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Walter Gieseking – Comment je suis devenu pianiste

Posted by on 24 mai 2016

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Walter Gieseking
Comment je suis devenu pianiste

Walter Gieseking (1895-1956) est un des pianistes les plus connus de l’après-guerre. Ses interprétations de Debussy ont longtemps fait autorité, fait curieux pour un pianiste allemand qui, bien que né à Lyon, n’a entretenu que très peu de relations avec l’Ecole française de piano. Le livre Comment je suis devenu pianiste propose son autobiographie accompagnée de ses écrits sur la musique et l’interprétation.

En voici le sommaire :

I – Autobiographie

II – Essais : Louange du piano
Les problèmes modernes du toucher
Comment s’exercent les artistes
Intuition et fidélité à l’œuvre
De l’usage de la pédale
Interprétation de Bach au piano de concert
Pourquoi je joue Debussy
Comment faut-il jouer la musique pour piano de Ravel
Une erreur dans la Sonate Waldstein
La musique pour clavier de Mozart

III – Compositions, disques, enregistrements sur bandes

La partie autobiographique nous dévoile le portrait d’un personnage emprunt d’humour, à la fois pianiste et entomologiste (« chasseur de papillons ») peint d’un ton facétieux, parfois presque enfantin. Le parcours de Gieseking est assez original. Celui-ci apprend le piano quasiment en autodidacte à l’aide d’une bande de papier sur laquelle est imprimé le dessin d’un piano avec le nom des notes. Pendant son enfance à Lyon, il n’allait pas à l’école et on ne le faisait jouer que Bach, Beethoven, Schumann, Chopin, très peu Brahms et pas du tout Liszt. Il ne jouait aucun moderne et n’avait jamais entendu parler de Debussy et Ravel. C’est paradoxalement ensuite en Allemagne qu’il a découvert la musique française. L’autobiographie retrace le parcours d’un pianiste qui donnait des concerts pendant son service militaire et a atteint la reconnaissance à la fin de la guerre, jusqu’à ses déconvenues lors de ses derniers récitals aux Etats-Unis.

Les essais qui suivent peuvent paraître assez légers quant aux enseignements. Chez Gieseking, l’art masque l’art. Nombre de points abordés semblent aujourd’hui devenus des lieux communs. Toutefois, il faut les replacer dans leur contexte ; ce qui nous semble aujourd’hui assez évident pouvait être novateur à l’époque. Par exemple, aujourd’hui le respect scrupuleux du texte semble s’imposer, ce qui n’allait pas nécessairement de soi à l’époque !

Je propose ci-dessus un relevé synthétique des points qui m’ont apparu comme les plus pertinents, croisant les différents articles afin d’éviter les répétitions.

Sur le toucher

L’un des points récurrents dans les essais de Gieseking consiste à rappeler que le piano se joue bien plus avec les oreilles qu’avec les doigts. C’est l’oreille, la représentation mentale du son à venir, qui doit guider l’interprète, bien plus que ses problèmes physiologiques. Ainsi, l’expérience lui a prouvé que le « beau son » n’est pas lié nécessairement au niveau de l’élève – bien des virtuoses font claquer les pianos – mais à l’exigence de son écoute, le « besoin de contrôle systématique par l’ouïe ». Concernant le toucher à proprement parler, il s’inscrit dans la tradition de la chute libre : « mouvement de chute », « rester en contact avec le clavier ». Il insiste toutefois sur le fait que la représentation mentale précède le geste : «  les muscles réagissent de manière quasiment automatique à la représentation cérébrale d’un son. »

Sur les exercices techniques et la préparation

A nouveau Gieseking insiste sur la primauté de l’oreille. Il déconseille tout d’abord les exercices techniques, privilégiant l’éducation de l’oreille. « C’est dans la tête, non dans les doigts, que s’élabore le savoir technique. » Ainsi, pour les œuvres complexes, il vante les mérites du travail de mémorisation « à la table ». De même, avant un concert, il conseille de ne pas jouer mais de se reposer et de relire mentalement la partition sans la jouer. Cependant, lui-même a pratiqué des exercices pendant ses premières années de conservatoire. Il s’en justifie en avançant le fait que l’apprentissage des « figures » techniques -gammes arpèges etc – est nécessaire et qu’il faut acquérir l’égalité des doigts, mais par contre qu’il n’y a pas nécessité de s’exercer régulièrement. « La technique est présente et disponible à tout moment. » Lui-même peut rester parfois des semaines sans toucher un clavier et ce repos, loin de lui être dommageable, est au contraire bienfaisant.

