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Dimanche 11 janvier 2015 : une France meurtrie, unie et debout

Paris. Dimanche 11 janvier 2015.

Journée historique.

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A 19 heures, selon le décompte du Monde, près de trois millions de personnes avaient défilé tout au long de la journée dans les villes de province. A Paris, même si aucun décompte officiel n’a été communiqué, ils étaient près de deux millions à marcher en hommage aux victimes des attaques terroristes qui ont fait dix-sept morts entre mercredi 7 et vendredi 9 janvier en région parisienne. Selon le ministère de l’intérieur, il s’agit d’un rassemblement sans précédent.

C’était effectivement un rassemblement sans précédent pour des événements qui l’étaient tout autant. Parler de tuerie, de barbarie, d’obscurantisme ne changera rien à la douleur des familles qui ont perdu des êtres chers dans des conditions abominables. Mais voir ces Français debout, ensemble, braver toutes les menaces pour dire haut et fort leur attachement à la démocratie et à la République donne soudain une raison d’espérer. Le peuple est là, fort et puissant. C’est lui qui fait l’Histoire. C’est lui qui marche. Les chefs d’État étaient derrière, silencieux, recueillis et presque impressionnés soudain par la noble et immense tâche qui leur a été confiée : nous protéger de la barbarie.

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L’émotion et le choc provoqués par les attaques et la cavale sanglantes des frères Kouachi et de Amedy Coulibaly ont fait se multiplier les comparaisons avec les attentats du 11 septembre 2001 à New York, Washington et en Pennsylvanie. Des rapprochements que l’on retrouve dans les réseaux sociaux et dans les médias, à l’image de la une du Monde. Certains estimeront – à juste titre – que c’est critiquable : comment comparer 2.973 morts à 17 morts ? Pourtant le choc émotionnel, politique et moral est comparable non seulement en France mais aussi dans le monde – les manifestations qui se sont tenues aujourd’hui dimanche 11 janvier en sont le témoignage poignant. Pourtant, Eric LESER sur Slate.fr estime qu’au-delà du « rassemblement instinctif d’une nation dans l’émotion et le patriotisme, les conséquences politiques et sociétales des attaques du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis et de celles des 7, 8 et 9 janvier 2015 en France seront très différentes« . Pour lui, le grand danger pour la France n’est pas celui d’entrer en guerre – comme l’avaient fait les États-Unis en Afghanistan en 2001. Il est surtout interne : c’est celui de la fracture de sa société, de la volonté et de la capacité des français chrétiens, musulmans, juifs et athées à résister aux tenants du choc des civilisations. Aujourd’hui, les accolades ont été nombreuses, sincères, spontanées entre différentes confessions. Et demain ?


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Passée l’émotion, ils vont resurgir en force. La guerre ne reviendra surement pas en France en janvier 2015, mais certains le souhaitent. Alain RODIER est directeur de recherche au sein du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) et à ce titre il est chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée. Dans un récent article publié sur Atlantico.fr, il explique qu’en 2004, Abou Moussab Al-Souri, théoricien du djihadisme, publiait un ouvrage de 2500 pages donnant les indications des actions à mener pour composer un djihadisme mondial, qui ne s’arrêterait pas à la seule région du Proche et Moyen-Orient. Ayant une grande connaissance de l’étranger, il prônait la créations de cellules clandestines sans liens avec un commandement central pour ne pas se faire détecter. Ces cellules devaient pouvoir passer à l’action avec leurs propres moyens pour déclencher une guerre civile en créant des divisions entre les musulmans et les populations locales ! Pour Alain RODIER, « Daech, à la différence d’Al-Qaida « canal historique », ne possède pas (encore) de « réseau » à l’étranger. C’est pour cette raison que Daech lance des « appels au meurtre » via le net en espérant que des adeptes s’en inspireront. Daech qui « patine » sur le front syro-irakien depuis l’été, en particulier en raison des frappes de la coalition, de la résilience des Kurdes et de l’appui apporté par Téhéran (et le Hezbollah libanais) à Bagdad et à Damas, souhaite desserrer l’étau qui pèse sur lui en déclenchant des actions terroristes de par le monde. En dehors des mouvements qui lui ont fait allégeance en Libye, en Tunisie, en Algérie, au Liban, dans le Sinaï et en Extrême-Orient, il n’en a pas les moyens matériels et humains« . A y regarder de plus près, c’est vrai qu’aujourd’hui en Occident, Daech est particulièrement démuni, ce qui explique son « appel dans le désert ». Le problème réside dans le fait que des individus isolés trouvent dans la « cause » de l’État Islamique la raison de passer à l’action.


