Le médium photographique : point de vue et cadrage

L’écrivain Claude Simon cité dans l’ouvrage de Jean Keim (historien de la photographie) , La photographie et l’homme (Paris 1971) écrivait :

« Il est certain que la photographie et le cinéma ont modifié radicalement chez chacun de nous l façon dont il appréhende le monde.(…) je ne écrire mes romans qu’en précisant constamment les diverses positions qu’occupent dans l’espace le ou les narrateurs (champ de la vision, distance, mobilité par rapport à la scène décrite) ou si l’on préfère dans un autre langage (angle de prise de vue, gros plan, plan moyen panoramique, plan de travelling, etc.)

1.Cadrage et point de vue.

Le cadrage est l’acte déterminant qui par le pourtour du motif marque à la fois le choix entre ce qui en fera partie et tout ce qui lui sera extérieur choix qui engendre des formes nouvelles. Le peintre compose, le photographe choisit c’est à dire découpe dans la nature et reproduit le « morceau » du réel qui l’intéresse. Ce choix est un acte créateur car le photographe doit éviter les « angles morts » et trouver le point de vue qui révèle le motif de la meilleure manière grâce à la lumière.

Edward Weston cité par John Szarkowski (1925 -2007), photographe successeur de Steichen comme conservateur du département de photographie au MOMA) The Photographer’s eye (1966)  affirme : « Mettre la tête sous le drap noir, pendant la mise au point, est exaltant (…) faire lentement pivoter la caméra autour de son axe et observer les transformations de l’image dans le viseur est, enfin, ce que l’on voulait montrer prend forme sous nos yeux ».

Le choix du point de vue est donc le complément indispensable du cadrage qu’il détermine suivant la position de l’opérateur et de son appareil par rapport au sujet photographié,  de face, de côté, dessus dessous, loin de près ou à mi-distance. Tandis que le peintre peut disposer selon seses désirs lses différentes figures en fonction des normes d’expression et de l’harmonie des formes, le photographe lorsqu’il s’appuie sur le réel, n’a d’autre possibilité d’intervention que ce choix du point de vue et du cadrage combinés aux conditions de la lumière. Il peut également itransformer chimiquement le négatif au moment du développement  et du tirage, une pratique courante dès l’époque des pionniers comme Édouard Baldus dans ce négatif retouché à l’encre :

Edouard Baldus Orange (Vaucluse) – Mur de scène, côté extérieur, théâtre romain en 1851 négatif papier gélatiné, retouché H. 36,6 ; L. 27,6 cm. Fonds de la Mission héliographique, musée d’Orsay, Paris.

Malgré la beauté reconnue de ses négatifs, Baldus n’hésitait pas à les retoucher comme dans ce cliché.

Dès les débuts du négatif la possibilité d’interventions a fait débat entre les puristes du réel et ceux qui n’hésitaient à modifier l’enregistrement du réel pour produire certaine effets. Mais c’est surtout avec le pictorialisme qu’un véritable débat esthétique s’installe entre les partisans d’une pureté intransigeante et les pictorialistes. Dès le XIXe siècle, des photographes comme Frédéric Evans revendiquent en effet l’originalité du regard du photographe grâce au cadrage, au point de vue qui permettent les nombeuses possibilités de renouvellement de l’image sans avoir recours à des artifices comme les pictorialistes.

Frederick H Evans  (GB, 1853 – 1943), 1905, Portrait de l’épouse du photographe et de son fils, 11 x 7 cm. Tirage Platine-palladium (voir ici) Collection Getty.

Les contraintes de la prise de vue.

Ces contraintes sont d’autant plus grandes que le photographe est un exigeant connaisseur. La recherche de l’angle de vue

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Louis-Auguste et Auguste-Rosalie Bisson, Rouen, église Saint Maclou, 1858, extrait de Reproductions photographiques des plus beaux types d’architecture et de sculpture d’après les monuments les plus remarquables de l’antiquité, du Moyen-Âge et de la Renaissance. Épreuve sur papier albuminé à partir d’un négatif verre au collodion. Paris BNF.

Alors que le peintre aurait dessiné la totalité de la façade, les frères Bisson, ne disposant pas du champ nécessaire, donc risquant de déformer la perspective, ne pouvaient montrer qu’un fragment central de celle-ci encadré par les deux massses sombres de deux maisons qui ferment la place. Ce  contraste ombre – lumière puissant  donne un caractère mystérieux à ce cliché. Rappelons nous des déformations de la perspective dans les photographies de constats de police prises en grand angle dans des espaces étriqués comme p. ex. :

Photographies de constats de police, Affaire Peugniez, vue de la cuisine et découverte du cadavre de la Dame Bertrand 1898, epreuve sur papier argentique 14 x 22cm, coll. privée.

Parfois, ces déformations sont dues au choix délibéré du photographe comme ce sera le cas au XXe siècle à des fins esthétiques.

Dans ce cliché de Baldus ci-dessous en revache : la perspective est très clairement recherchée par le photographe dans la succession des plans pour des raisons purement esthétiques, afin de suggérer le volume et pour se conformer à la configuration du terrain.

