« Le Bal des Folles » : « L’existence est fascinante, vous savez? »

Le Bal des Folles est un roman fascinant et édifiant écrit par l’auteure Victoria Mas. Cet ouvrage jette un regard inédit et poignant sur le statut de la femme dans la société française du XIXe siècle.

Connaissez-vous Victoria Mas ?

(photo : Wikipédia)

Victoria Mas, née en 1987 au Chesnay dans les Yvelines, est une romancière, scénariste, journaliste d’opinion et scénographe française. Elle est la fille de la chanteuse Jeanne Mas. Après une licence en Langues, en Lettres et un master de Lettres modernes à la Sorbonne, elle publie son premier roman Le Bal des Folles en 2019.

Ce dernier est un grand succès littéraire et lui vaut de recevoir le grand prix Stanislas du premier roman, le prix Patrimoines BPE ainsi que le prix Première Plume. Le 14 novembre 2019, elle reçoit également le prix Renaudot des lycéens. Elle écrit également Miracle, en 2022 ou encore Il ballo delle pazze, en 2021.

Féminisme et Histoire

Le Bal des Folles a pour cadre l’hôpital de la Salpêtrière à la fin du XIXe siècle et les recherches du docteur Charcot sur l’hystérie et l’hypnose auprès de femmes internées.

Ainsi, l’auteure dresse le portrait de ces femmes aux destins croisés, des femmes passionnantes et émouvantes:
– Louise: jeune adolescente abusée par son oncle, sujette à des graves crises d’hystérie.
– Thérèse: ancienne prostituée, qui a jeté son proxénète dans la Seine, et qui tricote pour les internées.
– Eugénie: déposée à l’asile par son père et son frère, rejetée par sa famille car elle dialogue avec les morts.
– Geneviève: infirmière depuis des années à la Salpêtrière, dévouée au Dr Charcot, et dont l’arrivée d’Eugénie va chambouler ses croyances et sa vie.
Autant de femmes fortes qui nous emplissent d’émotions: peine, colère envers ce que leur imposent les hommes et la société de l’époque.

Victoria Mas donne la voix à trois femmes fortes (Louise, Thérèse et Eugénie), alliant l’histoire de la psychiatrie à une réflexion profonde sur la condition des femmes déplorable à cette époque, et parfois encore aujourd’hui…

Le récit captive d’emblée le lecteur. Les portraits psychologiques et les descriptions du Paris de la fin du XIXe siècle et de l’hôpital de la Salpêtrière sont de grande qualité. Les personnages sont très attachants en particulier Louise et Eugénie et le suspense s’installe concernant, en particulier, le destin d’Eugénie. La dimension historique est présente. L’histoire de la Salpêtrière remonte au XVIIe siècle et dans cet univers jusque là quasi-carcéral, Charcot a étudié puis décrit les maladies neurologiques et introduit le soin pour les aliénées. Ce lieu est à la fois un hôpital et une prison pour certaines. La dimension répressive et asilaire reste néanmoins omniprésente. Le pouvoir médical est incontesté et les présentations publiques de malades impudiques sont traumatisantes. Ce livre est aussi une critique d’une rationalité scientifique, nouvelle religion dominatrice. Grâce à sa rencontre avec Eugénie, Geneviève va perdre ses certitudes et découvrir le doute. Enfin la dimension féministe de ce roman est évidente. Le patriarcat est tout puissant et le sort des femmes reste peu enviable dans le Paris de la fin du XIXe siècle. Le lecteur de ce beau roman sera ému par le destin de ces quatre femmes, par le sort des aliénées et par la difficile condition féminine. Le sujet du livre est basé sur des événements réels.

Point historique : le saviez-vous ?

La Salpêtrière a été construite par Louis XIV comme une prison au départ. Puis, le lieu devient une maison de force où des femmes sont principalement enfermées et enfin, elle se transforme en hôpital.

Pendant le XIXe siècle, la majorité des femmes parisiennes avaient pour hantise de se retrouver à la Salpêtrière. Cependant, une minorité considérait cet hôpital comme un lieu de sécurité par rapport aux violences extérieures subies. (Nous pensons notamment au personnage de Thérèse.)

En 1885, les scientifiques commençaient à s’intéresser d’un peu plus près aux traumatismes vécus par ces femmes. La plupart d’entre elles ont juste subi des traumatismes très importants pendant une période de leur vie, ce qui a provoqué des crises « hystériques » chez elles, des pathologies, des symptômes que des médecins avaient du mal à soigner. La naissance de la psychanalyse par son étude est une période charnière où on étudiait des traitements peu efficaces. Les torts subis par ces femmes sont parfois vus comme un mal nécessaire pour épargner les générations suivantes.

Parmi les plus connus des médecins, Jean-Martin Charcot était un neurologue qui travaillait à la Salpêtrière. C’est à lui que revient l’idée du bal des folles, un événement annuel parisien qui a duré une vingtaine d’années. À la mi-carême, la bourgeoisie venait voir ce bal comme une exposition de curiosités.

Idée de cette création

Par hasard, en passant près de la Salpêtrière, l’auteure ressent quelque chose de particulier, de mystérieux dans ce lieu. Par fascination et curiosité, elle se met à se documenter. Enfin, elle eut l’idée d’écrire Le Bal des Folles dont l’écriture, la documentation et les recherches lui ont pris environ neuf mois.

Sa citation préférée est la suivante:  « Loin d’hystériques qui dansent nu-pieds dans les couloirs froids, seule prédomine ici une lutte muette et quotidienne pour la normalité. »

Tout d’abord, nous avons apprécié le livre de Victoria Mas, intitulé Le Bal des Folles. Nous avons passé un très bon moment de lecture. Cette œuvre met en avant différents thèmes qui sont le traitement des malades mentales, les femmes à la vie massacrée, les hommes arrogants et sans pitié vis-à-vis de leurs filles ou épouses, le public parisien qui vient s’amuser au bal des folles. Pour un total d’environ 240 pages, ceci en fait un livre très riche.

