L’Art de l’expérimentation chez Picasso.

L’Art de l’expérimentation chez Picasso.

Quelques réflexions sur le sujet du Concours 2011.

L’art de l’expérimentation chez Picasso.

Le sujet englobe plusieurs notions que nous avons évoquées et en particulier la démarche de Picasso qui a toujours consisté à explorer plusieurs voies de la représentation en passant par des procédés plastiques qu’il a pour la plupart inventés en suivant sa motivation principale : « voir ce que ça peut donner si… ». Ainsi a-t-il poussé très loin la fragmentation du motif et l’utilisation de formes géométriques préconisées par Cézanne ou la déformation jusqu’à la monstruosité de la figure humaine, notamment féminine, y compris dans le portrait.

Son obsession de dater systématiquement le moindre dessin, comme s’il voulait fixer les étapes, les jalons de ses expérimentations est là également pour confirmer l’idée exprimée par le sujet.  Les Demoiselles sont bien un exemple emblématique de l’expérimentation picassienne non seulement à cause des centaines d’oeuvres qui ont jalonnée leur gestation mais par la transformation même de la figure à l’intérieur du tableau devenu simple support de l’expérience et en même temps étape vers les Trois femmes tableau le plus accompli du primitivisme.

Mais on sait bien que Picasso se jouait de toute systématisation, de toute appartenance à une école et pas seulement celle du cubisme (cf. ses rapports avec le surréalisme et la mythologie ou avec l’art abstrait et l’art contemporain d’un Duchamp ou d’un Pollock). Le sujet peut enfin être critiqué car l’expérimentation suppose a priori, une intention de l’artiste, ce  que Picasso a souvent récusé (« La peinture me fait faire ce qu’elle veut »). Ses oeuvres même démentent souvent le libellé du sujet, tant la spontanéité de son art est grande. « Je ne cherche pas, je trouve », ce qui signifie en effet que Picasso se place toujours (mais involontairement pour ainsi dire) du côté de l’expérience, de l’exploration de voies soit ouvertes par d’autres avant lui (Cézannisme, primitivisme, cubisme) soit qu’il a lui-même ouvertes : assemblages, collages, sculptures « ouvertes », retour sous forme de séries variations sur des grands tableaux du répertoire pictural européen, quantité invraisemblable d’oeuvres autour d’un même thème. Jamais artiste n’avait entrepris une telle démarche.

D’autres idées qui vont dans ce sens, sa tendance à pousser plus loin certains des grands principes de l’art moderne : le tableau – objet et non pas un support de représentation de la nature, l’idée que l’artiste doit peindre la nature telle qu’il la voit et non pas essayer de l’imiter. Les collages, les tableaux reliefs, la sculpture et les assemblages comme la céramique incarnent tout autant l’art de l’expérimentation.

1. Le sujet, pistes de réflexion.

Le sujet est suffisamment vaste et ne comporte pas d’ambigüités. L’expression « art de l’expérimentation » se rapporte à la fois à une démarche artistique que Picasso a pratiquée dès ses débuts et au résultat, c’est à dire des oeuvres qu’on pourrait qualifier d’expérimentales dans la mesure où elles ouvrent de nouvelles voies et sont à l’origine de plusieurs tendances de l’art contemporain. Le terme peut être critiqué dans la mesure où Picasso niait poursuivre un but

Je pense bien sûr aux nombreux dessins qui cherchaient à figurer différentes attitudes et expressions grâce aux portraits de ses proches, à commencer par son père mais aussi aux différentes voies du post-impressionnisme qu’il expérimente au tout début du XXe siècle : le divisionnisme des couleurs dans l’Attente (1901) ou la gestuelle de la danse (Nana ou La danseuse naine) les deux au Musée Picasso de Barcelone. Picasso expérimente les nouvelles manières issues de l’impressionnisme, du symbolisme (Gauguin) et du cézannisme  sans pour autant chercher à intégrer une école de peinture plutôt qu’une autre. P. Dagen parle de véritable stratégie picassienne, comme chez Matisse, qui tranche avec la pratique des Catalans qui se contentaient d’adopter une manière ou une autre. Picasso expérimente aussi une autre voie, celle qui cherche le style le plus approprié au sujet, les deux devant être inséparables. Ainsi pour les scènes de cabaret il adopte le style Degas ou Lautrec.
L’expérimentation a souvent été associée aux avant-gardes mais elle n’est pas nouvelle. Les autoportraits de Rembrandt, les séries de Monet (meules, peupliers cathédrales…), certaines oeuvres de Whistler comme les « Nocturnes » et surtout la série des montagnes Sainte Victoire des Baigneuses de Cézanne qui marque mieux que tout autre Picasso au début du XXe, ont un caractère expérimental. Mais chez Picasso cette démarche devient une finalité de l’art.
Cette attitude face à la création qui peut se résumer ainsi : partir du connu pour aller vers le nouveau, ne le quittera jamais. La démarche expérimentale dans laquelle s’engage Picasso à partir de 1906 fait qu’il ne sert à rien d’achever l’œuvre, bien au contraire. Il ne faut pas effacer les traces de cette expérimentation d’où son obsession de dater le moindre dessin. Parlant du tableau, il affirme que l’idée d’un tableau fini est absurde : « Pour moi, chaque tableau est une étude (…) dès que je commence à finir il devient un autre tableau. Terminer une œuvre ? Achever un tableau ? Quelle bêtise ! Terminer une œuvre veut dire en finir avec l’objet, l’achever, le tuer, enlever son âme ! »