Édouard Baldus, (1813-1882) pour la Mission héliographique, Théâtre romain d’Arles, cliché extrait de l’Album de vues de monuments de France et d’inondations à Lyon et Avignon en 1851. Épreuve sur papier salé à partir d’un négatif papier 21,5x26cm. Paris, Musée d’Orsay.

2.La photographie d’architecture.

En effet, lla photographie d’architecture a connu un essor spectaculaire dans la France du Second Empire, surtout à cause du dévelopement de l’urbanisme.

La photographie du tissu urbain.

Bien sûr les peintes hollandais du XVIIe ou italiens du XVIIIe avaient déjà représenté la ville :

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Gerrit Adriaenszoon Berckheyde (1638 – 1698), Le Grand Marché de Harlem, 1696, huile sur toile, 69.5 x 90.5 cm, Harlem, Frans Hals Museum. 

On peut ajouter les « vedute » urbaines de Canaletto et de Guardi à Venise au XVIIIe siècle.

Mais avec la photographie, la vue urbaine prend une nouvelle diemnsion par  l’attention portée aux détails ce que permet l’objectif, le refus du pittoresque et de la scène de genre.

Louis-Auguste Bisson (1814-1876) et Auguste-Rosalie Bisson (1826-1900), Sans titre,  détail ornemental du gothique tardif (Rouen, vers 1855. Épreuve sur papier albuminé à partir d’un négatif au collodion.

L’urbaniste Baron Georges-Eugène Haussmann a chargé Charles Marville (1813-1879) de documenter le « vieux Paris » avant la refonte haussmannienne des rues et des espaces publics de la ville. Des séries de photographies de l’ancien tissu urbain sont ainsi réalisées dans les années 1860-70.

Charles Marville, Impasse de la bouteille de la rue Montorgueil (2e arrond.), vers 1865, papier albuminé à partir d’un négatif verre au collodion. Paris Musée Carnavalet.

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Charles Marville, Rue du Chat-qui-Pêche (depuis la Rue de la Huchette (5e arrond.), vers 1868,  papier albuminé à partir d’un négatif verre au collodion. Paris Musée Carnavalet.

Au-delà de leur  qualité artistique, ces séries témoignent d’un souci d’information qui dépasse le simple pittoresque des aquarelles et des gravures romantiques.

Le puissant effet spatial et en même temps dramatique de l’Impasse de l’Essai débouchant sur le Marché au chevaux ci-dessous est dû en partie aux arbres du premier plan, dépouillés par l’hiver de leur feuillage et qui se cambrent comme des rideaux de théâtre révélant la scène. Dans cette vue quasi documentaire, l’effet dramatique est obtenu malgré l’absence de toute recherche sur la lumière. 

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Charles Marville, L’umpasse de l’Essai et Le Marché aux chevaux. Date du négatif vers 1865 ; imprimé après 1871 sur papier albuminé à partir d’un négatif verre au collodion. Paris Musée Carnavalet.
Cette impasse pavée se tenait près du marché aux chevaux à Paris. Au-delà du mur de pierre, un quartier populaire de structures modestes s’appuie sur une allée de terre. Ce quartier a été démoli pour faire place à l’un des grands boulevards haussmanniens, qui caractérisent au XIXe siècle le Paris moderne.

L’architecture des ingénieurs: ponts, gares, voies ferrées.

Aussitôt terminés ces ouvrages spectaculaires, les commanditaires étaient fiers de les faire figurer dans de somptueux albums qui étaient autant d’occasions pour les opérateurs de faire preuve d’invention et d’audace. Ces formes rigides, abstraites du matériaux employé par prédilection, càd du fer, convenaient parfaitement à la transparence glacée du négatif verre qui dès 1851 a su exalter les qualités de ces constructions, mieux que les toiles de Gustave Caillebotte :

Gustave Caillebotte (1848-1894).La Seine et le pont de chemin de fer d’Argenteuil, 1885 oo 1887. huile sur toile, (115.6 x 154.9 cm). Brooklyn Museum. (voir aussi le célèbre tableau le Pont de l’Europe : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Pont_de_l%27Europe)

Edouard Baldus, l’auteur de deux albums, des Chemins de fer du Nord en 1855 (le fameux album destiné à la reine Victoria) et du Paris-Lyon-Méditerranée (1859), est le plus précoce et le plus inventif dans ce domaine montrant ainsi sa foi au positivisme et au progrès qui grâce au machinisme rédisait les distances de l’espace – temps.

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Un des clichés les plus impressionnants :
Edouard Baldus, le Viaduc de Saint-Chamas. 1869. Épreuve sur papier albuminé à partir d’un négatif verre au collodion. Paris BNF.
E. Baldus, Lyon, gare de Perrache. 1869. Épreuve sur papier albuminé à partir d’un négatif verre au collodion. Paris BNF.
Mais d’autres photographes travaillant pour l’administration des Ponts et Chaussées (comme Costerhuis) ou pas, ont su admirablement utiliser eux aussi les formes géométriques, décoratives pafois légères parfois plus massives, et finalement abstraites de ces structures.
Costerhuis (photographe des Ponts et Chaussées), Pont de Crève-coeur en Hollande, 1871. Photothèque de l’École des Ponts et Chaussées.
 
