Le modèle antique dans l’architecture de la Renaissance

Le modèle antique dans l’architecture de la Renaissance

Introduction

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/a6/UNICEF_Innocenti_Research_Centre.jpg/1024px-UNICEF_Innocenti_Research_Centre.jpg

Filippo Brunelleschi, la façade avec le portique de l’Hôpital des Innocents (1419). Florence. Un nouveau (totalement ?) langage architectural.

Au XVe siècle (Quattrocento)  s’opère une rupture réelle mais toutefois moins radicale qu’on ne l’a dit. Au XVIe siècle, Giorgio Vasari reconnaît en Brunelleschi (encore un florentin…) « Celui qui a été « envoyé par le Ciel pour rénover l’architecture égarée depuis des siècles ». En réalité l’architecture du Quattrocento a sa logique propre, mais n’est pas pour autant une rupture nette avec l’art « barbare », du Nord (c’est à dire le style gothique des cathédrales françaises ou allemandes) ni un simple retour à l’antique. Elle s’inscrit plutôt dans un mouvement de retour à l’art roman.

I. De nouveaux principes sont affirmés.

    A. Les édifices de Brunelleschi constituent une rupture par rapport au Moyen Age.

Sur l’Hôpital des Innocents (1419) première tentative d’application des nouveaux principes pvoir diaporama du cours d’Hypokhâgne ici :

https://drive.google.com/file/d/0ByMLcNsCNGb5OWxRS05HVmNQRE0/edit?usp=sharing

L’intention et les moyens de la nouvelle architecture sont clairement identifiables à San Lorenzo (et dans son ancienne sacristie) :

– réintroduction intentionnelle des ordres classiques : pilastres corinthiens, colonnettes ioniques, entablement.

– utilisation exclusive de relations géométriques élémentaires (caractère grec) et un forte accentuation de la centralisation spatiale (caractère romain dont la forme la plus affirmée est la coupole dont la centralité est double : côté extérieur elle marque le paysage urbain côté intérieur elle st le support de fresques aux effets de perspective en raccourci très spectaculaires appelés « di sotto in sù« . 

– l’utilisation de la pietra serena signale clairement les membres primaires (verticales, horizontales encadrements) rendant l’ensemble « tectonique » intelligible (déjà le cas dans le gothique mais avec une plus grande complexité : arcs brisés, colonnettes…).

La symétrie unifie les éléments pour former un ensemble harmonieux défini quelques années plus tard par Alberti : l’harmonie est atteinte lorsque  « rien ne peut être ajouté, ni ôté, ni modifié sinon pour le pire« . Ce concept de perfection et d’harmonie est nouveau.

L’édifice comme corps plastique apparaît de manière éclatante avec le fameux Tempietto San Pietro in Montorio de Bramante à Rome (voir ici : http://artehistoire.over-blog.com/tempietto-san-pietro-in-montorio-un-bijou-dans-l-histoire-de-l-architecture).

Aucun prototype direct n’existe dans l’architecture antique de ces deux édifices, ils n’en révèlent pas moins d’importantes résurgences classiques.

A la conception gothique d’un espace spiritualisé par la lumière succède un espace contenant concret ce qui signifie un retour du concept romain. L’espace renaissant indique également une volonté nouvelle pour un ordre géométrique homogène qui met en scène l’idée d’harmonie et de perfection comme valeurs absolues.

Ces nouvelles intentions se manifestent tant dans les édifices religieux que civils. Si l’homme renaissant croit grosso modo au même ordre spatial de l’Univers que l’homme médiéval, le concept d’ordre est différent. Plutôt que d’essayer d’atteindre le Royaume de Dieu il s’est donné comme mission pour l’architecture de rendre visible cet ordre en utilisant la science mathématique d’où l’importance de la perspective et des proportions.

Dans l’Antiquité les proportions des édifices et des structures étaient liées au corps humain et dans dans cette médiation les architectes de la Renaissance ont trouvé la clef de l’harmonie intrinsèque de toute création. Leurs oeuvres furent ressenties comme cosmiques et humaines à la fois, contrairement à celles du verticalisme gothique.

Le plan idéal d’un édifice ou même de la ville provient de la forme géométrique, de préférence centré (carré et ou cercle) :

-Cité idéale de Pienza : https://www.liberation.fr/culture/2011/08/17/pienza-citta-ideale_755273/

images ici :

https://www.bildindex.de/ete?action=queryupdate&desc=pienza%20&index=obj-all

https://photocollections.courtauld.ac.uk/sec-menu/search/?mode=gallery&view=horizontal&q=pienza&page=1&reverse=0&oldView=list

la Sforzinda : 

https://www.wga.hu/html_m/f/filarete/trattato.html

http://expositions.bnf.fr/utopie/grand/2_17.htm

https://docs.google.com/document/d/1ktN2sdG4zS_2WVTDtmy2rddwgKnMQ7_vQwMPG90eM7s/edit?usp=sharing

Mais le plus souvent c’est un mélange de longitude et de centralité qui préside les plans des édifices comme le plan basilical de San Lorenzo (Florence 1421) en forme de T  avec une coupole à la croisée du choeur et interprété rigoureusement en termes d’unités géométriques élémentaires qui s’additionnent et s’articulent.

