Quand l’amour rencontre la manipulation

Bonjour tristesse

couverture du livre source : https://0620056z.esidoc.fr/ document/id_0620056z_31730 .html

Bonjour tristesse est le premier roman de Françoise Sagan, publié le 15 mars 1954 alors qu’elle n’a que 18 ans. Cette œuvre connaît un énorme succès et se trouve récompensée du Prix des critiques la même année. Son titre est tiré du deuxième vers du poème « À peine défigurée » du recueil La Vie immédiate de Paul Éluard. Bonjour tristesse a été adapté au cinéma en 1958 par Otto Preminger. Le chanteur Alain Souchon a rendu hommage à Françoise Sagan en écrivant une chanson prénommée « Bonjour tristesse ».

Françoise Sagan était considérée comme une écrivaine rebelle et peu fréquentable, « le charmant petit monstre » comme François Mauriac la surnommait. Elle met en scène dans ce roman des bourgeois. L’auteure y aborde les rapports entre un père, Raymond, un dandy joueur, sa fille Cécile, à laquelle Françoise Sagan s’identifie beaucoup, belle adolescente de dix-sept ans, et la « maitresse actuelle » de Raymond, Elsa dont elle dit : « c’était une grande fille rousse, mi-créature, mi-mondaine ». Tous trois vivent une vie mondaine, une vie facile, sans se préoccuper du lendemain. En banalisant ce qu’ils vivent, ils ne s’interrogent pas et ne remettent pas en cause leur façon de vivre. Cécile fait la connaissance de Cyril, un étudiant en droit qui passe ses vacances avec sa mère dans une villa voisine. De ses propres mots, elle n’aime pas la jeunesse mais Cyril « … avait un visage … très ouvert, avec quelque chose d’équilibré, de protecteur… » qui lui a plu. Puis une femme, Anne, apparaît dans la vie de Cécile et de son Père. L’arrivée d’Anne, ancienne amie de la mère défunte, peut tout faire basculer. « Anne donnait aux choses un contour, aux mots un sens que mon père et moi laissions volontiers échapper. Elle posait les normes du bon goût, de la délicatesse… ». En fait, le comportement et les mots d’Anne humilient et blessent Cécile qui se voit indigne, bien qu’elle sente qu’Anne a toujours raison. Cécile ne peut lui pardonner cette perfection : « … si elle voulait à tout prix avoir raison, il fallait qu’elle nous laissât avoir tort… ». Alors une idée mûrie dans la tête de Cécile pour se libérer de la vie qu’Anne leur impose. Laquelle ? A vous de le découvrir en lisant Bonjour tristesse !

Un tourbillon émotionnel d’ambivalence

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Françoise Sagan, Photographie de Burt Glinn, 1958 source: https://www.anothermag.com/ fashion -beauty/9168/francoise- sagan-a-literary-rebel-ahead-of-her-time

Au début j’ai rencontré des difficultés à entrer dans l’histoire qui est difficile à comprendre. Le conflit familial et les valeurs que prône cette famille m’ont perturbée, comme le respect, le mensonge, l’égoïsme. Les personnages restent centrés sur eux-mêmes et ne mesurent pas la portée de leurs attitudes. Je n’ai pas apprécié l’esprit de vengeance. Cependant ce roman est intéressant quand il nous amène à nous questionner. L’écriture de Françoise Sagan est très réfléchie, intellectualisée et interpelle le lecteur. Françoise Sagan veut toucher celui-ci avec son écriture provocante. Les personnages sont pris dans un tourbillon émotionnel où l’amour se mélange à la manipulation. L’histoire est marquée par les ambivalences des sentiments. Les sentiments d’amour et de haine sont très forts, à tel point qu’ils se transforment en actes destructeurs dans le quotidien des personnages. En lisant Bonjour tristesse j’étais partagée face au personnage de Cécile. J’appréciais sa soif de liberté, sa jeunesse, son insouciance. Néanmoins son côté manipulateur et son égoïsme la desservent dans ses relations aux autres. Ce qui va l’entrainer dans un sentiment de tristesse profonde. Elle se sent coupable de ce qu’il se passe. La tristesse l’envahit dans ses relations compliquées avec les autres et influe sur ses choix personnels. Sous ses airs délurés et futiles, elle ne veut pas perdre ce lien si précieux qu’elle partage avec son père « Tu n’as plus que moi, je n’ai plus que toi, nous sommes seuls et malheureux ». Ses sentiments d’amour exclusifs se transforment en jeux de manipulation. Cécile avoue que « ce rôle de metteur en scène ne lassait pas de me passionner ». Mais elle s’est « attaquée à un être vivant et sensible et non pas à une unité ». J’aimerais savoir comment les vies de Cécile et de Raymond se poursuivent : que sont-ils devenus ? La vie de Françoise Sagan n’est-elle pas la suite de celle de Cécile ?

Un roman qui a fait polémique

A l’époque ce roman a suscité des controverses. Depuis, la société a évolué, le regard sur ce roman a changé. Les sujets tabous de l’époque, les relations charnelles chez Cécile pour son âge, la contraception, les relations extra-conjugales de Raymond, le tabagisme pour une femme… ne le sont plus maintenant. Cependant, malgré les polémiques, son roman remporte un énorme succès tout en faisant face à des critiques. La femme, considérée comme inférieure à l’homme à cette époque, devait être une « épouse convenable », devait rester chez elle à s’occuper des enfants et être soumise à son époux. Ce roman a le mérite de remettre en cause la place de la femme au moment où il a été écrit et Françoise Sagan est une femme qui a eu le courage de susciter le débat à cette époque !

Ce roman mérite bien quatre étoiles.

Je vous souhaite une bonne lecture !

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Sagan, Françoise. Bonjour tristesse, Publié en janvier 1991 par Pocket, 153 pages, ISBN 978-2–266-19558-4

Louise BOUTIFLAT, 1ère 2

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