Le parti pris des choses : un recueil vivant à lire absolument!

La vie de l’auteur

Francis Ponge est un écrivain et poète français, né le 27 mars 1899 à Montpellier et décédé dans les Alpes-Maritimes, le 6 août 1988. Il publie Douze petits écrits en 1926. Il entre chez Hachette en tant qu’employé et devient responsable syndical en 1930. Par la suite, il adhère au Parti communiste qu’il quitte 10 ans plus tard et se fait licencier par Hachette. C’est en 1942 qu’il publie Le Parti pris des choses et entre en Résistance comme agent de liaison. Pourtant, malgré l’écriture de nombreux ouvrages, Francis Ponge refuse de se considérer comme un poète.

Un recueil vivant

Le Parti pris des choses est un recueil de poèmes écrits en prose, paru en 1942 et écrit par Francis Ponge. Dans Le Parti pris des choses, Ponge décrit des « choses », des éléments du quotidien, délibérément choisis pour leur apparente banalité. L’objectif de ce recueil est de nous rendre compte de la beauté des objets du quotidien. L’intérêt de cette œuvre est de permettre d’avoir une nouvelle et différente vision du monde.

Le Parti pris des choses, par son titre presque polémique « Parti pris », désigne l’attitude d’un poète qui se détourne des humains pour se consacrer aux choses. Ce recueil a pu apparaître comme résolument nouveau car les poèmes se présentent comme des définitions du dictionnaire.

Écrire, une façon de se libérer…

Francis Ponge s’émancipe car sa mission est d’atteindre au plus juste la matérialité d’un objet, d’une « chose ». Il est le poète des objets les plus banals. Celui-ci écrit des poèmes pour se libérer et il s’affranchit en faisant du nouveau. Il voit le monde autrement donc il veut créer d’une belle manière. Son approche matérialiste et analytique du monde distingue sa poésie du lyrisme qui primait à son époque. Le poète porte un regard neuf sur les choses. Ponge s’oppose au Romantisme en choisissant des objets banals. Il choisit de jouer sur sa langue. Les sentiments et les idéaux ne sont pas la poésie. En revanche, c’est le travail sur les mots qui compte pour lui.

Les textes consacrés à des phénomènes ou des choses naturels tels que « L’orange », « Escargots », « Le feu » témoignent de la diversité du monde sensible que le poète revendique comme source d’inspiration. Sachant que ce recueil de poèmes a été publié en 1942, Ponge transmet implicitement son message à travers notamment son poème nommé « Escargots »dans lequel il incite à la Résistance et invite à adopter des qualités et des comportements stoïques. Son choix de poèmes en prose est un signe de modernité comme d’autres poètes (Charles Baudelaire, Philippe Soupault,…). Il considère les règles traditionnelles trop contraignantes. C’est le sentiment de révolte face à l’état du monde (crise économique et augmentation du taux de chômage, idéologie nazie, guerre civile espagnole et menace des régimes démocratiques) qui a poussé Ponge à s’émanciper en créant du nouveau soit en se penchant sur des phénomènes naturels auxquels il prête beaucoup d’attention. De plus, comme dans Cahiers de Douai où Rimbaud décrit des scènes vécues ou explique la richesse des objets banals, Francis Ponge le fait tout au long de son recueil…(Par exemple « Pauvres pêcheurs »où il est révélé que Francis Ponge a séjourné au Grau-du-Roi).

Des transformations poétiques embellies de subtilités

Nous avons bien aimé le recueil Le Parti pris des choses. Quand nous avons lu ce livre, nous n’avons pas eu l’impression de lire un recueil de poèmes car ce sont des poèmes en prose. C’est une œuvre très riche et variée en éléments présents dans le monde.

Tout d’abord, nous pouvons retrouver différents thèmes intéressants qui sont la nature avec les poèmes suivants : « Pluie », « Le mollusque », « Escargots », « Le feu », « Les mûres », « Rhum des fougères », « L’orange », « L’huître », « Les arbres se défont à l’intérieur d’une sphère de brouillard », « La mousse », « Le papillon », « Bords de mer », « De l’eau », « Le pain », « Le morceau de viande », « Faune et flore », « R.C. Seine No », « Végétation », « La crevette », « Le galet ». Il y a aussi le thème qui évoque l’Homme et sa création avec les poèmes « La cigarette », « Pauvres pêcheurs », « Le cageot », « La bougie », « Les plaisirs de la porte », « Le gymnaste », « La jeune mère », « Les trois boutiques » et pour finir, le thème lié aux saisons retrouvées dans les poèmes « Le cycle des saisons » et « La fin de l’automne ». Nous avons davantage apprécié le thème de la nature parce que nous aimons bien la description de choses naturelles. Aussi, tout ce qui se trouve dans la nature est important pour le bien du monde et de chaque personne.