Regardez le rapport entre le carré de la croisée du transept et la longueur de la nef centrale qui en est un multiple (1×4).

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/3f/Basilica_di_San_Lorenzo%2C_looking_toward_the_altar.jpg/1024px-Basilica_di_San_Lorenzo%2C_looking_toward_the_altar.jpg

Ici la centralité est encore faible, l’aspect longitudinal prime encore puisque l’effet de la coupole est modeste.

Cette église construite en 1424-1446, est le premier exemple d’architecture religieuse de la Renaissance.

A ce modèle mathématique des proportions  en architecture, s’ajoute rapidement un deuxième modèle : le plan centré, et en particulier circulaire ou en croix grecque. Le cercle et ses dérivés (carré, hexagone, octogone) sont considérés comme les formes les plus parfaites qui soient. Centralité et proportions sont les deux piliers de l’architecture de la Renaissance

En 1450, Alberti a eu l’occasion de mettre ses idées classiques en forme visible dans une structure ambitieuse, le San Francesco de Rimini, appelé Tempio Malatestiano,

C’est ici qu’Alberti pousse plus loin le retour à la centralité en projetant d’ajouter une rotonde, à l’image du Panthéon à la nef de San Francesco à Rimini. (1447). Cet ajout était prévu pour accueillir le mausolée de Sigismondo Malatesta que l’édifice était destiné à abriter.

Dessin restituant le projet d’Alberti pour le « Temple Malatesta » avec la coupole à la croisée du transept.

Si le modèle initial de ces coupoles est le Panthéon de Rome, on ne peut négliger l’impact de la coupole du Duomo de Florence conçu depuis 1296 par Arnolofo di Cambio et réalisé par Brunelleschi en 1420 environ.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/11/Tempio_Malatestiano_Rimini.jpg/1024px-Tempio_Malatestiano_Rimini.jpg

La façade elle-même, inachevée est inspirée de l’arc d’Auguste de Rimini :

Arc d’Auguste, Rimini, 27 av. JC.

Mais c’est Cristoforo de Rocchi (sous l’influence de Bramante) qui va accomplir la meilleure intégration d’un élément centré dans un plan longitudinal dans la cathédrale de Pavie (1488) :

Cristoforo de Rocchi Plan duomo de Pavie 1488

ici l’ampleur de la coupole fait qu’elle embrasse la nef et les collatéraux. Mais ces tentatives de fusion entre plan central et plan basilical longitudinal relève de la fonctionnalité liturgique demandée par le clergé. les recherches des architectes vont plutôt dans le développement du plan centré.  Bramante  porte cette idée à la perfection dans le plan centré de la basilique Saint-Pierre de Rome qu’il ne pourra pas réaliser.

Un des projets à plan centré de Bramante :  

La basilique telle qu’on peut la voir aujourd’hui a été prolongée par une nef conçue plus tard par Carlo Maderno qui a réalisé également la façade principale.

Les plans successifs :  https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Reymond_-_Bramante_et_l%E2%80%99Architecture_italienne_au_XVIe_si%C3%A8cle,_Laurens.djvu/25

Le dôme à double coque vu d’une galerie des musées du Vatican : le tambour aux colonnes géminées qui prolongent les nervures, est percé de seize fenêtres dotées alternativement d’un fronton triangulaire ou à segments ; l’attique est orné en guirlandes ; la calotte est percée de trois rangées de lucarnes.c

C’est le chœur, dominé par l’immense dôme, qui est proprement l’œuvre de Michel-Ange. À cause de son emplacement à l’intérieur de la cité du Vatican et parce que la perspective  de la nef et de la façade cache le dôme depuis la place Saint-Pierre, le travail de Michel-Ange est mieux apprécié à une certaine distance. Il est toutefois évident que l’architecte a beaucoup réduit les formes géométriques du plan de Bramante, clairement inscrites dans un plan carré, et aussi celles dessinées par Raphaël, sur plan carré à projections semi-circulaires

https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Reymond_-_Bramante_et_l%E2%80%99Architecture_italienne_au_XVIe_si%C3%A8cle,_Laurens.djvu/25

C’est ce que relèvent certains édifices et des plans de Léonard par exemple :

Léonard de Vinci, Élévation de’une église, vers 1485-88, Paris, Bibliothèque de l’Institut. Élévation et plan d’église (même source).