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Vendredi 9 janvier dans la matinée, BFMTV avait joint, par accident, l’un des deux terroristes réfugiés dans une petite imprimerie de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne). Chérif Kouachi affirmait alors appartenir à « Al-Qaïda du Yémen » et précise avoir été formé et financé par l’imam Anwar Al-Awlaki, tué en septembre 2011 par une attaque américaine. Cette appartenance revendiquée à Al-Qaïda au Yémen confirme ce qu’avait rapporté un témoin le jour de l’attentat visant la rédaction de Charlie Hebdo. De son côté, Amedy Coulibaly, le forcené de Montrouge et l’assaillant de l’épicerie casher de la porte de Vincennes, contacte la chaîne à 15 heures, en pleine prise d’otages. Il indique appartenir à l’organisation Etat islamique et explique s’être « synchronisé » avec les frères Kouachi. Il explique également avoir attaqué un magasin casher car il visait des juifs.

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Ces déclarations sont assez claires et entrent assez bien dans le schéma prévu par Abou Moussab Al-Souri. Comme l’explique Alain RODIER, en Europe comme ailleurs, « l’objectif est de créer le chaos qui devrait amener la destruction des sociétés en vigueur. Sur ce chaos, l’islam radical serait alors imposé comme la solution. Toutefois, cette organisation n’a plus les moyens nécessaires pour déclencher des attentats du type « 11 septembre ». Cela n’exclue pas des opérations de moindre importance mais pouvant être meurtrières du style des attentats de Londres (ou de Paris). »

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=3O-2klyE80w[/youtube]

Alors, dans ce contexte, que penser de l’exceptionnelle mobilisation des Français aujourd’hui ? Que dire de ces centaines de milliers de personnes qui ont marché en brandissant des pancartes « Je suis Charlie », en chantant La Marseillaise ou en applaudissant les forces de police présentes ? Ce rassemblement d’ampleur sans précédent est une réponse implacable à cette montée en puissance de l’obscurantisme et de la barbarie. C’est un camouflet infligé à ceux qui pensaient pouvoir trouver dans le peuple français les failles nécessaires à l’instauration d’un chaos dont les intégristes sortiraient vainqueurs. C’est la démonstration qu’il existe un souffle puissant de fraternité et un amour tel de la liberté qu’ensemble, nous pouvons aller au delà de nos différences qui sont nos richesses.

Soyons fiers de qui nous sommes et de ce que nous avons fait aujourd’hui. Soyons fiers de notre passé et confiant en notre avenir. Comme le disait Winston CHURCHILL à Londres le 13 mai 1940, devant la Chambre des communes, « Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur. Nous avons devant nous une épreuve des plus douloureuses. Nous avons devant nous de nombreux et longs mois de combat et de souffrance […] Vous demandez, quel est notre but ? Je peux répondre en un mot : la victoire, la victoire à tout prix, la victoire en dépit de la terreur, la victoire aussi long et dur que soit le chemin qui nous y mènera ; car sans victoire, il n’y a pas de survie. »

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Barack OBAMA : « Four more years »

Après plusieurs heures de suspense, le président sortant Barack Obama a annoncé sa victoire à l’élection présidentielle américaine en postant sur Twitter un bref message, « Four more years » (« encore quatre ans »), accompagné d’une photo où il enlace sa femme Michelle Obama. Cette photo a été retweetée près de 700.000 fois et partagée plus de 300.000 fois sur Facebook.

« C’est arrivé grâce à vous, merci », a-t-il ajouté dans un autre message, juste après l’annonce de sa victoire dans l’État absolument crucial de l’Ohio, dans le nord du pays, aux dépens de son adversaire républicain Mitt ROMNEY.