Photographie qui préfigure les vues avant-gardistes de New York par Paul Strand.
Paul Strand (New York 1890 – Orgeval, France1976), 1915, 33.6 x 25.9 cm. Tirage sur papier sensibilisé à la platine (voir ici). New York, Metropolitan Museum.

Paul Strand a été présenté à Alfred Stieglitz par son professeur Lewis Hine et il est rapidement devenu membre du groupe de peintres et de photographes réunis à la galerie 291 (Fifth Avenue) d’Alfred Stieglitz. Là, il découvre les dernières tendances de l’art d’avant-garde européenne à travers des expositions de Cézanne, Picasso, Matisse et Brancusi. Strand a incorporé leur technique de composition abstraite dans son travail, mariant le nouveau langage de la conception géométrique des formes (cf. Cézanne) à son intérêt pour la vie de la rue et la culture de la machine.

Le regard de Strand sur la ville au cours de ces années 1920-1930, se concentre souvent sur le dialogue entre la rigueur géométrique du tissu urbain et la vie humaine qui l’habite et la traverse. From El est un bon exemple de cette approche dialectique, entre la puissance graphique de la ferronnerie et des ombres de la rue rythmées et le petit piéton solitaire en haut à droite. Strand aborde ici les effets de la nouvelle condition urbaine de manière oblique, en introduisant un biais politique subtile à la structure formelle de l’image. En réalité, c’est le regard porté sur la nature qui est bouleversé par la photographie même si les peintres du XIXe avaient déjà ouvert la voie.

 

3. Une nouvelle manière de transcrire la nature : des pionniers aux premiers modernes du XXe.
Souvenons nous de la fameuse exposition Before Photography et des réflexions du commissaire Peter Galasssi. La thèse de l’exposition est que les peintres ont exploré de nouveaux points de vue avant la photographie. Il y aurait donc une filiation peintrue de paysage – photographie (cf. aussi exposé sur le livre de Roland Recht Lettre de Mr de Humboldt, voir paragrapphe « Paysage » dans le cours introductif  ici

Cependant, selon certain.e.s historien.ne.s de l’art comme Rosalind Krauss dans Photographiques, cette fifiliation n’a pas lieu d’être, les « vues » de Sullivan ne relèvent pas de la même démarche ni du même résultat que les paysages de Friedrich

(Sur ces rapports photographie et peinture de paysage voir cours introductif ici : https://lewebpedagogique.com/khagnehida2/archives/12198)

Le cadrage est depuis Alberti, la « fenêtre », qui opère une découpe, soit comme une scène de théâtre qui inclut le décor, soit dans la nature isolant ainsi un morceau du paysage (la notion de paysage implique l’étendue, or, le peintre classique compose son paysage comme une totalité alors que le paysagiste impressionniste de plein air comme le photographe opèrent une sélection, une découpe (détaglio).

Chez Friedrich, c’est un thème central.

Caspar David Friedrich Femme à la fenêtre, 1822,  44 × 37. Huile sur toile. Alte Nationalgalerie, Berlin