Les églises de la Renaissance italienne présentent une variété beaucoup plus grande que les églises byzantines dont le plan était également centré : plans circulaires, en croix grecque avec chapelles secondaires, plans polygonaux…

Le palais florentin.

Le type du palais florentin est également un dérivé de la maison à atrium romaine avec son cortile autour duquel s’organise la résidence familiale, à la fois fermé et relié à son environnement (axe allant de la porte au jardin en traversant le cortile comme on le voit sur le plan ci-dessous).

 

B. A l’origine de l’architecture renaissante, une nouvelle appropriation du modèle antique au Quattrocento.

Deux principes majeurs régissent l’articulation des édifices renaissants du Quattrocento : la géométrisation et la réintroduction des ordres classiques.

Dans une église. Santo Spirito de Brunelleschi : un perfectionnement du modèle de San Lorenzo.

Sur la géométrisation du plan et le travail sur les proportions, le projet de Brunelleschi pour Santo Spirito apparaît comme le plus novateur dès 1436 (même si l’église n’a été réalisée que plus tard, à partir de 1444).

Filippo Brunelleschi, Santo Spirito, vue de la nef vers la porte.

Santo Spirito est un chef d’oeuvre de projection géométrique, un « édifice central allongé ».

En reprenant le schéma de San Lorenzo, le plan de Brunelleschi s’appuie cette fois sur un élément de base la forme du carré, un grand, celui de la croisée répété vers le choeur et les bras du transept ainsi que dans la nef (il manque un collatéral à l’entrée, omis dans l’exécution des travaux) , et une subdivision de celui-ci (1/4) répété partout le long des collatéraux, du transept et du choeur.

Des absidioles semi-circulaires accompagnent la répétition de ce carré tout au long de l’édifice. Le plan est parfaitement symétrique autour de la croisée, seule la longueur de la nef (97 m !) ajoute un élément linéaire. Santo Spirito est un édifice « central allongé » sorte de compromis pour satisfaire les besoins liturgiques. L’articulation des membres est soulignée par l’utilisation de la pietra serena qui trace des formes visibles sur le fond blanc des murs recouverts de plâtre. Cet édifice marque l’aboutissement des recherches pour le premier style renaissant du Quattrocento

Vue vers le choeur  (autel anachronique daté 1599).

II. Le palais florentin : de la forteresse médiévale au palais Renaissance.

Le modèle du Palais florentin, une relecture moderne de la maison à atrium et des ordres classiques.

La comparaison du palazzo Pitti (1457) ci-dessous construit selon les plans de Brunelleschi, et du Palazzo vecchio médiéval (Arnolfo di Cambio1299-1314) montre bien dans quelle direction va l’architecture du palais florentin qui s’imposera un peu partout en Italie.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c2/Firenze_Palazzo_della_Signoria%2C_better_known_as_the_Palazzo_Vecchio.jpg

Le Palazzo Vecchio aujourd’hui.

La façade extérieure du Palazzo Pitti, gravure du XVIIe.

Ce qui était un mur continu avec des petites fenêtres variées et irrégulièrement placées du Palazzo vecchio, est devenu une composition mathématique et ordonnée : succession des étages claire, succession des arcs semi-circulaires parfaitement régulière. Brunelleschi avait montré la voie dès 1420 avec l’Hôpital des Innocents, puis vers 1440 avec le palais Médicis réalisé par Michelozzo à partir  des plans de Brunelleschi.

Pour une présentation de l’oeuvre de Brunelleschi avec schémas et plans détaillés des éléments architecturaux et de leur articulation voir le site :

Michelozzo Palais Medicis cortile

Michelozzo, Palais Médicis, Florence, vers 1444-1446. Cortile vu vers la sortie du jardin au fond.

Si dans les palais  l’intérieur est beaucoup plus expressif que la masse rustique de l’extérieur, le portique de l’Hôpital des Innocents dément cette règle avec son élégance visible sur la façade. (voir diaporama sur le site HK, Architecture du Quattrocento).

Au cœur du palais Médicis, le grand carré, la cour (cortile) ornée d’une arcade à portique qui répète, au-dessus d’un large bandeau à corniches orné de médaillons, le type de fenêtres de la façade. Cependant il y a des évolutions par rapport aux viaux palais florentins (Bargello et Palazzo Vecchio)

– Le plan est presque symétrique, le porche central de la façade originale ouvre sur un long couloir situé dans l’axe de la cour et plus loin dans une belle perspective vers le jardin lumineux et fleuri.