Barack OBAMA, 51 ans, élu en 2008 pour un premier mandat, va diriger le pays le plus puissant du monde pendant les quatre prochaines années, à l’issue d’un scrutin qui reflète une profonde division de l’opinion américaine. Les deux candidats avaient dramatisé l’enjeu dans un pays qui a du mal à se remettre de la plus grave crise économique depuis 1929 en proposant des solutions opposées sur le rôle que doit jouer l’État pour réduire une dette considérable et un chômage élevé.

En 2008, après l’euphorie de la victoire, beaucoup de commentateurs politiques avaient prévu une cruelle « gueule de bois« . Barack OBAMA lui même ne s’y était pas trompé en annonçant dés le soir de son élection « A l’heure où nous célébrons la victoire ce soir, nous savons que les défis de demain sont les plus importants de notre existence: deux guerres, une planète en péril, la plus grave crise financière depuis un siècle ». La tâche était colossale. Elle l’est toujours.

Jonathan CAPEHART écrivait ce matin dans le Washington post : « Obama n’était pas censé gagner cette élection. C’est du moins ce que l’Histoire suggérait. Aucun président ne l’avait emporté avec une situation économique aussi mauvaise. Aucun président ne l’avait emporté avec des électeurs aussi angoissés. Mais, fidèle à son habitude, Obama a défié l’Histoire« . C’est vrai que cette victoire est un quasi-miracle puisqu’aucun président, depuis la Seconde Guerre mondiale, n’a remporté un second mandat avec plus de 7,2 % de taux de chômage.

Pourquoi un tel pied-de-nez à l’histoire ? Sans doute parce que la crise de 2008 a frappé en premier les Etats-Unis et les a donc d’abord plus durement touchés, d’où une montée en flèche du nombre des sans-emploi. Sans doute aussi parce que les décisions économiques adoptées ont été très réactives. Tout cela a permis d’améliorer la situation de l’emploi et à Barack OBAMA de présenter un bilan satisfaisant où plus de 40% des promesses électorales ont été tenues. De plus, il a du affronter l’opposition acharnée d’un Parti républicain hostile avant même son arrivée à la Maison-Blanche.

Aujourd’hui, il a été réélu à l’issue de la campagne électorale la plus coûteuse de l’histoire des Etats-Unis face à Mitt ROMNEY. Ce dernier, ancien gouverneur du Massachusetts, a mené une campagne très dure pour son concurrent politique mais aussi parfois pour certains électeurs. Ainsi que l’a souligné l’éditorial du Washington Post du week-end dernier : « Au-delà de toutes ses volte-face, le candidat républicain est resté cohérent sur un point : son mépris pour les électeurs. […] Mitt Romney semble faire le pari que les Américains n’ont pas de mémoire, une certaine inaptitude à l’arithmétique et une incapacité générale à voir ce qui se passe en coulisses. » Hélas pour lui, les Américains ont de la mémoire…

Le président américain a obtenu mardi soir 303 grands électeurs –il lui en fallait 270 pour gagner– contre 206 à son adversaire. Au niveau national, il a emporté environ 50,2% des voix contre 48,3% à son rival. Depuis deux ans, quand il avait subi un revers aux élections à la moitié de son premier mandat, M. Obama déplorait que le chef de la minorité du Sénat, Mitch McConnell, ait affirmé que son premier objectif était de le faire battre à la présidentielle. M. Obama affirmait que sa victoire à la présidentielle sonnerait la fin de cet état d’esprit.

L’espoir fut de courte durée puisque dés mercredi, le président républicain de la Chambre John BOEHNER a une nouvelle fois exprimé une position de fermeté sur la fiscalité : « Une approche équilibrée n’est pas équilibrée si cela veut dire davantage d’impôts sur les PME qui sont la clé des futurs progrès de notre économie« . Il a néanmoins assuré que ses troupes étaient prêtes à travailler avec le président réélu. Bonne nouvelle, car la tâche est ardue !