Ou un cadre sans la présence physique de la fenêtre :
Caspar David Friedrich Femme devant le coucher de soleil ou soleil du matin Vers 1818, 22 × 30, Huile sur toile, Museum Folkwang Essen.
Thème central pour Talbot comme le montre ce magnfique et célèbre cliché :
William, Henry Fox Talbot, (1800-1877) Rouen (fenêtre) 16 mai 1843, épreuve moderne à partir d’un négatif papier original, 15x18cm. The National Science and Media Museum, Bradford (Angleterre).
Le 16 mai 1843, William Henry Fox Talbot, s’arrêtant à Rouen en route pour Paris pour tenter de commercialiser son procédé de calotype, installe sa caméra devant la fenêtre aux rideaux de mousseline de sa chambre à l’Hôtel de l’Angleterre. Du fond de la chambre sombre, il ne se concentra pas sur les mâts de voiliers amarrés à l’extérieur sur le quai du Havre ou sur le nouveau pont suspendu qu’il devait enregistrer sur d’autres images, mais sur le plan de la fenêtre elle-même, avec ses meneaux, sa grille de balcon, ses tringles à rideaux et son filigrane de dentelle. Sachant très bien que les murs faiblement éclairés de sa chambre seraient grossièrement sous-exposés s’il tentait de capturer quoi que ce soit du monde extérieur lumineux, Talbot a persisté avec cette composition énigmatique, ni paysage ni nature morte, étude de la nature ou scène de genre, au mieux une « image pittoresque » comme il le décrira plus tard dans The Pencil of Nature.
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1d/From_the_Back_Window_%E2%80%93_291_MET_DT1185.jpg/616px-From_the_Back_Window_%E2%80%93_291_MET_DT1185.jpg
Alfred Stieglitz (1864–1946,From the Back Window – 291,1915, papier sensibilisé au platine, 25.1 x 20.2 cm. New York, Metropolitan Museum of Art.
Au tournant du siècle, les fonctions de Stieglitz en tant que galeriste, éditeur, et  promoteur d’expositions lui laissaient peu de temps pour photographier. Cependant, il prend quelques clichés de son environnement proche comme ses collègues de la galerie ou la vue depuis sa fenêtre avec une rigueur moderniste impressionnante que seuls des grands photographes comme Strand ont pu égaler, voire dépasser.
En effet, les problèmes nouveaux que soulève la position spatiale du photographe par rapport au sujet qu’il doit reproduire vont très tôt aider à faire émerger une nouvelle conception plus moderne de la perspective. Pour faire face à ces problèmes, les peintres avaient la possibilité grâce à des études préparatoires, et des points de repère fixés par une mise au carreau.
Exemples :
Gustave Le Gray dans sa série consacrée à la famille du comte Olympe Aguado, photographe amateur de grande qualité, lui-même élève de Gustave Le Gray, dans son appartement sur la Place Vendôme :
Attribué à Gustave Le Gray, Olympe Aguado dans son appartement. vers 1850-55. Sur ce photographe amateur voir expo du Mamcs ici : aguado expo mamcs.
Ligne d’horizon élenvée, figures dans des poses familières saisies sur le vif dans leurs activités quotidiennes comme le préconisait le critique défenseur des peintres réalistes (tel Caillebotte ou Degas) Duranty et que Degas avait ensuite institué dans la peinture avec un tableau comme :
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/4/47/Edgar_Germain_Hilaire_Degas_016.jpg/974px-Edgar_Germain_Hilaire_Degas_016.jpg
Edgar Degas , Le Bureau de coton à La Nouvelle-Orléans (ou Portraits dans un bureau, Nouvelle-Orléans), 1873, huile sur toile, 73 x 92 cm, Musée des beaux-arts de Pau. C’est un portrait de groupe regroupant une partie de la famille maternelle de Degas.
Autre photographe qui marque sa volonté de saisir les modèles dans un esrit de liberté et de naturel jamais vu jusque là en peinture, c’est Charles Nègre avec ses deux modèles féminins :

Charles Nègre, Etude d’après nature : nu allongé sur un lit dans l’atelier de l’artiste. 1848, Négatif papier et épreuve moderne, 16x19cm, Musée d’Orsay.

Charles Nègre, Etude d’après nature : modèle allongé dans l’atelier de l’artiste, 1849,  négatif papier ciré, 16.2 x 19.4 cm. Coll. privée.

Point de vue désaxé (comme Degas plus tard dans ses différents tableaux, pastels et dessins), ce qui ne signifie forcément réflexion théorique préalable comme ce sera plus tard le cas chez Degas dont les points de vue désaxés et plongeants révèlent une véritable recherche voolntaire et systématique de renouvelement de la perspective.
Il faut attendre les années 1890 après l’invention des émulsions préfabriquées permettant des  instantanés de précision tels que Bonnard les pratiquera p. ex. :
Pierre Bonnard, Chien marchant au Grand-Lemps, vers 1899, tirage moderne à partir d’un négatif gélatino-argentique 13 x 18cm, coll. privée.
Pierre Bonnard, Baignade au Grand-Lemps, vers 1903. Même technique que le précédent cliché. Paris Musée d’Orsay.
Dans l’esthétique de l’instantané, le cadrage joue un rôle essentiel. Même si l’instantané a été d’abord formulé par des artistes peintres, il ne représente qu’une part minime de la production artistique en peinture alors qu’il connaître un développement  continue des années ’30 jsuqu’à nos jours dans la photographie de reportage. Le caractère paradoxal de la posiiton de l’opérateur, est que le regardeur n’imagine pas toujours (à moins d’être un conaisseur en photographie) quelles prouesses ont permis le point de vue adopté. Par exemple dans les photographies aux poses si classiques de fillettes par Lewis Caroll qui devait sûrement s’alllonger ou s’accroupir pour donner une plus grande présence et monumentalité à ses fillettes modèles.
Il achète son premier appareil photographique à Londres en 1856. Quelques jours plus tard, il se rend dans le jardin du doyen Liddell au Christ Church College pour photographier la cathédrale. Il y trouve les trois fillettes Liddell dont Alice, sa future inspiratrice, et les prend pour modèle.
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/5b/Liddell%2C_Edith%2C_Lorina_%26_Alice%2C_%27Open_your_mouth...%27_%28Lewis_Carroll%2C_07.1860%29.jpg/482px-Liddell%2C_Edith%2C_Lorina_%26_Alice%2C_%27Open_your_mouth...%27_%28Lewis_Carroll%2C_07.1860%29.jpg 
Entre 1856 et 1880.
Il commence à photographier les fillettes dans des poses d’héroïnes de contes de fées, puis passe à des clichés déshabillés qu’il exige qu’on détruise après sa mort, avant d’abandonner la photographie en 1880, ayant peut-être été trop loin dans son goût pour les fillettes et les nus, au regard de la morale à l’époque victorienne.
De même l’apparente sobriété des nombreux portraits réalisés par Adrien Tournachon et son frère Félix Nadar ne doit pas faire ouboer les nombreuses astuces de position ou de costume qu’ils utilisaient pour mettre en valeur les fortes personnalités de leurs clients.
 
