Peut-on éternellement renier ses origines ?

 première de couverture Source : https://0620056z.esidoc.fr/ document/ id_0620056z_133124.html

   Les morts ont tous la même peau est un roman écrit par Boris Vian en 1947 sous le pseudonyme de Vernon Sullivan. Il a utilisé ce surnom pour plusieurs de ses œuvres telles que J’irai cracher sur vos tombes ou encore Et on tuera tous les affreux. Il prétendait  être le traducteur de ces romans soi-disant américains et non l’auteur. Si habituellement les romans de Vian sont surréalistes, ceux écrits sous ce pseudonyme sont des romans noirs qui présentent des scènes crues, un vocabulaire qui l’est tout autant et des passages violents qui ont pu faire polémique à l’époque. Avec ces œuvres, et notamment Les morts ont tous la même peau, Vian aborde aussi des sujets sensibles comme le racisme. Ainsi, Les morts ont tous la même peau est un roman policier dans lequel violence et érotisme sont au cœur de l’intrigue. J’ai découvert ce livre grâce au Prix littéraire Carnot, connaissant Boris Vian par ses chansons, j’ai pu découvrir son écriture.

Dans son roman, Boris Vian dénonce une société raciste et inégalitaire dans le New York des années 40-50. Une société qui n’accorde pas la même justice pour les personnes blanches et noires. Dan est un homme noir à la peau blanche, videur dans une boite de nuit américaine, marié à Sheila, il a un enfant et profite de son travail pour avoir des relations sexuelles avec d’autres femmes ! Ce que je trouve immoral car il a un enfant et est sensé aimer sa femme. Il fait tout pour s’intégrer dans la société blanche en reniant ses origines jusqu’au jour où son frère, qui lui a la peau noire, le retrouve et le menace de révéler à tout le monde sa véritable identité ! Dan se retrouve alors confronté à son passé, faisant naitre en lui une haine qui le pousse à commettre de terribles actes. En tant que lecteur on se retrouve alors face un homme blanc qui renie ses origines et n’éprouve du désir que pour des femmes noires ! Ce comportement est totalement paradoxal et montre à quel point Dan doit être tourmenté. En effet il discrimine les personnes noires mais a des relations sexuelles avec elles. Cherchez l’erreur ! Le récit est principalement basé sur la psychologie de ce personnage ce qui, je trouve, est très intéressant. On a accès à sa propre morale et on peut se faire notre propre avis sur ses faits et gestes, et même se demander ce que nous nous ferions à sa place.

 Un roman qui choque toujours !

   Je trouve le vocabulaire utilisé parfois cru comme  » ce sale nègre  » qui, aujourd’hui, serait puni par la loi, ou « putain  » qui peut choquer. Je trouve les scènes sexuelles trop fréquentes dans ce roman. Personnellement certaines réflexions des personnages me paraissent violentes ou irrationnelles, principalement celles de Dan car, comme j’ai pu le souligner plus haut, ses actions ne suivent pas ses paroles. Ces passages suscitent des sentiments violents, qui peuvent heurter, ce qui prouve que c’est une œuvre encore très forte, dont l’impact se fait toujours sentir. Malgré tout ce roman reste un classique de Boris Vian ce qui, je trouve, est justifié, par son côté intrigant, psychologique et paradoxal.

   Par ailleurs j’ai beaucoup aimé les changements de point de vue. Passer de Dan ( » je « ), au narrateur ( » il/elle « ) qui voit une scène se concentrant sur un personnage, nous permet de suivre l’enquête par différents points de vue. Ça nous détache de Dan et nous apprend des informations que lui-même n’a pas. Ce choix de l’auteur nous fait prendre du recul sur la scène se déroulant. Ces passages sont écrits en italique et découpés en chapitres ce qui nous facilite la compréhension de ces changements. Cette mise en page met en place une forme de distance entre le lecteur et le personnage et nous permet de nous faire un avis encore plus fort sur Dan. On dit souvent que les choses, les personnes, ne sont ni blanches, ni noires, mais grises. C’est exactement ce qu’est Dan, lui qui veut absolument être blanc malgré ses origines. On se rend compte que cela est impossible pour lui et cette situation en devient  » ironique ».

   Le destin de Dan est au cœur de ce roman. En effet, malgré tous ses efforts pour renier ses origines, les cacher et vivre comme les blancs, il finit par avoir un comportement paradoxal, par son attirance soudaine pour les femmes noires et une chute inattendue à la fin du roman. Mais si vous désirez la connaitre, vous savez ce qu’il vous reste à faire !

un personnage tourmenté

Boris Vian Source : https://www.babelio.com/ auteur/Boris-Vian/2053/photos

   J’ai trouvé le personnage de Dan très intrigant, à certains moments il semble sans émotions, voire inhumain, comme le souligne ses propos : « de nouveau je retins le désir de meurtre qui venait de me traverser « . Dans d’autres il apparaît comme quelqu’un de plus émotif  » Pourquoi ne pouvais je m’éloigner d’elle sans éprouver ce sentiment de vide ? Ce besoin de la retrouver. De la savoir à moi. Même sans la voir, de savoir que je pouvais la voir si je le voulais. C’est donc ça l’amour ?  » Je trouve que c’est un personnage très complexe et mystérieux qui donne envie de connaître la suite du récit et qui ne nous permet pas de prédire ses actions. Boris Vian, par la psychologie de son personnage, crée un suspense qui nous suit tout au long du récit. Nous sommes vraiment plongés dans ses pensées, ses interrogations et contradictions.

Pour ces raisons je mets trois étoiles à ce roman qui, malgré une intrigue constante, est pour moi trop violent.

Bonne lecture !

Vian, Boris. Les morts ont tous la même peau. Librairie Générale Française, 02/2020. 188 p. Le Livre de poche, 14193. ISBN 978-2-253-14193-8

Salomé FOLENS, 1ère2

Laisser un commentaire