Personne ne peut le nier :  malgré sa réélection, Barack OBAMA avait déçu l’espoir immense de 2008. S’il rempile pour quatre ans, ce sera la liesse en moins, mais les cicatrices et la lucidité en plus. Il y a quatre ans, on célébrait un événement historique : l’élection du premier président noir qui promettait de changer l’Amérique. Aujourd’hui, on réélit « moins un sauveur qu’un être humain avec des défauts et des vertus, des échecs et des succès« , résume E.J. DIONNE, grand chroniqueur au Washington post.

Il a hérité d’un pays plus divisé que jamais. Certes, il a rallié en masse les jeunes, les Noirs, les Hispaniques, l’électorat féminin et les États côtiers. Mais les électeurs blancs, les seniors et tout le centre de l’Amérique l’ont amèrement boudé. Il hérite aussi de nouveau d’un Congrès divisé, entre un Sénat démocrate et une Chambre des représentants républicaine, truffée de conservateurs purs et durs qui vont sans doute tout faire pour lui mettre des bâtons dans les roues.

À moins que la défaite n’entraîne un déclic salutaire et qu’ils se décident à coopérer. Selon Alvin FELZENBERG, professeur à l’université de Pennsylvanie, cela ne sera pas évident. Cette opposition récurrente du parti « perdant » est l’une des raisons qui le pousse à penser que le second mandat est souvent moins heureux que le premier. Woodrow Wilson, Richard Nixon, Bill Clinton et Georges W. Bush en ont fait l’amère expérience. Quant à Lincoln, il a été assassiné. Reagan est une exception. puisqu’il a bénéficié de la fin de la guerre froide.

Pourtant déchargé  de la contrainte d’un renouvellement de son mandat, Barack OBAMA pourrait se consacrer entièrement aux réformes. Mais la plupart des présidents qui ont lancé de grandes réformes l’ont fait lors de leur premier mandat, lorsqu’ils bénéficiaient de l’excitation de la nouveauté. Une fois réélu, un président a en fait très peu de temps pour faire des choses avant les élections législatives de mi-mandat. Et puis rapidement, de plus en plus de prétendants à sa succession vont apparaître dans son parti et dans le parti adverse. Difficile d’être serein dans ce contexte, et pourtant…

Barack OBAMA est assuré de passer à la postérité. Non pas comme le président qui a reçu le prix Nobel de la paix en menant deux guerres de front, mais comme l’homme qui a donné aux Américains la première assurance santé universelle.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=t3-sNqkxXWY[/youtube]

Pour aller plus loin :

– un article du site LePoint.fr : « États-Unis : Barack Obama, le miraculé » (08/11/2012)
– un article du site LePoint.fr : « Barack Obama fera-t-il mentir « la malédiction du second mandat » ? » (08/11/2012)
– un diaporama du site l’Internaute : « L’incroyable destin de Barack Obama »
– un article du site 20minutes.fr : « Nettement réélu, Obama au défi de la crise et d’un Congrès toujours divisé » (07/11/2012)
– un article du site challenges.fr : « Pourquoi le chômage n’a pas fait tomber Barack Obama » (07/11/2012)
– un article du Washington Post traduit sur le site de courrierinternational.fr : « Obama fait un pied de nez à l’Histoire » (07/11/2012)
– un retour sur la campagne de 2008 sur la section qui y est consacrée sur ce Blog
– un article du site lexpress.fr : « Obama, l’homme qui peut changer le monde » (05/11/2008)
– un article du site lexpress.fr : « Saint Barack décevra » (06/11/2008)

 

 

 

 

 

Sandy : histoire vraie, images fausses

«Dans un monde de tromperie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire.»  Georges ORWELL.

Je viens de lire un article assez exceptionnel sur le site OWNI. C’est un média social européen qui cherche à offrir le meilleur de l’information et du débat sur l’évolution de la société numérique en France et en Europe, raconte et analyse l’impact d’Internet sur la société, les pouvoirs et les cultures.