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/61/Tournachon%2C_Adrien_-_Emile_Blavier_%28Zeno_Fotografie%29.jpg/601px-Tournachon%2C_Adrien_-_Emile_Blavier_%28Zeno_Fotografie%29.jpg

Adrien Tournachon (1825 – 1903), Portrait d’Émile Blavier (1884-1946), sculpteur, entre 1854 et 1858. Épreuve sur papier salé d’après un négatif sur verre au collodion, 30,8 × 23,7 cm. BnF, département des Estampes et de la Photographie.

On remarque ici le léger, presque imperceptible effet de contre-plongée qui donne une plus grande monumentalité à la figure du sculpteur belge, ami des Nadar.

De la même manière, Julia Margaret Cameron, dans ses portraits de grands hommes de son temps et amis, invente un point de vue propre à la photographie inconnu en peinture :

Julia Margaret Cameron, portrait Sir John Herschel (astronome) 1875, ge?latine bichromate?e, additionne?e a? du noir de carbone pulve?rise?. (fort effet esthétique)

Plusieurs « grands hommes du monde des sciences et de la culture ont ainsi été photgraphiés, des visages du génie humain auxquels, par son cadrage, Cameron donne un caractère intemporel à la fois et très proche du regardeur. Dans le film La Passion de Jeanne d’Arc, (1928), le cinéaste danois Carl Theodore Dreyer usera pour la première fois au cinéma de ces très gros plans sur le visage de la sainte martyre incarnée par Renée Jeanne Falconetti et de ses bourreaux :

Ces gros plans, Cameron les introduit aussi dans des scènes religieuses comme dans l’extraordinaire cliché :

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Julia Margaret Cameron, Prayer and Praise (prière et louange), Malibu, Musée Getty.

Ici, l’effet hyperréaliste dee l’Enfant Jésus au premier plan contraste avec le titre et l’expression des figures qui appellent plutôt le recueillement. Ici, l’audace du cadrage et de la mise en page des figures occupant tout l’espace doit beaucoup aux oeuvres maniéristes et baroques que l’artiste photographe connaissait très bien (p. ex. La Sainte famille de Caravage ici) . L’effet de réel ici est maximal, plus encore que les détails illusionnistes des tableaux de Van Eyck ou le reflet de la fenêtre sur le bras du fauteuil dans le Portrait de Mr Bertin par Ingres (voir ici).

Parfois, l’intimité avec le personnage représenté peut s’exprimer de manière inversée, lorsque c’est l’opérateur qui domine son modèle pour exprimer ainsi son attendrissement :

Henri Le Secq. Le Petit soldat (fils du photographe) papier salé d’après nég. papier cir., 14,2 x 10,9 cm (épr.). Bibliothèque des Arts décoratifs, Paris.

Adrien Tournachon, Marie Roux, 1854-55, épreuve sur papier albuminé, à partir d’un négatif sue verre au collodion, 26×21 cm, Paris, BNF. Elle jouait le rôle de Musette, une « lorette » (jeune femme élégante vivant de ses relations avec des hommes).

4. Les nouveaux points de vue de plus en plus audacieux.

La mise au point autour de 1888 des appareils portatifs Kodak et des prises de vue au 40e de seconde, ne nécessitant plus un pied, la photographie acquiert une très grande liberté permettant aux amateurs, d’adopter de nouvelles perspectives et angles de vue de plus en plus radicales. Mais pendant un temps, rares étaient les photographes ayant eu l’idée de telles expérimentations. Un des premiers à explorer ces points de vue novateurs est le graveur et lithographe Henri Rivière dans sa série sur la Tour Eiffel en 1889.

Henri Rivière (1864-1951). Excursion photographique sur la Tour Eiffel en construction. 1889.
D’après plaque négative au gélatino-bromure d’argent. 9 x 12 cm. Paris. Musée d’Orsay.

Voir d’autres clichés spectaculaires de Rivière  ici : http://lumieredesroses.com/expositions/eiffel-henri-riviere

Impressionnante série que ce reportage dont l’audace des points de vue anticipe avec plus de vingt ans d’avance les cosntructivistes russe, en particulier Alexander Rodtchenko (1891-1956), dont un des sujets de prédilection seraa justement la Tour Eiffel, et qui théorise cette révolution du regard photographique au XXe siècle.

Quelques clichés parmi les plus spectaculaires deRodtchenko :

Alexander Rodtchenko, Sans titre, 1927, tirage argentique, 22×15 cm, MOMA.

Alexander Rodtchenko, Issue de secours (1930) tirage argentique, Musée d’art moderne de la Ville de Paris.

Mais Rodtchenko atteint la perfection avec son plus célèbre cliché, la Femme au Leica (1934) où travail sur la lumière, le cadrage et le point de vue donnent à cette photographie un caractère irréel sans pour autant nuire au naturel de la figure de la jeune femme avec son Leica, appareil photo soviétique célèbre et concurrent de l’américain Kodak.