– Cependant certaines dissymétries manifestes. Le fond de la cour est plus large que les autres côtés du « carré », l’escalier principal part de l’arcade couverte au lieu d’être à ciel ouvert comme dans els palais antérieurs. Le grand escalier cérémoniel ne se répand qu’au XVIe siècle. L’influence de Brunelleschi est visible dans le portique simple reprise par Michelozzo de la façade de l’Hôpital des Innocents.

Il existe également problèmes de symétrie dans le rythme du piano nobile : absence de symétrie au niveau des dernières fenêtres avant l’angle, absence de pilastres aux angles contrairement à l’Hôpital où ils encadraient et stabilisaient l’ensemble. De même la symétrie est brisée au niveau des festons aux angles du piano nobile ( : rubans reliant les médaillons coupés aux angles) entre les médaillons de l’entablement plus courts aux extrémités. Ce problème allait être résolu plus tard à Urbino et à Rome. Ces problèmes sont dus au fait que Michelozzo a voulu appliquer le modèle brunelleschien au palais. En tout cas le succès est indéniable, les villas nombreuses acquises par la famille dans la campagne florentine suivront le même schéma.

Le retour aux ordres de manière rigoureuse est dû à Alberti sur la façade du Palazzo Ruccellai (1446-1451).

Réalisé par Rosselino selon les plans d’Alberti. Il inaugure une nouvelle phase dans l’articulation du mur renaissant : succession de pilastres toscans au rez-de-chaussée, corinthiens ornés au piano nobile, corinthiens au 2e étage.

alberti Palazzo_Rucellai facade

Léon Battista Alberti (1404-1472) apparient à une grande famille florentine mais il est né à Gênes a vécu à Venise, a étudié le droit et les sciences à Padoue et il est revenu à Florence à l’âge de 30 ans et il y fait quelques courts séjours car il est très attiré par la cour pontificale. Il s’intéresse à l’art monumental après 1445-50. Alberti n’est pas un « praticien » mais plutôt un théoricien. Son ouvrage De re aedificatoria (à partir de 1450 environ) est une relecture critique de Vitruve, le seul auteur rescapé des anciens, qu’il juge confus et lacunaire, disant qu’il en apprenait bien plus de l’observation des monuments antiques. Alberti est donc un concepteur qui se contente de créer des plans, des structures des maquettes mais ne réalise pas d’édifice, d’autres architectes le font pour lui  comme Bernardo Rosselino qui bâtira le Palais Ruccellai vers 1452 – 1455. Avec Alberti, l’architecture devient un art libéral par la recherche de l’harmonie et de la beauté la venustas absorbe ainsi l’utilitas et la firmitas. (trois principes de Vitruve).

Ici nous avons une application des ordres en alternance selon le modèle du Colisée : pilastre florentin au rdc, corinthien orné au piano nobile, corinthien classique à l’étage supérieur. La massivité des pilastres florentins et la nécessité de surélever le rdc (entrepôts) font qu’il choisit la texture de l’opus reticulatum des Romains (« bossage en diamant ») pensant que c’était purement décoratif alors que les Romains l’utilisaient pour des raisons techniques de stabilité du soubassement (pierres enfoncées en coin dans le ciment). Le modèle sera peu suivi. C’est plutôt celui des Médicis qui sera imité : Strozzi, Pitti…Gigantisme, façade à bossage, corniche, cour carrée à portique, jardin.


L’Italie s’empresse à imiter les grands palais florentins.

Bramante poursuivra ans cette voie en portant l’articulation du système des ordres à un rang élevé au palais de la Chancellerie de Rome :

Façade par Francesco di Giorgio Martini (?)

Andrea Bregno (plans) Bramante et (ou) Francesco di Giorgio Martini (cortile) Palais de la Chancellerie Rome 1485-1517

Le palais de la Chancellerie, commencé en 1483, date pour l’essentiel de la fin du 15e siècle et est entièrement achevé en 1511. Il est donc caractéristique de la première Renaissance romaine. Il a été construit pour le cardinal Raffaele Riario, arrière-neveu du pape Sixte IV. L’architecte n’en est pas connu avec certitude ; on évoque souvent les noms d’Andrea Bregno et de Bramante. Le palais abrite aujourd’hui la Chancellerie qui rédige les actes pontificaux.

La façade principale, longue de 89 mètres, montre une disposition inspirée du palais Rucellai à Florence. Le rez-de-chaussée, en bossage et sans pilastre, apporte plus de simplicité et donne une caractérisation romaine. Le rythme des pilastres des étages supérieurs est plus subtil que celui adopté par Alberti au palais Rucellai : deux pilastres séparent chaque fenêtre. Le rapport des espaces entre les pilastres est celui du nombre d’or. Les fenêtres en plein cintre s’encadrent harmonieusement dans des rectangles à fronton. La proportion de ceux-ci par rapport à l’encadrement des pilastres est aussi régie par le nombre d’or.