Initialement publié sur son blog, Hyperbate, Jean-Noël LAFARGUE s’intéresse aux images qui circulent sur tous les réseaux sociaux depuis quelques jours au sujet de l’ouragan Sandy. Cette catastrophe climatique a déclenché une tempête d’images plus ou moins crédibles de l’évènement que Jean-Noël a su déchiffrer et expliquer. Grâce à lui, j’ai pris conscience – une fois de plus – que la vérité n’était pas forcément essentielle au « processus de restitution émotionnelle de l’instant ».

Je vous restitue ci-dessous l’essentiel de son article directement accessible sur son Blog :

 » L’ouragan Sandy, rapidement rebaptisé Frankenstorm, a atteint New York avant-hier, y causant aussitôt une dizaine de morts. Le quotidien Libération a alors publié un article titré Sandy touche terre et fait ses premières victimes, ce qui semble un peu léger, puisqu’avant d’atteindre la côte Est des États-Unis, le cyclone a tout de même fait au moins soixante-quinze morts dans les Caraïbes, dont cinquante sur la seule île d’Haïti1.

Le cliché ci-dessus à gauche, qui représente l’ouragan en train de menacer New York a été partagé plus d’un demi-million de fois sur Facebook. Beaucoup, y compris parmi ceux qui ont diffusé cette image, ont eu des doutes sur sa véracité, notamment puisqu’il anticipait sur les évènements. Vérification faite, il s’agissait bien d’un montage entre une vue classique de la statue de la liberté et une tempête de 2004 dans le Nebraska.

Cela m’a rappelé un cas sur lequel je suis tombé en préparant mon livre. Une agence d’images sérieuse proposait à la vente une photographie impressionnante censément prise à Haïti il y a deux ans, où l’on voyait des palmiers noyés par une vague géante [ci-dessous]. Jolie image, mais qui me posait un problème car il n’y a pas eu de tsunami en Haïti en 2010. Alors j’ai fait quelques recherches…

Vérification faite, la photographie en question s’avère être un recadrage et une colorisation d’un cliché pris à Hawaïi en 1946 par Rod Mason, un simple amateur qui se trouvait alors directement menacé par le tsunami Hilo, qui a causé en son temps la mort de cent soixante personnes. Un photographe indélicat avait vendu à l’agence cette image ancienne, qui ne lui appartenait pas, remixée en tant que photographie d’actualité récente.

Revenons à Sandy. Plusieurs montages faciles à identifier ont été réalisés en incrustant des titres d’actualité à des captures issues des films-catastrophe de Roland Emmerich : Independance Day (1996), The Day After Tomorrow (2004) et 2012 (2009), ou encore en utilisant des images du film coréen The Last Day (2009).

Parmi les images qui ont beaucoup circulé, on a aussi pu voir un certain nombre de photographies de requins circulant dans les villes inondées. Je ne suis pas certain qu’il y ait beaucoup de requins aussi haut qu’à New York à la fin du mois d’octobre, ces animaux n’aimant pas les eaux froides, mais l’idée du requin qui se balade dans le jardin est délicieusement effrayante.

Parmi les images très populaires, il y a aussi eu celle de ce restaurant McDonald’s inondé :

…Il s’agit en fait d’un photogramme extrait d’un film réalisé en 2009 par les artistes danoisSuperflex et intitulé Flooded McDonald’s, c’est à dire littéralement McDonald’s inondé.

Toutes ces images, déjà factices ou sorties de leur contexte ont assez rapidement suscité des parodies, bien sûr.

L’image ci-dessus à gauche cumule diverses menaces de cinéma : Godzilla, le requin géant desdents de la mer ou de Shark attack, des soucoupes volantes, le marshmallow man du filmGhostbusters. On retrouve aussi Godzilla derrière la statue de Neptune de Virginia Beach.

Dès que l’on parle de catastrophe à New York, comment se retenir de penser au cinéma ? Le problème s’était déjà posé le 11 septembre 2001. Nous avons vu cette ville si souvent détruite :Godzilla (1998), La guerre des mondes (2005), Cloverfield (2008), Avengers (2012),…

Parmi les images de reportage qui ont été produite par des photographes professionnels pour des médias d’information, on en trouve beaucoup qui elles aussi semblent s’adresser à notre imaginaire de cinéphile plus qu’autre chose :

Composition soignée, éclairage dramatique, couleurs étudiées, ces photos sont belles avant d’être informatives, et ont sans doute été retouchées dans ce but.