     

Daniel Girardin, historien de l’art et essayiste rançais écrit sur cette photographie :

« La jeune fille au Leica est la plus célèbre photographie de Rodtchenko, certainement la plus belle qu’il ait jamais réalisée, et peut-être la plus tragique de sa vie personnelle. Elle résume à elle seule le destin du photographe par son esthétique autant que par le moment où elle a été réalisée, en 1934. Elle est d’une exceptionnelle perfection formelle, très structurée car construite sur des diagonales, des lignes et des masses, avec un point de vue basculé et des géométries d’ombre et de lumière. Le modèle, parfaitement intégré à l’environnement, est décentré et apparaît en contrepoint blanc avec un damier de lignes noires... »

Un deuxième angle de vue en plongée :

Cadrage plus serré et jeu des obliques tout simplement époustouflant.

Pour mesurer l’écart spectaculaire entre la modernité du XIXe et celle du XXe siècle comparons la Femme au Léica à une autre photographie audacieuse célèbre de Stieglitz :

Alfred Stieglitz (1864-1946), Rayons de soleil-Paula, Berlin – 1889, impression platine, National Gallery, Washington.

Dans le domaine du point de vue, c’est Henri Rivière qui a été. le véritable initateur avec ses photographies spectaculaires de la Tour Eiffel (qui a intéressé d’autres artistes et photographes  sans que personne n’atteigne le niveau magistral de Rivière sur ce thème).

Il récidive d’ailleurs avec l’audace des vues plongeantes ou de bas en haut au Théâtre d’ombres du célèbre Cabaret Le Chat noir (voir ici) fréquenté par les artistes et les écrivains de la fin du XIXe et dont il dessinait les figures.

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Henri Rivière. Cabaret du Chat Noir: Les acteurs déplaçant des figures de zinc derrière l’écran pour l’Epique,vers 1887-94. Épreuve gélatino-argentique, (9 x 12 cm.) Musée d’Orsay, Paris.

Henri Rivière. Le cabaret du « Chat Noir » – Conversant autour d’une table. 1887-94, Épreuve gélatino-argentique, (9 x 12 cm.); Paris, Musée d’Orsay.

Bonnard (comme Degas également) a expérimenté de nouveaux angles de vue et pas seulement dans certaines photographies :

Pierre Bonnard, La petite blanchisseuse, 1896. lithographie couleur, 49.5 cm x 37.8 cm, Van Gogh Museum, Amsterdam

Alexander Rodtchenko va cependant plus loin tant dans la réalisation que sur le plan théorique. Voici ce qu’il écrivait en 1928 se plaignant de la méconnaissance des règles de la perspective élaborées à la Renaissance mais ignorées par les photographes :

 » …Nous ne voyons pas ce que nous regardons. Nous ne voyons pas les positions, les perspectives remarquables qu’offrent les objets. Nous qui sommes dressés à à voir les choses habituelles, à voir ce qu »on nous a inculqué, nous avons à découvrir le monde du visible. Nous devons révolutionner notre mode de pensée visuel (…) Les points de vue les plus intéressants pour la vie moderne sont les points de vue de haut en bas et de bas en haut et leurs diagonales ».

Un autre « précurseur » du constructivisme a été Giuseppe Primoli qui a également su faire preuve de liberté et d’audace dans la mise en page avec un sujet particulièrement : les fêtes foraines. PLus que dans la recherche de la perspective, c’est dans l’art de l’instantané que Primoli s’est illustré parfois en combinant les deux effets dans le même cliché.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/af/Roma._Equilibrista.jpg/580px-Roma._Equilibrista.jpg

Giuseppe Primoli, Rome, Equilibriste, vers 1890, épreuve moderne à prtir du négatif original. 6x6cm. Rome, Fondation Primoli.

Giuseppe Primoli, Rome, Femmes montant la « Scalinata » de la basilique Santa Maria in Aracoeli, 1893, épreuve moderne à prtir du négatif original. 6x6cm. Rome, Fondation Primoli.

Le pictorialiste Alvin Langdon Coburn a également pratiqué les vues spectaculaires comme sa célèbre « The Octapus » (la Pieuvre)

Alvin Langdon Coburn, « The Octapus » (la Pieuvre), 1912, épreuve moderne sur papier platine à partir du négatif original 42 x 51cm. Rochester Museumof Photography.

Photographie suivant des tendances abstraites qui doivent beaucoup à l’art japonais qu’il a étudié et qui préfigure les vues spectaculaires de Moholy-Nagy des années ’20 au Bauhaus :

László Moholy-Nagy, Vue depuis la Tour radio de Berlin, 1928. Tirage gelatino-argentique. 36x25cm. Chicago Art Institut.

Au cours de l’hiver et du printemps 1927-1928, alors professeur du Bauhaus László Moholy-Nagy (d’origine hongroise) a pris une série de neuf vues peut-être depuis la tour de radio de Berlin, l’une des nouvelles constructions les plus spectaculaires de la capitale allemande.