La subtilité de l’architecture se retrouve dans la cour intérieure. Les arcades sur colonnes des deux premiers étages sont très florentines, mais le dernier étage à pilastres et clos, visiblement inspiré du Colisée, inaugure une tradition typiquement romaine.

Voir aussi bien sûr le palais de Federico da Montefltro à Urbino.

III. L’église vue comme un temple antique : Alberti.

Dans cette tendance de réappropriation des modèles classiques, Alberti atteint la perfection d’abord avec Santa Maria Novella:

AlbertiSantaMariaNovella

Le chantier de Santa Maria Novella dure plusieurs siècles. Commencée en 1246, l’église n’est vraiment terminée qu’à la fin du 15è siècle. La partie inférieure de la façade, décorée d’arcatures aveugles sur chapiteaux corinthiens  date du 14è siècle. Léon Battista Alberti la termine au 15è siècle et lui donne l’aspect actuel. Il conserve la polychromie chère à la tradition médiévale florentine, dont San Miniato est le fleuron. Mais il sait y intégrer des éléments hérités de l’Antiquité et donne à l’ensemble une structure nouvelle.

Les colonnes corinthiennes du premier étage, les pilastres du second, la frise qui sépare les deux étages et le fronton couronnant l’ensemble structurent par niveaux horizontaux cette façade promise à de nombreuses imitations. Les éléments les plus riches en développement futur restent cependant les deux volutes de raccordement des deux étages, dessinées avec élégance, dans une géométrie très affirmée. L’ensemble donne un sentiment d’harmonie et d’équilibre.

alberti tempio malatestiano rimini

Suivra la façade de San Francesco église appelée aussi tempio malatestiano à RImini en 1450  (façade inachevée) car elle tait destinée à accueillir la tombe du tyran  Sigismondo Malatesta. Afin de montrer le caractère humaniste du mécénat de Sigismondo, Alberti opère une relecture de l’arc de triomphe romain (d’Auguste à rimini, de Constantin à Rome) alors que celle de San Sebastiano de Mantoue (1460) dérive des temples romains tardifs. Véritable pari visant à masquer par une « coquille » antique l’église gothique, la conception s’appuie sur une relecture du temple en reprenant le jeu des portées : colonnes corinthiennes cannelées sur socle, arcades reposant sur des piliers à chapiteaux de type romain, entablement en façade fait d’une frise et d’une corniche continue, stylobate doté également d’une frise etc.

Puis avec la façade de l’église Sant Andrea de Mantoue.

Sant Andrea Mantoue NefAlberti sant andrea facade et reconstitution

C’est ici que transparaît le mieux la nouvelle conception de l’architecture qu’Alberti a théorisé dans son ouvrage magistral De re aedificatoria,(1450) une relecture de Vitruve et une approche plus complète et plus systématique de l’architecture. Son approche était à la fois intuitive et savante car il connaissait bien le règles de l’architecture classique.

L’extérieur est inachevé, mais partout à l’intérieur comme à l’extérieur, l’emploi délibéré de motifs romains fait de cet édifice un des plus beaux exemples de la renaissance de l’esprit classique :

façade de type triomphal reprenant les éléments du temple antique : pilastres monumentaux, entablement, fronton triangulaire

arcs et voûtes à caissons plein cintre comme dans les arcs de triomphe

articulation idéale par le jeu de la répétition du même motif à l’intérieur et à l’extérieur mais aussi par le jeu des proportions : l’intervalle des pilastres est conçu dans des rapports différents à l’extérieur  et à l’intérieur s’inspirant comme l’affirme Alberti dans son ouvrage de l’harmonie musicale (1:1, 1:2, 1:3) .

Le plan ci-dessous montre qu’il était prévu une triple reprise du motif de la façade : au narthex (façade actuelle) mais aussi aux deux bras du transept même si une seule de ces deux dernières façades a été réalisée. On voit bien par conséquent que le plan est ici aussi un compromis entre centralité antique et longueur basilicale de la nef.

IV. Bramante, ou l’apogée de l’architecture du Quattrocento.

https://lewebpedagogique.com/khagnehida/files/2010/02/bramante001.jpg

https://lewebpedagogique.com/khagnehida/files/2010/02/bramante002.jpg

Pages du manuel Flammarion.