Quant aux photos d’amateurs, elles sont encore plus troublantes, car beaucoup ont envoyé sur Facebook ou Twitter des témoignages parfois dramatiques de ce qu’ils voyaient, mais modifiés par les filtres fantaisistes d’Instagram :

Ces images prises avec des téléphones portables se voient donc appliquer des couleurs rétro, passées, ou d’autres effets censés rappeler la photographie argentique.

Finalement, les seules images qui semblent un tant soit peu objectives, ce sont celles qui sont prises par des caméras de surveillance ou des webcams :

Je ne suis pas sûr qu’il rimerait à quelque chose de faire des statistiques pour le vérifier, mais il semble que la très grande majorité des images que nous recevions de l’ouragan Sandy et de ses effets sur la côte Est des États-Unis, une histoire “vraie”, soient des images “fausses”, c’est-à-dire qui s’écartent sciemment de l’illusion du témoignage objectif : montages, retouches, images d’archives, images d’actualité ayant l’apparence de photos d’archives, pastiches, images extraites de films. Et il n’est pas forcément question de tromperie, puisque c’est le public, par les réseaux sociaux, qui sélectionne les images qui circulent, qui les diffuse et, parfois, qui les crée.

C’est le public aussi qui effectue des enquêtes sur les images et qui fait ensuite circuler en pagaille des démentis (parfois douteux ou incomplets) pour signaler que telle image est ancienne et que telle autre est falsifiée. Le public n’est pas forcément désorienté, pas dupe de la confusion, il y participe sciemment, peut-être suivant l’adage italien « se non è vero è bene trovato  » (si ce n’est pas vrai, c’est bien trouvé).

La question n’est donc peut-être pas de chercher à transmettre une vérité sur ce qui se passe à New York, mais juste de répondre à un évènement par des images et donc, par un imaginaire. « 


Article publié à l’origine sur le blog de Jean-Noël LAFARGUE, Hyperbate.

Le World Trade Center avant le 11 septembre

Il y a un an de cela, le site L’Internaute avait eu la bonne idée de revenir sur ce qu’était ce bâtiment aujourd’hui tristement célèbre. C’est un bon moyen de mieux comprendre pourquoi ce bâtiment a été choisi plus qu’un autre par les terroristes le 11 septembre 2001.

Dés 1959, le promoteur immobilier David Rockfeller accepte un défi de taille : redynamiser la pointe sud de l’île de Manhattan en y construisant un centre d’affaires international. Après plus de cent projets et plans différents, l’architecte choisi est l’Américain Minoru YAMASAKI. Le 18 janvier 1964, il dévoile au public son World Trade Center : six bâtiments dont deux tours jumelles de 110 étages. Les constructions doivent s’étendre sur 13 blocs, entre Vesey et Liberty Street et de Church à West Street.

Le 5 août 1966, les ouvriers préparent le site et démarrent la construction des fondations. La construction de la tour Nord démarre en août 1968 et celle au sud en janvier 1969. Le projet global  – estimé dans un premier temps à 525 millions – coûtera en réalité 900 millions de dollars !

Le 23 décembre 1970, après deux ans et quatre mois de travaux, la tour Nord est debout. Les premiers locataires, notamment des banques, emménagent dans les étages inférieurs alors que les aménagements intérieurs se prolongent jusqu’en 1972. La tour Sud sera achevée le 19 juillet 1971.

Si elles étaient connues sous le terme de « Twin Towers », les gratte-ciel du World Trade Center de New York n’étaient pas des vraies jumelles. Elles comportent chacune 110 étages mais la tour Nord mesure 417 m tandis que celle au Sud 415 m. Leur forme est un carré parfait  de 64 m de côté. Les façades d’aluminium comportent un treillis en acier sur lequel sont accrochées les 21 800 fenêtres de chaque tour.