Moholy avait déjà photographié la Tour Eiffel à Paris d’en bas, regardant à travers les poutres de la tour. À Berlin, cependant, Moholy a retourné son appareil photo et l’a pointé directement vers le sol. Cette perspective plongeante montrait l’étroitesse spectaculaire de la tour radio, achevée en 1926, qui s’élevait vertigineusement à une hauteur de plus de 130m et d’une base sept fois plus petite que celle de la Tour Eiffel. Moholy y attachait une importance exceptionnelle car ce fut son image la plus audacieuse : il l’avait accrochée juste au-dessus de son nom dans la salle consacrée à son travail lors de la projection à Berlin de la grande exposition de l’image Film und Foto. En 1931, les photos ont été exposées à la Levy Gallery de New York, dans la première exposition personnelle de photographies de Moholy.

En réalité, c’est beaucoup plus tôt que les premières expérimentations de vues audacieuses avaient commencé avec Carleton Eugene Watkins  (1829-1916) dans son album sur la vallée de Yosemite en Californie :

Carleton Eugene Watkins, Arbres vus en contre-plongée et Paysage de la vallée de Yosemite, vers 1870-75, planches de l’album de 72 photographies, épreuve sur papier albuminé à partir d’un négatif verre au collodion. Tondos diamètre 12,5cm. Metropolitan Museum de New York

La photographie aérienne a été inaugurée par Félix Nadar avec ses vues prises en ballon en 1860. Cependant elle ne devient systématique que pendant la Première Guerre mondiale.

F. Nadar, « vue aérostatique » du quartier de l’Etoile, tirage d’après négatif verre au collodion humide 24 x 30 cm, 16 juillet 1868.

Cette invention est promise à un grand avenir fait de perfectionnements techniques de la prise de vue rendant les clichés plus nets à l’influence fondamentale de la photographie aérienne sur la naissance de l’art abstrait. Quatre décennies plus tard, une photographie prise pour l’album Paris vu en ballon et ses environs, (1909) à cinquante mètres du sommet, montre les progrès  du médium (appareils plus légers, optique plus performante). 

Albert Omer-Decugis, André Schelcher « La Tour Eiffel », publié dans Paris vu en ballon et ses environs, 1909.

La photographie perpendiculaire réduit tous les volumes à un plan unique sur lequel s’articulent les aplats que forment le jardin et la Seine et où se conjuguent les lignes de la Tour et les allées du Champ-de-Mars. L’hebdomadaire L’Illustration avait coutume de publier en pleine ou en double page des reproductions de tableaux ou de gravures. La plupart du temps en couleurs, ces images n’illustraient pas un texte et n’étaient pas le sujet d’un article. Elles étaient proposées pour leurs qualités picturales et visuelles. À partir de 1900, cette rubrique accueille des reproductions photographiques. Le 5 juin 1909, “La tour Eiffel vue en ballon” de Schelcher et Omer-Décugis, publiée en double page, est la première photographie aérienne à y prendre place. Elle est accompagnée d’une courte légende : « Entre tant d’aspects inattendus de Paris que nous ont révélés les photographies prises en ballon, ce cliché de la tour Eiffel est peut-être le plus étonnant […]

Rbert Delaunay, passionné d’aviation, est celui qui en a été le plus influencé.

Robert Delaunay, Tour Eiffel et jardins du Champs-de-Mars, 1922 Huile sur toile – 178,1 x 170,4 cm Washington, Smithsonian Institution Hirshhorn Museum and Sculpture Garden

Parmi les photographes militaires américains enrôlés qui débarquent en Europe en 1918, on trouve de nom aussi illustres qu’Édouard Steichen qui grâce  à cette expérience bascule dans la photographie moderne avec une tendance à la précision de la mise au point et à l’abstraction.L’album de ces pohotographies ériennes est ici : https://archive.artic.edu/steichen/category/world-war-i-album/index.html

Edward Steichen (1879-1973), Sunday Papers, West Eighty-Sixth Street, New York, vers 1922, 10 x 8 pouces, épreuve gélatino-argentique, réalisée dans les années 1990; Exemple de « straight photography » et en même temps une impression d’abstraction par le caractère bidimensionnel de l’image.

5. Cadrer le détail.

Voir exposé d’Adèle Bugault (K-Ulm) sur le détail photographique : https://lewebpedagogique.com/khagnehida2/archives/11965

La notion de détail est fondamentale en photographie. Tantôt il est conçu comme une partie d’un inventaire comme les clichés commandés entre 1870-1900  aux photographes de l’Ouest américain au moment de sa conquéte :

Timothy O’Sullivan, William H. Bell, le Grand Canyon, Colorado River, 1872. Épreuve à l’albumine argentique, (27,5 × 20,2 cm). Metropolitan Museum N.Y.

Ces séries accumulent nombre de portions de paysages qui, n’avaient pas toujours ce caractère grandiose des paysages américains peints (p. ex. ceux d’Albert Bierstadt ici) et se représentaient souvent comme des fragments bien déterminés du paysage, sans l’unité de celui-ci. Ainsi la forme du détail photographié s’approche de l’esquisse préparatoire, de l’étude sur le motif, ou de l’exercice de représentation des détails anatomiques avant d’aborder le corps dans son unité. Parfois un détail photographique acquiert une valeur symbolique comme la main de Victor Hugo en gros plan.