Plutôt que de passer cent jours sur le même tableau, il préfère faire cent études en quelques jours pour le même tableau. L’exposition de 1988 sur les Demoiselles d’Avignon montre que chaque étude est numérotée, signée, datée comme si elle était une œuvre à part entière.

A l’atelier d’artiste il préfère l’idée d’un laboratoire où il passe d’un style à l’autre, d’une œuvre à l’autre, d’un art à l’autre même s’il admet qu’il y a une logique dans cette démarche et qu’il ne s’agit pas d’improvisation ou d’ « écriture automatique » ou d’un équivalent artistique.

Le travail colossal précédant les Demoiselles d’Avignon en particulier à Gòsol avec les expérimentations sur le visage de Joseph Fontdevila, les séries sur quelques grands tableaux de maîtres anciens ou du XIXe, et ce dès 1906 avec le Bain turc d’Ingres dont Matisse et Derain ne tirent que quelques figures féminines sensuelles alors que Picasso cherche à montrer le caractère oppressant du harem qu’il assimile au bordel. Toute une série de Toilettes, de scènes de coiffure préparent le coup final des Demoiselles en transformant la figure du nu féminin. La grande toile elle même est l’image absolue de la démarche expérimentale picassienne, un chef d’œuvre inachevé et ce n’est pas un oxymoron.

Les variations sur le thème de l’artiste et du modèle ou de l’atelier, le dialogue avec Matisse relèvent de cet « art de l’expérimentation ».

Le cubisme sort d’un véritable processus expérimental de 3 ans entre 1907 et 1910. Picasso fragmente l’objet jusqu’à sa presque disparition pour ensuite le recomposer à partir de ces fragments dans les collages. Il part de la structure éclatée de la forme pour recomposer le sujet.

C’est une attitude qui a touché tous les domaines artistiques. Cependant, la gravure, la céramique, la sculpture ont davantage été « expérimentales » que la peinture ou le dessin. La série du Verre d’absinthe (rappelons nous du traitement de l’absinthe par Degas, Manet ou Van Gogh pour mesurer la distance qui les sépare de Picasso) les tableaux reliefs, les assemblages sont par excellence des oeuvres expérimentales.

L’expérimentation s’exprime par excellence dans les dessins préparatoires et surtout dans les séries où la variation sur un sujet, une œuvre de maître ou un thème produit des dizaines d’oeuvres dans lesquelles Picasso expérimente des données plastiques, mais aussi différentes approches du sujet. Quel est le terrain iconographique de ces expérimentations picassiennes ? Le nu féminin. Le portrait et le paysage pour le cubisme analytique. La Nature morte pour le cubisme synthétique.

2. Plan possible.

I. L’expérimentation comme processus de création. Une démarche expérimentale tout au long de sa vie…Prise de risque, attrait pour l’inconnu (jusqu’à l’extravagance -> série de Raphaël et de la Fornarina)

– le passage du primitivisme au cubisme ou comment poursuivre les expérimentations de Cézanne : importance du dessin, des tableaux expérimentaux

– les assemblages et les collages : le retour de l’objet débarrassé des procédés imitatifs ou destructeurs de la peinture

– les séries et la variation sur le même thème

– en s’appuyant sur l’héritage de la peinture

-> refus de s’enfermer dans un style, dans une école. L’adéquation du style au sujet et la spontanéité, le non finito -> vérité de l’œuvre.

II. …qui permet l’invention de nouveaux langages artistiques.

Tout en restant attaché à la représentation, Picasso explore de nouvelles voies car il rejette l’illusionnisme hérité de la Renaissance.

– Un nouveau réalisme cru (jeunesse et dernier Picasso),

– La fragmentation et le cubisme analytique (métonymies, collages, tableaux reliefs),

– La révolution de la sculpture par l’assemblage, le readymade, la récupération et le détournement. L’abolition de la frontière entre objet et représentation. (cf.

– La déformation du motif, une autre manière d’être « réaliste » (portraits féminins). Le biomorphisme.

III. Quelle est la place de cet art « expérimental » dans la création du XXe siècle ?

– Un art expérimental qui rend Picasso inclassable ? Cubisme, Surréalisme, précurseur du Nouveau réalisme ?

– Picasso initiateur dépassé ? Duchamp, Bacon, Pollock, César

A-t-il été le principal pionnier de l’art contemporain ?  Readymades, sculptures en métal et « logique des matériaux », détournements, importance des signes pour transcrire la réalité (corps, objets)

– Picasso incompris ?

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