Ensuite, pour nous Francis Ponge met en avant « des choses insignifiantes » parce qu’il parle de choses qui peuvent paraître inanimées et sans grande valeur à nos yeux, comme par exemple des mollusques ou même la pluie. Également, il donne une nouvelle vie à toutes ces « choses », son regard change ces objets en autre chose. Ces poèmes font ressentir du bonheur car ils donnent de nouvelles significations aux éléments qui nous entourent et cela nous permet d’apprécier et de valoriser ce que nous possédons et d’arrêter de chercher à avoir ce que nous n’avons pas. Toute chose peut avoir une signification très importante aux yeux des individus. Nous comprenons alors qu’il faut savourer chaque instant du quotidien. Selon nous, l’auteur veut que chaque personne prête plus d’attention au monde qui nous entoure. Aussi, nous avons ressenti de la joie et nous avons été surprises de la manière dont il a écrit ses poèmes. Les détails sont bien développés pour chaque poème de son recueil Le Parti pris des choses. Ce livre permet une grande réflexion sur l’humanité, sur l’existence de chaque chose. Il permet aussi de découvrir notre langue française grâce à l’emploi de différents mots et groupes de mots. Nous avons eu l’impression que toutes les « choses » évoquées dans le recueil sont en vie et évoluent au cours de notre lecture…

Des vers séduisants mais pas seulement…

Dès le début, nous avons été captivées par l’œuvre puisque l’auteur est intéressé essentiellement par la nature (« Le galet », « Le feu », « Le papillon »).

Pour commencer, la façon dont le livre se présente à nous est intéressante, nous remarquons une disposition en fonction de la longueur des poèmes qui est présentée dans l’ordre croissant (« Pauvres pêcheurs » ou encore « La bougie » parmi les premiers et « Faune et flore », « Le galet » parmi les derniers poèmes).

D’une part, nous avons aimé son souci d’objectivité. Ses textes sont dépourvus de subjectivité et parfois rivalisent avec la définition d’un dictionnaire. Par exemple, dans un dictionnaire : un mollusque est un animal invertébré au corps mou, souvent pourvu d’une coquille. Ponge le présente comme « un muscle, un gond, un blount et sa porte […] deux portes légèrement concaves constituent sa demeure entière ». Nous remarquons également un refus du lyrisme par une approche quasi-scientifique. Par exemple, les titres des poèmes représentent la plupart du temps le phénomène en question. C’est le cas de « Le feu » ou encore « Le papillon ». Francis Ponge reprend une tradition poétique antique, celle des rhétoriqueurs avec des procédés d’écriture tels que l’allégorie (« La fin de l’automne »).

De plus, l’utilisation de l’art rhétorique est majeure. La mise en place d’un plan syntaxique dans le but de relier les mots nous a surprises. La distinction des diversités de l’art rhétorique (presque un type par poème) est inattendue. Il rapproche deux réalités opposées, c’est le cas dans le poème « Le cageot » dans lequel l’auteur fait un jeu de sonorités dès la première ligne : « À mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot », ici cageot évoque « cage » et à la fois « cachot ».

Pour continuer, nous apprécions la façon dont l’auteur reprend le caractère moralisateur comme dans les ouvrages scolaires sous forme de parodie en achevant le poème avec une ambiguïté du sens : le poème « Pluie »a pour dernier mot « plu » qui crée la confusion entre le participe passé des verbes pleuvoir et plaire.

D’autre part, nous comprenons le regard moqueur que Ponge porte sur l’Homme. Une triste réalité est alors révélée. Il pointe du doigt un orgueil démesuré chez l’Homme et déprécie sa paresse face à la beauté de son environnement ainsi que son avidité pour l’argent : dans le poème « Le Restaurant Lemeunier rue de la Chaussée d’Antin »à la ligne 55 « dans ce monde ne participe pas tant soit peu de la féerie […] révèlent une âme noble et blasée, et une grande habitude et satiété du luxe […] les travailleuses, une à une soupesant quelques sous qui tintent au fond de leur poche… ». Par conséquent, l’auteur développe souvent ses poèmes de façon épidictique pour par exemple faire l’éloge des êtres ayant pour demeure une coquille qui, contrairement aux grandes constructions humaines, est proportionnelle à la taille.