Fig. 7 : Auguste Vacquerie, La Main de Victor Hugo, 1853-1854

Auguste Vacquerie, La Main de Victor Hugo, 1853-1854. Tirage sur papier salé, 6,8 × 8 cm.
Elle symbolise en premier lieu l’écrivain, mais il évoque aussi plus largement le processus créateur de l’artiste.
Un peu plus tard, la comtesse de Castiglione fera reproduire certaines parties de son corps en profitant pour multiplier les mises en pafe inédites.
Image illustrative de l’article Virginia de Castiglione
La comtesse de Castiglione posant devant l’objectif de Pierre-Louis Pierson, dans les années 1860.
Ici, le regard du spectateur est attiré par un détail, l’œil de la comtesse encadré en ovale à la manière d’une petite photo-souvenir.
Mais l’exubérante courtisane a plusieurs reprises photographier ses pieds chaussés ou nus.
Parfois c’est un détail de la photographie qui tout en donnant le titre à l’image pour la différencier des autres, attire le regard du spectateur.
Photographie de la comtesse de Castiglione, dite à l’éventail, sous le titre de Elvira en 1863, par Pierre-Louis Pierson à Paris. Collection du Metropolitan Museum of Art.
Le développement du portrait a abouti dans certains cas à un fétichisme de son image (un nouveau narcissime) comme celui de la comtesse de Castiglione, égérie de la cour impériale de Napoléon III. Ayant une disposition particulièrement affirmée au paraître, elle a accumulé par une manie névrotique les prises de vue de sa personne et même de parties de son corps (effectuées par Louis Pierson) dans des attitudes évocatrices.
La collection de photographies de la comtesse au Metropolitan de N.Y ici. Le musée lui a d’ailleurs cosncré une exposition en 2000,  sous le titre « La Divine Comtesse » : https://www.metmuseum.org/exhibitions/listings/2000/comtesse
Autre article, du point de vue genre, sur la « féminité » qu’incarne la figure de la « Divine comtesse » à travers quelques clichés originaux ici https://journaleuse.com/2016/08/07/les-jambes-de-la-comtesse-le-desir-de-qui/
Vers 1918-1920, Alfred Stieglitz photographie le corps de sa femme Giorgia O’Keeffe en le décomposant en une vingtaine d’images :
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/b/b4/O%27Keeffe-%28hands%29.jpg/379px-O%27Keeffe-%28hands%29.jpg

Voir aussi :  : https://archive.artic.edu/stieglitz/portraits-of-georgia-okeeffe/

et ici plusieurs photographies de détails (visage, mains): https://www.thecut.com/2017/07/photos-georgia-okeeffe-by-alfred-stieglitz.html

Paul Strand pousse plus loin encore le détail en cadrant sur une partie du visage avec l’arabesque du cou :

En 1921, Paul Strand a épousé la peintre Rebecca Salsbury. Pendant les premières années de leur mariage, il la photographie fréquemment, comme dans ce portrait intime d’elle en 1923.

Paul Strand, Rebecca endormie. Tirage au palladium, 24x19cm.

C’est une étude rapprochée de son visage paisible et endormi, son menton reposant doucement sur son épaule nue contre le linge de lit blanc. Les plis et les courbes de sa chair sont adoucis dans l’éclairage uniforme qui baigne sa peau, tandis que le recadrage très serré éloigne le portrait de l’individualité du modèle.

Max Burchartz, designer et photographe et designer allemand (1887-1962) ira encore plus loin en montrant une portion de visage dans cette photographie :

Max Burchartz, L’Oeil de Lotte, 1928, tirage gélatino-argentique. 30x40cm. MOMA. N.Y.

(sur sa vie voir ici) d’autres oeuvres de Burchartz sur le eite du MOMA : https://www.moma.org/artists/869

Le détail photographique est d’une autre nature que le fragment, l’esquisse ou le moulage. C’est d’un autre regard sur le réel qu’il s’agit obtenu par le choix du cadrage. La photographie découpe des formes familières et donne naissance à d’autres formes étrangères tout en bousculant la hiérarchie enytre formes principales et formes secondaires.

Attribué à Baldus, Façade d’un hôtel parisien, 1855, épreuve sur papier albuminé à partir d’un négatif verre au collodion44x33cm. Paris, coll. part.

Dans cette prise de vue, l’effet surprise est créé par la forme abrupte du mur côté gauche interrompu car la maison d’à côté a disparu ou n’existe pas. Les blocs de pierre des refends sont ainsi laissés saillants créant un effet d’étrangeté.

Parfois la prise de vue nous fait simplement découvrir sous une nouvelle perspective un sujet que l’on croyait connaître (Zola confiait à un journaliste en 1900 « On ne peut prétendre avoir vu une chose tant qu’on ne l’a pas photographié ») ou fait ressurgir un souvenir proustien enfoui dans l’inconscient.

 

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Auteur/autrice : Emmanuel Noussis

Professeur agrégé chargé de l'option Histoire des Arts en CPGE, Lycée Fustel de Coulanges, Strasbourg

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