Rapidement le World Trade Center devient le centre d’affaires le plus important de la ville de New York. A ce titre, les tours jumelles sont devenues un véritable symbole ; celui de la réussite américaine mais aussi, d’une certaine manière, du capitalisme gagnant, de « l’occident triomphant » diront même certains. Ces tours avaient d’ailleurs déjà été la cible d’un attentat le 26 février 1993. Ce jour là, une camionnette remplie d’explosifs a explosé devant le garage de la tour Nord. Si les tours n’ont pas été touchées, cet attentat est tout de même responsable de la mort six personnes et des blessures d’un millier de blessés.

La fin tragique des tours jumelles du World Trade Center se déroule en moins de deux heures, le 11 septembre. Un premier avion de ligne s’écrase dans la partie supérieure de  la Tour Nord à 8h46 heures locales. Le deuxième vise sa voisine à 9h03. Les tours s’effondreront à 10h et 10h28.

 

Qu’il me soit ici permis de rendre hommage aux victimes de cet odieux attentat tout comme à celles de tous les autres, tout aussi odieux et lâches.

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Pour aller plus loin :

« La Quatrième Guerre mondiale débute le 11 septembre » par Philippe BOUCHÉ [30/12/2009]

Le dossier « 11 Septembre » très complet du journal 20 Minutes [11/09/2011]

« L’Amérique commémore le 11 Septembre » sur le site du Monde.fr

 

Article initialement publié le 11 septembre 2010. Mise à jour le 11/09/2011

Berlin, 50 ans après la construction du Mur

Si on a pris l’habitude de célébrer la chute du mur de Berlin,  on en a oublié sa construction… Cela fait pourtant déjà cinquante ans, le 12 août 1961, que le conseil des ministres de la République Démocratique Allemande  a annoncé «un dispositif de contrôle aux frontières de la RDA avec l’Allemagne de l’Ouest et les secteurs d’occupation occidentaux à Berlin». Dans les jours qui ont suivi, le Mur a été construit de manière implacable. De facto la ville allait alors se retrouver coupée en deux, entre l’est et l’ouest. Pendant ce temps, le monde regardait soit vers Moscou, soit vers Washington : c’était l’époque d’un monde bipolaire.

Nul ne pouvait alors imaginer que cette séparation allait durer près de trente ans, jusqu’au 9 novembre 1989. Que fallait-il faire de ce mur alors ? Spontanément, les Berlinois cherchèrent tout d’abord à le détruire, comme pour effacer les traces d’un passé douloureux. Et aujourd’hui, qu’en reste t’il ?

Pour Alain LE TREUT, journaliste et chercheur résidant à Berlin, les préjugés perdurent, sans être extrêmement violents: «Les Ossis voient par exemple les Wessis comme des personnes plutôt arrogantes et portées sur la consommation, les Wessis voient dans le comportement des Ossis des survivances du système communiste.» Quand on parle avec les étudiants, le commentaire est le même… Anna, 23 ans, s’esclaffe: «Ils ont un style particulier, tout droit sorti des années 80 !». «Ils», ce sont ces personnes au look un peu grunge, jeans troués et chevelure verte, très souvent issues des banlieues Est et qui vivent dans une certaine nostalgie du régime communiste, «l’Ostalgie».

Pour ce qui est de la division spatiale, La majeure partie du dispositif frontalier de la RDA avait disparu en 1991. «Il ne reste que très peu de vestiges du Mur, même si certains ont été reconstitués. En se promenant les touristes me demandent souvent de quel côté on se trouve», raconte Marc Fray, rédacteur en chef du site berlinenligne.com et fin connaisseur de la ville. Pour lui, il n’y a plus de plus de ségrégation spatiale entre Est et Ouest: «Berlin, beaucoup plus que Paris, est une ville de quartiers (les Kieze). L’identité des Berlinois se forge beaucoup plus par rapport à leur Kiez d’origine que par rapport au fait d’habiter Berlin Est ou Berlin Ouest.»

La suite en ligne sur le site de 20 minutes.

L’amitié franco-allemande

Sur la page « A mon avis ! » proposé sur ce Blog, VEVEALEX (je respecte son anonymat, mais il ou elle n’aurait pas à rougir de donner ici sa véritable identité) a bien voulu publier un témoignage qui m’a particulièrement marqué. Je n’en citerai ici que quelques extraits. Vous pourrez en lire l’intégralité en cliquant  I  C  I.