Sur la pédale

Une mauvaise pédalisation peut annihiler une bonne technique. De nouveau : « on appuie la pédale avec l’oreille ». Gieseking prône la fixation de la pédalisation lors de l’étude. Il affirme aussi le besoin d’historiciser l’emploi de la pédale. Selon lui, l’usage de la pédale commence avec Beethoven, ce qui signifie qu’on peut mettre la pédale, qu’il distingue sagement du « on doit ». Ainsi, il prône dans la mesure du possible la tenue par les doigts seuls et l’usage à dessein de la pédale. Pour Bach, Mozart, Scarlatti, « on ne doit jamais entendre la pédale », ce qui ne signifie aucunement l’absence de pédalisation, mais son utilisation parcimonieuse et subtile.
Pour garder l’homogénéité du son dans la pédale, il recommande de penser crescendo les phrases descendantes, ce qui se fait naturellement dans les phrases ascendantes. D’autres petites « astuces » pour l’homogénéité du son sont égrainées dans ces pages, j’en donne encore quelques unes ci-dessous.
– Dans les accords parfaits, la tierce assombrit, la quinte éclaire.
– Pour les accords dissonants, faire ressortir les consonances.
– Dans Debussy, veiller à bien tenir manuellement les basses.

Sur l’interprétation

Selon Gieseking, l’interprétation ne peut se concevoir sans fidélité à l’oeuvre. L’art de l’interprète est « art de la recréation », il s’agit de « rendre à la vie et transmettre un certain contenu d’expression », comme pour un poste de radio, il s’agit de régler les différents paramètres pour que le signal passe. « La force libératrice d’une composition demeure à l’état latent dans sa partition. Saisir cette force, s’en emparer en la ressentant, constitue le problème fondamental de l’art de l’interprétation. » Cette citation annonce les conceptions d’ Umberto Eco, qui dans Lector in fabula énonçait le fait qu’un texte ne prenait vie qu’à travers son actualisation par un lecteur ou un interprète.
Le devoir de l’artiste est la « fidélité sans condition à l’oeuvre ». Ainsi, le pianiste met en garde sur le risque de projeter les manières d’interpréter actuelles sur les œuvres antérieures. Dans Bach, il recommande ainsi une sonorité plus faible, de penser aux sons brefs des instruments baroques et de ne pas chercher le monumental ou l’expressivité romantiques qui n’ont pas lieu d’être dans ce répertoire. Il souhaite donc éviter les anachronismes mais d’autre part récuse aussi la notion d’objectivité dans l’interprétation d’œuvres comme celles de Liszt ou Tchaïkovski. Chez Mozart, il recommande la recherche de la simplicité et du naturel, la technique ne doit y présenter aucun effort et le son doit rester pur, ce qui le conduit à dire que c’est le répertoire à la fois « le plus facile et le plus difficile ».

Enfin, je conclus en vous proposant d’écouter son interprétation de deux de ses compositeurs de prédilection : Debussy dont les « sensations impersonnelles » selon lui s’inscrivaient dans un rapport à la nature bien plus profond que celui des romantiques – qui en faisaient le miroir et le théâtre de leurs états d’âme, et enfin Ravel, qui représente pour lui l’adéquation parfaite de l’œuvre à l’instrument, où « chaque effet pianistique est indissociable du développement logique musicalement fondé. »

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=jkK_0BTSRb8[/youtube] [youtube]https://www.youtube.com/watch?v=aW2aDDCX8lM[/youtube]

Le critique musical Emile Vuillermoz disait que de tous les pianistes, Gieseking était celui dont le jeu lui rappelait le plus celui du compositeur Claude Debussy qu’il avait fréquenté.

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