Ensuite, la façon dont Ponge utilise la poésie pour rendre hommage à plusieurs reprises dans ses poèmes nous plaît fortement tels que « Escargots »où il fait référence à la formule du philosophe grec Socrate à la ligne 105 « Connais-toi donc d’abord toi-même ».

Cependant, parfois des parties de textes sont incompréhensibles même après réflexion. De plus, il est pénible d’avoir quelques fois à traduire plusieurs mots dans une même phrase puisque cela ralentit la lecture ce qui fait perdre le goût de la lecture, donc nous lisons certains poèmes en plusieurs parties.

Poèmes à lire absolument !

Nous avons pris grand plaisir à lire les poèmes « Pluie » et « La bougie » liés essentiellement à la description captivante de la nature ou à des phénomènes banals, la façon dont leurs mouvements se manifestent est décrite de manière à apercevoir l’action à travers la lecture : « un fin rideau (ou réseau) discontinu », « s’incline sur son assiette et se noie dans son aliment ». Notre imagination prend plus de réalité grâce aux sons ou odeurs que l’auteur nous dévoile : « le glou-glou des gouttières, les minuscules coups de gong se multiplient et résonnent à la fois en un concert de monotonie », « dégagement des fumées originales » mais aussi les métaphores par lesquelles il décrit l’objet ou le phénomène « le brillant appareil s’évapore », « une plante singulière […] sa feuille d’or ».

Également, nous avons aimé les poèmes « L’huître » et « Le pain » car ce sont des poèmes très célèbres écrits par Francis Ponge. Nous avons choisi le poème « L’huître » car nous associons celle-ci à quelque chose de peu plaisant à regarder. En lisant sa description, nous avons imaginé ce crustacé d’une manière différente et ce qui ne nous paraissait pas forcément beau est devenu beaucoup plus agréable grâce à l’emploi d’un certain vocabulaire et à la position de l’auteur. Et finalement une des plus belles choses dans une huître est « la perle » qui apparaît ici comme quelque chose de bénin puisqu’il n’y a qu’une phrase pour la décrire dans le poème. C’est sa façon de nous faire découvrir le merveilleux de chaque chose. Aussi, nous avons l’impression que Francis Ponge compare l’huître aux personnes qui nous entourent. Dans un premier temps, elles peuvent apparaître peu agréables et une fois que nous les découvrons, elles se révèlent des êtres agréables.

Voici une œuvre qui nous a fait penser à ce poème « L’huître » :

Reliefs d’Huîtres II, Guy de Malherbe, Huile sur toile, 20 x 26 cm, 2019

Nous avons choisi cette œuvre de Guy de Malherbe car les huîtres paraissent exceptionnelles comme de beaux coquillages. Et grâce au poème « L’huître » de Francis Ponge, nous pouvons confirmer la beauté de ces crustacés.

De plus, nous avons sélectionné le poème « Le pain » car nous avons bien aimé la comparaison avec les montagnes. Francis Ponge arrive à donner une vision plus belle du pain qui est un aliment banal du quotidien. Nous avons apprécié la description précise qu’il effectue : une valorisation de la surface externe du pain, une dévalorisation de l’intérieur du pain et le flétrissement du pain. Ponge cherche à évoquer le pain dans tous ses états, il veut en fournir l’ensemble des caractéristiques permanentes, de sa naissance à sa mort. Ce pain renferme des richesses insoupçonnées que la langue poétique dévoile. Il invite ainsi le lecteur au rêve et à l’émerveillement.

Voici cette œuvre qui nous a fait penser ce poème « Le pain » :

La corbeille de pain, Salvador Dali, huile sur toile, 1945

Nous avons choisi cette œuvre de Salvador Dali parce que nous voyons un pain normal, qui est banal mais grâce au poème « Le pain », nous pouvons imaginer que c’est devenu progressivement un aliment unique et incroyable. Le pain contenu dans la corbeille est placé au centre pour montrer non seulement sa puissance mais aussi sa richesse.

Safa et Sahar – 1G6

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