« J’aimerai vous exprimer mon impression lors d’un très court séjour cet été en Allemagne . Je résidais dans un petit hôtel à quelques dizaines de kms de Berlin , dans l’ancienne RDA , avant la réunification de l’Allemagne en 1990. […] j’ai fait la connaissance d’allemands d’une soixantaine d’années […] (et au) fur et à mesure des rencontres, des échanges avec ses personnes,  je remarquais qu’elles faisaient tout pour me faire plaisir ou pour me rendre service comme ci elles se sentaient redevables de quelque chose. Alors , un peu perplexe au début puis ,à la limite d’être gênée , je me suis demandée s’il n’y avait pas un sentiment de culpabilité avec les évènements passés durant la 2ème guerre mondiale.« 

Comme VEVEALEX s’en est rendu compte après quelques recherches une fois revenu en France, non seulement cette culpabilité existe dans les coeurs de certains allemands mais en plus, elle a été clairement inculquée aux jeunes allemands dans les années 1950. Comment en être surpris quand on mesure le traumatisme vécu alors par l’Europe qui se réveille de ce cauchemar dans lequel elle était engluée depuis 1939 ? Comment imaginer qu’aucune rancœur n’existait dans chez ceux qui en avaient le plus souffert, dans leur chair et dans leur âme ? A ce sujet, VEVEALEX ajoute « Mon grand-père maternel a fait de la résistance aux côtés de Jean Moulin à Lyon , il a été dénoncé et emmené par la gestapo à Buchenwald où il est mort .Ses trois premiers enfants d’une fratrie de douze, ont été pris en otage par les allemands et déportés en camps de travail, ma mère en faisait partie. Elle a connu mon père , là-bas , lui aussi déporté. Mes parents ont vécu la terreur, les atrocités et l’horreur du nazisme, et malgré cela, ma sœur, mon frère et moi n’avons jamais été élevé avec la haine du peuple allemand.« 

Comment expliquer pareil comportement ? Mon propre grand-père a connu les camps de concentration. De retour après quatre années d’internement, il était méconnaissable, détruit de l’intérieur. Il est resté longtemps muet sur ce qu’il y avait vécu : jamais il n’a abordé le sujet avec ses propres enfants. Ce n’est qu’à moi, son premier petit fils, qu’il a commencé à en parler, très progressivement. Son voeu le plus cher : que j’apprenne l’allemand et que je puisse parler avec lui dans cette langue. Si je confronte mon témoignage avec celui de VEVEALEX, je me dis qu’une fois encore nous avons bien des choses à apprendre de nos ancêtres et de ceux qui ont vécu l’Histoire. Que penser alors de ceux qui, aujourd’hui encore veulent – comme l’écrit VEVEALEX –  « prôner des mouvements style extrémiste, néofasciste, raciste ou autres avec tous ces adeptes irréfléchis, fanatiques aveuglés […] » ? C’est devenu tellement politiquement correct d’affirmer haut et fort cela qu’on en oublie que « la bête » n’est pas morte, qu’elle est toujours bien vivace et qu’elle attend son heure en se nourrissant de nos peurs et de notre xénophobie. Chacun sait ce à quoi elle peut nous amener. Personne n’est prêt à le croire – du moins à l’admettre. Et pourtant…

Nos voisins allemands ont longtemps cultivé la culpabilité. Quand pourra t’on enfin tourner cette page ? Voilà ce que nos ancêtres ont certainement rêvé une nuit dans leur prison : un jour , tout cela serait fini, nous serions de nouveau amis, frères… On a longtemps cru que l’union des peuples au sein d’un communauté (l’Union Européenne) aurait pu nous y aider. Le déchaînement de passions auquel nous avons pu assister cet été au sujet de l’aide à apporter au peuple grec à de quoi de nous faire réfléchir – on parla alors du dilemme allemand à ce sujet. Rien n’est fait, tout est sans cesse à construire.

Voilà , c’était un vécu qui méritait vraiment d’être partagé avec vous tous.

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