Bramante, est né probablement près d’Urbino dont il tire les leçons du Palazzo ducale, il a sûrement été formé chez Piero della Francesca et Mantegna dont il a hérité le goût pour les décors antiques et pour la rigueur géométrique, l’harmonie, la symétrie.

Qu’était Rome à son arrivée  en 1499 ? Ruines, cloaques, terrains vagues peu sûrs, où les caves et ruines antiques étaient devenus des repaires de brigands. Jules II, dans le cadre de la « restauratio urbis »,  entreprend des travaux d’assainissement autour du Capitole, incite les cardinaux à restaurer les églises, les quartiers, et la Via Giulia cœur administratif. Raphaël et Michel Ange sont appelés à Rome par Jules II, en quelques mois l’ambiance a changé : immenses travaux, des dizaines de mécènes attirent à Rome les plus grands artistes _> en une décennie, Rome reprend tout le terrain perdu depuis la fin du XIIIe siècle !

Humanisme, universalité et imperium se combinent. Énorme croissance de la Ville et de l’Etat pontifical pendant les guerres d’Italie. Érasme avait affirmée à propos de Rome dans les années 1500 – 1520 « Je ne conçois pas de bonheur plus grand que de retourner à Rome » (1515). Mais ensuite la puissance espagnole et impériale incarnée par Charles Quint domine l’Italie malgré la résistance de Clément VII qui aboutit au sac terrible de la ville en 1527 par les troupes du connétable de Bourbon. C’est le coup d’arrêt de l’optimisme humaniste romain et la fin de la Renaissance classique.

L’Archéologie est érigée à la fois en science et moyen essentiel de conservation des vestiges antiques mais aussi comme un moyen d’enrichir des collections de passionnés : Apollon de l’Atrium , Laocoon de l’Esquilin. 

Raphaël est chargé de études archéologiques et d’un relevé de la Rome antique (au sol, les façades et une coupe en élévation)  veille à ce que les fouilles et les nouvelles constructions ne détruisent pas les pièces antiques. Jamais les marbres et les inscriptions antiques n’ont été aussi bien regardés. L’acquis de ces années va se perpétuer jusqu’à Poussin. Cet engouement ne doit pas masquer tous les doutes et les interrogations sur la période troublée que traverse l’Europe chrétienne à ce moment là.


A Santa Maria della pace ci-dessus  (1495-97) à Rome, le portique est hétérodoxe : au lieu de vide sur vide et plein sur plein il place deux ouvertures pour chaque arcade du rdc. Malgré cette critique adressée par les architectes de la fin du XVIe il réussit un formidable  jeu de clair obscur. A Santa Maria della Pace il garde le pilastre mais il ouvre au lieu de placer des fenêtres comme au monastère Saint Ambroise.

En 1502, Donato Bramante construit le Tempietto (à côté de l’église Saint-Pierre-sur-le-Mont-Doré) ou San Pietro in Montorio, à l’emplacement faussement attribué au martyre de saint Pierre.


Bramante signe ici une sorte de manifeste du classicisme dont il révèle aux architectes romains la puissance plastique. C’est un édifice fort petit, circulaire, une sorte de tabernacle dont la cella ne mesure que 4,5 m de diamètre. Bramante utilise l’ordre dorique toscan avec beaucoup de rigueur. Les proportions de l’édifice sont simples : la hauteur de la cella est égale à la largeur du péristyle. L’édifice devait être entouré d’un cloître circulaire, qui aurait encore magnifié l’effet d’ensemble. C’est un des chefs d’œuvre de la Renaissance : simplicité des proportions (diamètre du péristyle égal à la hauteur de la cella sans la coupole laquelle est parfaitement hémisphérique.

Il s’inspire du temple de la Sibylle de Tivoli célèbre pour sa frise corinthienne (à sujet religieux : sacrifice païen).

Temple de Vesta au Tivoli, IIe siècle av. JC. (sur le modèle de la tholos grecque).

Mais le Tempietto n’est pas célèbre pour sa frise (reprise du thème religieux) mais pour la parfaite utilisation de l’ordre toscan (adaptation romaine du dorique -> cf. Palazzo Pitti (toscan rustique à cause du bossage). Achevé en 1510, il montre l’excellente connaissance « archéologique » de l’architecture paléochrétienne (: plan circulaire du martyrium, alors que la basilique avait un plan rectangulaire). Les architectes de la Renaissance sont très attirés par la forme circulaire ; ils voient en elle l’image de la perfection divine, sans commencement ni fin.

Symétrie – répétition – clarté fonctionnelle c’est ce qu’apporte Bramante dans l’architecture.

Bramante et le projet de rénovation du Vatican.

Ses projets étaient colossaux : Refondation du palais du Vatican proposée en 1503 en aménageant toute la colline pour le relier le Belvédère à la basilique et au Palais.

