L’affaire GameStop

En seulement deux semaines, le cours de l’action GameStop a bondi de 1700%, ce qui a eu un grand retentissement à Wall Street et posant de nombreuses questions sur le rôle et le fonctionnement de la finance.

Tout d’abord, quelle était la situation financière de GameStop avant cette affaire ?
GameStop est une entreprise spécialisée dans la distribution de jeux vidéo (comme Micromania par exemple). L’entreprise est en grande difficulté financière depuis quelques années ce qui explique son fort endettement et la fermeture de nombreux magasins. Rien ne présageait donc une augmentation des cours de son action, bien au contraire.

C’est d’ailleurs cette situation financière qui a poussé de gros fonds d’investissements à spéculer à la baisse sur l’action GameStop, c’est-à-dire d’anticiper la baisse du cours de l’action, en vendant à découvert.
Comment fonctionne la vente à découvert ?
Par exemple, un individus nommé Hector détient une action GameStop qu’il souhaite garder sur le long terme. Tandis que l’action cote 20$, Hector me la prête (avec un léger intérêt). Maintenant que je détiens l’action, je la vends directement sur le marché pour 20$ car je pense que son prix va baisser. Imaginons, quelques semaines plus tard, que cette action cote maintenant 15$ (ce que j’avais anticipé), je rachète cette action, je rembourse ma dette envers Hector, et je dégage un bénéfice de 5$. Le risque de la vente à découvert est cependant très élevé car les pertes sont potentiellement infinies. En reprenant notre exemple, si l’action vaut désormais 100$, j’aurais perdu 80$.

Et c’est justement ce qui s’est passé avec l’action GameStop : son cours s’est envolé, passant de 20$ à 350$ en 15 jours, et causant des pertes colossales aux fonds d’investissements ayant spéculé à la baisse, jusqu’à 3 milliards de $ perdu pour un des fonds, Melvin Capital.
Comment expliquer cette hausse si importante ?
C’est sur un forum reddit appelé « WallStreetBets », où 2 millions de traders amateurs, qu’on appelle boursicoteurs, se sont concertés pour acheter en masse des actions GameStop, faisant augmenter son cours, pour s’opposer à la vente à découvert des fonds d’investissement. En effet, la vente à découverte est jugée immorale, car elle est uniquement spéculative et qu’elle a aussi pour conséquence de fragiliser fortement les entreprises ; la médiatisation de l’affaire n’a fait qu’augmenter le cours de l’action, et a notamment été encouragée par Elon Musk.

Cette affaire GameStop a un très fort aspect symbolique : en effet, c’est la première fois que des petits boursicoteurs rivalisent face à des grands fonds d’investissements en les prenant à leur propre jeu, et créant le chaos à Wall Street ; La roue a en quelque sorte tourné car pendant longtemps c’étaient les grandes institutions financières qui détenaient le pouvoir sur les marchés financiers. Les boursicoteurs pourraient aussi désormais être perçus comme une menace pour les fonds d’investissement qui abuseraient de la vente à découvert, car les boursicoteurs de WallStreetBets semblent déterminés à reproduire ce même schéma sur d’autres actions similaires comme Nokia ou encore BlackBerry.

Enfin, se pose la question de la légalité de l’action menée par les boursicoteurs de WallStreetBets, car les marchés financiers sont très règlementés, et il est notamment interdit de diffuser de fausses informations pour inciter d’autres personnes à acheter des actions.

 

Pour conclure, l’affaire GameStop peut être résumée à une lutte de David contre Goliath, où les particuliers ne se laissent plus submerger par les géants de la finance. On peut finalement se demander si cette affaire est le point de départ d’une finance plus démocratique, dirigée par les petits épargnants qui se rendent comptent désormais de l’influence qu’ils peuvent avoir sur les marchés collectivement, ou si cet évènement n’est que ponctuel et que les grands fonds d’investissements reprendront leurs droits d’ici les prochaines semaines.