Aussi, l’auteure utilise souvent le mot «?folle?» (ou aliénée). C’est ainsi qu’on les appelait à l’époque, mais nous avons trouvé ce terme un peu violent car il montre que les femmes sont très faibles par rapport aux hommes. Le personnage de Geneviève illustre bien la place des femmes dans cette société. Malgré ses connaissances et son expérience, son avis est rejeté parce que c’est une femme.

Également, le fantastique est aussi mis en évidence avec l’histoire de la jeune femme, Eugénie, qui voit les défunts. Quant au personnage de Geneviève, elle montre que ce que nous croyons n’est peut-être pas toujours vrai, qu’il n’est pas idiot de chercher à comprendre un avis contraire du nôtre dans certaines situations, qu’il n’est pas inutile de remettre en question certaines choses. Ainsi, elle nous invite à faire de même : « L’existence est fascinante, vous savez ».

Nous avons adoré ce côté surnaturel, ce doute omniprésent qui jalonne notre lecture. Le paranormal permet de nous interroger sur les frontières de notre propre monde. Plus loin, l’auteure nous remet en question : Qui est vraiment fou ? Où place t-on la folie et la raison ? Avec cette simple phrase : « Au milieu de cette foule excentrique, on prendrait pour fous ceux qui ne le sont pas. » En effet, les bourgeois avaient un comportement plus loufoque que celui des patientes.

De plus, Le Bal des Folles est un roman sur la liberté. La liberté de parole, de pensée et d’opinion que l’on a bien souvent refusée aux femmes. Certes certaines femmes qui avaient des troubles neurologiques avaient besoin d’être prises en charge mais pour d’autres, c’était contre leur gré car elles dérangeaient leur famille ou la société. C’est le cas d’Eugénie et Théophile qui rejettent cette domination et revendiquent la liberté de croyance ou plus généralement celle du choix.

Plus qu’un roman sur la psychiatrie française, c’est vraiment une histoire de personnalités, de destins qui basculent et de rébellion pour certaines. Nous lisons véritablement ce livre pour ses personnages. Nous avons de l’empathie pour elles et nous avons parfois envie de nous révolter avec elles. Ce livre nous a également impressionnées car il y a des femmes qui sont habituées à la vie dans l’hôpital. Elles ont peur de retrouver leur liberté car il n’y a personne pour les aider ou elles préfèrent la Salpêtrière au monde extérieur donc décident de rester dans l’hôpital. Par exemple, Thérèse, qui est une ancienne prostituée au grand cœur qui a eu le tort de pousser son souteneur dans la Seine, a été jugée guérie par les médecins mais elle n’a pas voulu sortir de l’hôpital car elle est craintive de ce qu’il se trouve derrière les murs de la Salpêtrière. Elle s’est même coupée les poignets pour rester en compagnie des autres femmes, des infirmières et des médecins.

Nous avons beaucoup aimé en apprendre plus sur ces asiles du XIX ème siècle où l’on rassemblait les femmes qui dérangeaient la société. C’est un livre qui invite à se renseigner plus en détails sur le sujet car il l’aborde de manière légère. Sachant que ce drame est inspiré de faits réels, il a un rendu très réaliste.

D’autre part, par la fragilité du personnage de Louise, le harcèlement sexuel et le viol sont dénoncés par Victoria Mas. Elle montre bien la culpabilisation des victimes et les cicatrices laissées. Le fait que l’erreur soit remise sur la victime est choquant, entraînant des séquelles comme la culpabilisation alors que la faute est loin d’être la sienne.

Aussi, ce qui nous a marquées est l’enthousiasme des aliénées à aller aux festivités. Elles vont y danser, chanter et jouer de la musique. Victoria Mas décrit, durant des pages et des pages, les préparatifs. Les folles choisissent des robes, exaltées, aménagent la salle du bal, et attendent le jour J avec impatience. Cette excitation nous a fortement étonnées.

Tout le long de notre lecture, nous avons vraiment eu l’impression de vivre dans le passé, ou plutôt d’avoir pu voir, à travers une petite fenêtre sur le passé, la vie de ces femmes confrontées à beaucoup de souffrance et de douleur. Les hommes peuvent basculer la vie des femmes très facilement comme s’ils avaient tout un pouvoir sur elles.

Adaptation au cinéma et en BD

Également, nous avons découvert que l’actrice et réalisatrice Mélanie Laurent adapte Le Bal des Folles sur écran et offre un film aussi troublant et sensible que sa version originale.

Après le succès du roman de Victoria Mas et de son adaptation cinématographique par Mélanie Laurent, l’histoire d’Eugénie, une jeune fille de la Belle époque, est finalement adaptée en BD chez Albin Michel.

Nous trouvons que les différentes adaptations sont essentielles pour bien montrer et faire comprendre aux personnes l’histoire tout en ayant différents points de vue vis-à-vis de celle-ci. En effet, les BD sont de bonnes adaptations tout en montrant des illustrations importantes et intéressantes.

Pourquoi devriez-vous le lire ?

Ce roman est vraiment fascinant, nous sentons le travail de recherche de l’auteure, et il semble dépeindre avec beaucoup de justesse la situation des femmes qu’elle met en lumière à travers l’histoire. Ce roman nous interroge sur nos croyances et la place de la femme au fil des siècles. L’histoire et le propos de cette œuvre originale sont vraiment intéressants et en font un roman envoûtant et sensationnel à lire !

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