Cet ensemble extraordinaire utilise le mouvement du terrain. Au fond, derrière l’escalier le jardin deviendrait le cortile du Belvédère aux niches accueillant les statues antiques.

Vous trouverez des images saisissantes en 3D montrant une reconstitution du Palais, du cortile et du Belvédère ici :

http://www2.bundeskunsthalle.de/1/25/cade.htm

Bramante complexe du Belvedere, recostitution

L’image montre le Cortile del Belvedere avec les jardins du Vatican au-delà. Cette cour a été l’un des jardins les plus révolutionnaire jamais créés. Il a été conçu par Donato Bramante pour Pape Jules II. La construction a débuté en 1504 et a duré jusqu’aux années 1580.

Lire aussi extrait du Flammarion (Histoire de l’art, Temps Modernes) :

https://picasaweb.google.com/lh/photo/Mpsox1YTeQr-069kUTs1dNMTjNZETYmyPJy0liipFm0?feat=directlink

Reconstitution, vue du palais vers le Belvédère.

Le double cortile avec le jardin surélevé aux statues.


Pour se faire une idée de l’ampleur de ce vaste jardin il faut d’abord imaginer le niveau inférieur, un rectangle mesurant environ 75 par 140 mètres sans végétation et  fonctionnant comme un théâtre pour les reconstitutions historiques. Les niveaux intermédiaire et supérieure avaient des parterres et les trois niveaux étaient reliés par des escaliers monumentaux. L’ensemble du cortile a été l’un espace architectural unifié. Cela a été très différent des jardins antérieurs de la Renaissance, dans lesquels chaque dessin ou modèle de parterre a été traitée comme un jardin dans un jardin et les escaliers essentiellement utilitaires.

Le Cortile del Belvedere prend son nom du Belvédère, une villa construite entre 1485 et 1487 pour le pape Innocent VII pour servir de retraite du palais du Vatican. Elle a été la première villa du genre à Rome depuis la chute de l’Empire romain. La villa était située au sommet d’une colline, et séparée du palais par une petite vallée. La villa d’origine existe toujours, mais est caché sous des ajouts ultérieurs. Le  Cortile du Belvedere a été conçu pour unir la villa avec le palais et à fonctionner comme une vaste pièce extérieure.

Il s’agit de la première utilisation d’un escalier monumental dans un jardin, il n’y a aucune preuve que les anciens jardins romains avaient des escaliers mais certains temples romains possédaient des terrasses reliées par des escaliers grandioses. Bramante a probablement adapté l’idée de ces jardins au Cortile du Belvédère.  Malgré les ajouts ultérieurs la fameuse cour des statues antiques est restée inchangée

Reconstitution du  cortile. Les statues, dont le Laocoon et l’Apollon du Belvédère)  étaient placées dans les niches aménagées à cet effet le long des côtes.

Cette cour a été achevée sous le pontificat de Jules II. Elle est davantage connue pour la sculpture plutôt que de son architecture, il n’existe donc pas de bonnes images de ce qu’elle a été. Il y avait de grandes niches avec des statues dans chaque coin et aussi long des murs. Le célèbre groupe du Laocoon a été achetée par Jules II, peu après sa découverte, et entre 1506 et 1797 il occupait la niche centrale d’un des longs côtés du rectangle. L’Apollon du Belvédère a également figuré dans la collection. Il a été enlevé par les Français en 1797 avec d’autres oeuvres. Quand les statues dans cette cour ont été rendus en 1816, il a été décidé de les placer à l’intérieur dans le nouveau musée. La cour des sculptures a été transformée en un espace architectural bien plus grand.

Pour la basilique Saint-Pierre, Bramante abat le chœur qui était fondé par Roberto Rosselino (Palazzo Rucellai, Palazzo Venezia) et le transept fondé par Giuliano Da Sangallo.

Voir aussi La basilique Saint Pierre du Vatican.

Bramante plan initial Saint Pierre

Le plan initial de Bramante pour la basilique Saint Pierre. C’est un plan central avec adjonction de tours aux quatre coins. Le plan en croix grecque est transformé afin de ménager une vaste coupole. Dans les angles, entre les bras de la croix sont ajoutées quatre unités qui forment chacune un élément centralisé et ensemble une sorte de déambulatoire autour de la coupole.

