soient infléchis le moins du monde ou qu’un moratoire soit décidé, ne serait-ce qu’à cause du coût astronomique de cette réforme. En effet il aura fallu réorganiser l’implantation de tous les ateliers de tous les lycées techniques de France, abattre des cloisons, en remonter d’autres à coté, refaire tous les faux plafonds, les peintures et renouveler les mobiliers. Ceci est fait à l’échelle du pays sans que la réforme ait été testée préalablement dans une académie pilote. »

C’est ainsi que cet enseignant s’est retrouvé à devoir donner une note décisive au BAC à ses élèves sur la base de critères en complets décalage avec les moyens à sa disposition, les capacités de ses élèves et les objectifs de sa matière; mais également avec la ferme exigence de ne pas noter à la tête du client alors que c’est la seule notation possible dans une telle situation.

« Les critères d’évaluation portent principalement sur la gestion de projet et la démarche de développement durable. Il est explicitement exclu de juger les élèves sur les performances et la réussite du projet. Ceci appelle deux remarques. La première est que les critères sont inadaptés, les élèves sont incapables de concevoir et même de gérer un projet par eux-mêmes. De plus la démarche de développement durable est une plaisanterie en spécialité SIN où l’obsolescence programmée est la règle. »

Voilà comment, refusant de redevenir complice de cette situation inacceptable, ce monsieur a préféré se donner la mort. Geste désespéré, incompréhensible et radical, mais, qu’on lui donne raison ou non, geste qui ne peut laisser personne indifférent.

Moi, je pense sans cesse à M. Pierre Jacque.

Retrouver l’intégralité de sa lettre d’adieu dans l’article de Marianne.

Et vous, vous en pensez quoi ?

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