L’ARRÊT DU NUCLÉAIRE EN ALLEMAGNE par Nicolas Deshayes

L’ARRÊT DU NUCLÉAIRE EN ALLEMAGNE par Nicolas Deshayes

Chronologie des faits

  • 2002 : Toute nouvelle construction de centrale nucléaire est interdite. L’Allemagne est le 1er pays au monde à procéder à l’arrêt prématuré de sa production de centrales nucléaires sans raison technique ou économique
  • 2011 : Accident nucléaire de la centrale de Fukushima au Japon. Le gouvernement décide de la sortie de l’Allemagne du nucléaire. Décision brutale et majoritairement réactionnaire à l’accident.
  • Aujourd’hui : 6 centrales sont encore en réseau
  • 2021 (Fin décembre) : 3 centrales seront arrêtées
  • 2022 (Fin décembre) : Les 3 dernières centrales seront mises hors service

La politique énergétique allemande fut initiée dès le début du XXe siècle et, dans un premier temps (à la suite de Fukushima) on a pu constater un contrôle renforcé voire un arrêt des centrales nucléaires allemandes. Cette décision est immédiatement suivie de conséquences excessivement négatives sur le court terme, sur le plan écologique. L’Allemagne a dû, en effet, utiliser ses centrales à charbon pour compenser l’arrêt des centrales nucléaires. L’impact environnemental fut donc catastrophique puisque l’on a eu la substitution d’une énergie décarbonée (énergie nucléaire) pour une énergie carbonée (les centrales à charbon).

Cette solution a été maintenue le temps que l’Allemagne réussisse sa transition écologique, qui avait deux objectifs, sur deux axes. Tout d’abord un axe pragmatique, privilégier le gaz au charbon ; puis un axe à l’objectif réellement environnemental, aller vers les énergies solaire et éolien. Pour réussir cette transition à long terme, l’Allemagne a lancé un programme de soutien et d’investissement massif pour le développement de l’énergie solaire et éolien. Le pays a, par ailleurs, pris part au projet d’un gazoduc avec la Russie, tout en dédommageant les entreprises propriétaires d’usines nucléaires et de charbons qui se retrouveront ainsi sans activité et qui doivent basculer vers des productions décarbonées.

Dans le bassin rhénan, contraste entre usines de lignite et éoliennes (Source : Révolution Énergétique)

Cependant, les conséquences de cette politique énergétique, tout en étant principalement environnementales, sont aussi économiques. Dans un premier temps, les conséquences économiques furent positives pour l’Allemagne, car celle-ci disposait d’un accès très important au charbon et déjà partiellement au gaz. On a donc à court terme un impact positif : en effet cette politique généra d’importants profits pour les entreprises propriétaires d’usine à charbon, notamment.

Toutefois, sur un plus long terme, le besoin d’investissement pour réussir cette transition écologique est extrêmement conséquent, car elle nécessite la création d’un nouvel écosystème de production d’énergie, tant en termes d’unité de production (champs d’éoliennes en mer et terrestres, panneaux solaires) que dans la modification du réseau de distribution (réseau électrique). À moyen terme cette transition a, par ailleurs, un coût supérieur pour l’économie allemande dans la mesure où le rendement de ces nouvelles énergies est plus faible à ce jour que celui du nucléaire et du charbon. Le coût de l’électricité est donc supérieur pour le citoyen allemand.

Une transition écologique européenne : une augmentation du prix de l’électricité européenne (Source : Les Échos)
« Une grosse partie des capacités historiques sort du marché [fermeture des centrales nucléaires et des usines de lignite], ce qui conduira à une hausse des prix marquée dans certains pays », explique Pierre Georges, analyste chez S&P. « C’est particulièrement le cas en Allemagne. »

 

Cette « dénucléarisation » de l’Allemagne, va engendrer des conséquences politiques, qui sont, dans un premier temps extérieures, et relèvent donc de la diplomatie. Ainsi la principale conséquence politique a été de déstabiliser les partenariats historiques entre l’Allemagne et ses voisins, plaçant la politique allemande à l’encontre de la construction européenne. En effet, la France et l’Allemagne sont interconnectées en termes de partage d’énergie tandis que la Russie a pu accentuer son emprise diplomatique sur son étranger proche, étant fournisseur principal de gaz (rappelons que le gaz est la solution intermédiaire envisagée par l’Allemagne dans sa transition énergétique). Par ailleurs, sur la durée, cette politique nécessite de reconstruire un réseau de distribution d’électricité cohérent entre les différents pays européens pour que celui-ci soit pérenne. En effet l’électricité ne se stocke pas, elle circule tout le temps sur le territoire allemand mais aussi entre, et avec, ses voisins européens.

Cet impact éminemment politique, et on l’a vu diplomatique, de l’arrêt du nucléaire a lieu également sur la scène intérieure allemande. En effet, l’émotion suscitée par l’incident de Fukushima en 2011, dans un pays où la population a déjà une forte sensibilité écologique, a conduit à une décision immédiate du gouvernement, dans le but de satisfaire les attentes des électeurs allemands. Ainsi – cela a été observé depuis plusieurs années – sur le long terme, cette politique a renforcé les considérations écologiques au sein des programmes des différents partis allemands, et donne au sujet environnemental une des places principales dans le débat politique du pays. Notons ici qu’Angela Merkel (chancelière qui a initié et mené cette politique), ingénieur de formation, a été Ministre de l’Écologie (Ministre fédérale allemande de l’Environnement, de la Protection de la Nature et de la Sécurité nucléaire) de 1994 à 1998. Cette politique s’inscrit ainsi définitivement dans un cadre de transition écologique en lien avec les attentes du peuple et portée par un État ayant une vision moyen-long terme précise des actions à prendre pour rendre cette transition possible, tout en protégeant les différents acteurs.

Cette politique allemande, qui a eu pour point de bascule l’accident nucléaire de Fukushima en 2011, a eu des conséquences majeures sur le pays. Cette politique implique une transformation tant au niveau des entreprises (le pays est fortement industrialisé) que des ménages et des modes de consommation, pour se projeter dans une Allemagne et surtout dans un monde énergétiquement propre. Après une « transition » au niveau étatique, la « transition » doit se faire au niveau de tous les acteurs. L’Allemagne se trouve donc dans une dynamique concrète permettant de s’inscrire parfaitement dans le cadre des objectifs des Accords de Paris de 2015.

Très récemment : « Le gouvernement allemand a annoncé […] avoir conclu un accord d’indemnisation des entreprises énergétiques pénalisées par la fermeture des centrales nucléaires en Allemagne. […] Les quatre opérateurs nucléaires recevront au total 2,4 milliards d’euros de compensation pour l’arrêt de leurs réacteurs » (Brief Éco)

 

Sources :

  • La Tribune « Les coûts de la sortie du nucléaire en Allemagne » (Février 2020)
  • Alternatives Économiques « L’Allemagne de moins en moins dépendante du charbon» (Janvier 2020)
  • Le Monde « En Allemagne, la sortie rapide du nucléaire freine la réduction des émissions » (Février 2019)
  • L’Usine Nouvelle « L’Energiewende, ou comment l’Allemagne compte sortir du nucléaire et du charbon » (Février 2021)
  • Brief Éco : Lettre du 10 Mars 2021

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