Les piliers soutenant la coupole vus d’en haut. Ici apparaît le grand projet de Jules II, et du Bramante expression de toute la Haute Renaissance. Jamais édifice n’avait plus parfaitement incarné l’ordre cosmique dans la perfection du cercle (même si la forme de la coupole vue en coupe est légèrement ovale). Ces forces verticales se retrouvent à l’extérieur sur la façade avec la puissance des pilastres et des colonnes engagées ainsi qu’au tambour de la coupole avec les doubles colonnes. Unités particuculières et système d’ensemble sont ainsi parfaitement articulés. Michel-Ange transforme le projet statique de Bramante en un ensemble dynamique de forces horizontales circonférencielles visible à l’intérieur mais aussi sur la coupole (nervures, doubles colonnettes, bandeau circulaire sculpté)

L’intérieur était censé s’articuler avec d’immenses pilastres et une vaste coupole semi-sphérique agissant symboliquement comme une sorte d’universel cosmique de l’Église catholique. La coupole sera achevée par Michel-Ange dans un mélange de Panthéon, de Sainte Sophie et de la coupole du Dôme de Florence de Brunelleschi. Mais il a refusé d’y intégrer des occuli ou des ouvertures.

L’un de ses adversaires rédige un pamphlet intitulé : Le singe lui fait déclarer « je vais abattre le vieux paradis pour en bâtir un plus beau et ça ne convient pas à St Pierre, je m’adresserai à Pluton ! ». Après les tentatives de solution de Raphaël et Sangallo (hésitant entre croix grecque et latine, Michel- Ange décide en 1547 : « S’éloigner de Bramante c’est s’éloigner du vrai ». Il abandonne cependant le plan centré en prévoyant une courte nef et un portique.

Plan de Michel-Ange, avec l’extension de la nef, et la façade de Maderno (début du XVIIe)

20 papes, 10 architectes > consécration en 1626 après que Maderna ajoute le rectangulaire et le Bernin la place ovale à colonnade baroque.

Même si les formes peuvent se retrouver selon le type d’édifice, il est entendu, comme l’affirme Alberti que les formes les plus parfaites devait être réservée aux édifices religieux alors qu’une plus grande liberté de création était envisagée dans les demeures privées.

Conclusion

La signification de l’architecture de la Renaissance par rapport à l’Antiquité.

Beauté, ordre, perfection, ces notions platoniciennes sont synonymes et ne peuvent être exprimées que par les nombres Pythagore). Alors qu’au Moyen Age Dieu a été humanisé, avec la Renaissance la création humaine se rapproche de celle de Dieu. L’édifice devient l’expression d’un ordre cosmique, par la maîtrise de la Géométrie, l’homme devient architecte à l’image du « grand architecte » de l’Univers.

Une nouvelle interprétation de la relation homme – Dieu s’exprime dans une façade triomphale comme celle de Sant- Andrea à Mantoue. Comme le disait Alberti, « cela ne signifie pas une paganisation du christianisme mais une christianisation de l’Antiquité païenne ». Apothéose et ascension de l’homme  deviennent les idées majeures exprimées dans les arts de la Renaissance.

L’utilisation des ordres classiques doit être interprétée selon se contexte intellectuel et spirituel. Il ne s’agit pas d’ordres anthropomorphes comme pour le temple grec, mais d’éléments qui désormais visent à doter les édifices d’une beauté naturelle et divine. La beauté est l’harmonie de toutes les parties qui résulte des proportions et de rapports mathématiques. A ces rapports mathématiques il faut ajouter l’ornement qui, selon Alberti, signifie un surcroit de beauté (venustas).

Alberti affirmait que la beauté était capable d’adoucir même l’ennemi enragé. Pour lui le but principal de l’homme était de créer  la beauté et de vivre dans la dignité. La Renaissance reposait donc sur cette idée humaniste que l’art et la beauté améliorent les qualités intellectuelle et morales. En ce sens et au-delà des caractéristiques formelles, elle opère un retour à l’Antiquité grecque. Ainsi elle concrétise cette synthèse entre christianisme et platonisme dont le Tempietto de Bramante (ancien martyrium de Saint Pierre) et la Chambre de la Signature sont les réalisations les plus accomplies.

La période maniériste, marque une autre relation entre le lieu et l’édifice qui rappelle la dimension psychologique des lieux grecs où les temples et les sanctuaires étaient construits. L’utilisation des ordres devient plus libre, l’art plutôt qu’une image idéale devient une expérience visuelle personnelle. Le mouvement est lancé par Raphaël aux Loges du Vatican et dans la Villa Madama, et par Michel-Ange dans la Bibliothèque Laurentienne (cf. Partie sur le Raphaël et la nouvelle approche de l’antiquité -> Maniérisme).

Voir pages du Flammarion sur la Renaissance et le manérisme :

https://photos.app.goo.gl/xHm2NBwzeP2vABbr8

 

 

 

One thought on “Le modèle antique dans l’architecture de la Renaissance

Laisser un commentaire

buy windows 11 pro test ediyorum