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Denis Levaillant – L’art de l’improvisation au piano

Posted by on 5 juillet 2016

Denis Levaillant a fait partie d’une poignée de musiciens sollicités par Maurice Fleuret (directeur de la Musique au ministère de la Culture) pour réflechir à l’introduction de l’improvisation dans les conservatoires, à commencer par Paris. Après avoir donné de nombreux stages, avoir pratiqué le jazz, la musique classique, l’improvisation et la composition, puis écrit l’improvisation musicale, Denis Levaillant sent le besoin d’écrire L’Art de l’improvisation, et ce pour plusieurs raisons. Les principales raisons sont les suivantes :

Malgré le fait que, petit à petit, les départements « jazz et musique improvisée » furent créés dans de nombreux établissements, ils n’avaient pas de rapport direct avec les disciplines instrumentales classiques. Contrairement à la Belgique, où le conservatoire de Liège avait mis l’improvisation (présente dans toutes les musiques du monde et qui avait irrigué la musique occidentale depuis ses prémices jusqu’au début du XXe siècle) au cœur de la formation musicale.

Le but de D.Levaillant est donc de mettre en relation la musique classique et son répertoire immense avec l’art de l’improvisation. Autrement dit, s’inspirer de la musique classique lors d’une improvisation ou penser à l’improvisation lorsque l’on interprète une pièce classique, car, comme nous le verrons plus loin, les deux disciplines sont et étaient étroitement liées.

Le constat est le même à Paris au sein du meilleur conservatoire de France : le CNSMDP. Des classes furent ouvertes (improvisation générative avec Alain Savouret, puis bien plus tard, improvisation au clavier avec Jean François Zygel et Thierry Escaich) mais elles restèrent sans rapport avec les classes « principales » d’instrument, ni avec les classes de composition.
La volonté de D.Levaillant est de redorer cette discipline, et de la voir se développer « à condition d’inventer des passerelles, de revivifier des pratiques anciennes, de créer une pédagogie nouvelle, tout en se penchant sur l’histoire de cette discipline fascinante ».
L’auteur de ce livre fait le pari que « dans un certain nombre d’années, l’improvisation sera à nouveau considérée comme une branche essentielle de la formation muisicale ».
Regardons quelles sont les idées que D.Levaillant a pour nous donner le goût d’improviser et nous faire progresser dans cette discipline.

Ce livre est organisé en 12 leçons : dans chaque leçon, Denis Levaillant nous donne des exemples d’improvisation, des exercices que nous pouvons réaliser, en essayant de ne pas trop imiter D.Levaillant.
Mais avant de commencer ces leçons, l’auteur déplore que l’improvisation n’ait eu qu’une très faible importance dans la musicologie, « elle est restée trop longtemps marginale, car l’improvisation est restée longtemps une sorte d' »impensé » de la musicologie.  Elle a longtemps été cantonnée dans le domaine de l’ethnomusicologie, puis associée aux études sur le jazz. »

Même si l’auteur nous dit qu’à travers ce livre nous allons explorer des exercices allant de Couperin aux rythmes africains et indiens, en réalité, la part consacrée aux musiques du monde est très faible, mis à part quelques aspects du jazz retranscrits.

Tout au long du livre, beaucoup d’exercices dits « idiomatiques » sont proposés, tel des cadences, des grilles harmoniques, des basses continues, ornements, diminutions etc. Le but de tout ceci est de maitriser des outils d’expressions, et non d’apprendre tout les styles existants.
Il s’agit, je pense, de s’en inspirer un maximum, pour moi Keith Jarreth en est le plus grand ambassadeur, s’inspirant autant de la musique classique que du jazz en passant par quelques notions rythmiques de musiques du monde.

Une notion qui me parait important de souligner est le fait que l’auteur nous dit en parlant de l’exercice d’improviser, que « paradoxalement, cet effort plus abstrait incite les élèves à être plus concrets dans leurs décisions de forme, toucher et phrasé ».
Autrement dit, le fait d’improviser nous permettrait de mieux jouer une pièce dite classique, et de mieux l’interpréter, car saisissant mieux la place de chaque phrase, chaque articulation à l’intérieur de celle-ci.
Ceci est sûrement vrai, lorsque l’on sait que les plus grands compositeurs dit classiques improvisaient beaucoup, comme Bach, Mozart, Chopin etc.

Étant donné que le son est toujours lié à un geste, chaque exercice, ici nommé « invention » a pour but de solliciter notre imagination et mettre en pratique notre assimilation d’un style donné. Conscient qu’il « faut combattre la solitude excessive du pianiste », les exercices de de sa classe de maître
se font à deux pianos, aussi pour que « l’oreille participe au développement musical ». A la maison devant ce livre, nous avons le dvd pour nous aider dans les exercices et être un peu dans l’esprit de ce que souhaite Denis Levaillant.

L’auteur souligne un paradoxe dans la musique baroque où il était courant d’improviser : en effet François Couperin nous dit « Je déclare que mes pièces doivent être exécutées comme je les ai marquées, et qu’elles ne feront jamais une certaine impression sur les personnes qui ont le goût du vrai, tant qu’on observera pas à la lettre tout ce que j’ai marqué, sans augmentation ni diminution ». Où est donc la liberté d’improvisation si l’on doit s’en tenir strictement à la partition ? Denis Levaillant nous répond en affirmant que savoir interpréter les indications de nuances, caractères, autrement dit avoir du « goût »
nous permettra de laisser part à notre improvisation. A méditer…

Pour comprendre la phrase de  Couperin, il faut déjà savoir ce que signifie « diminuer  » en musique, voici comment l’auteur du livre s’y prend pour nous l’expliquer :     (cliquer sur l’image pour voir mieux)

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Dans son chapitre dédié au baroque, il évoque la grande figure qu’est Jean-Sébastien Bach,  il nous dit que les 44 préludes de choral de J C Bach sont « clairement issus de la pratique de l’improvisation à l’orgue, forme musicale nommée le Choralvorspiel

On connait cette anecdote où J.-S.Bach improvise sur un thème en ut mineur donné par l’empereur Fréderic II de Prusse qui fut impressionné par l’étendue des inventions-fugues à trois voix etc. On sait que Bach pouvait improviser sur n’importe quel thème donné.

Carl Philippe Emmanuel Bach. Regardons ce que nous dit CPE Bach  :

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Un peu plus loin dans le livre, D.Levaillant aborde le répertoire de la musique française, et plus particulièrement les modes que Debussy utilise, laissant paraitre une couleur de sons, un peu planant, bien particuliers. Nous sommes donc invités à tenter l’expérience d’improvisation d’accords (succession d’accords) en laissant notre oreille nous guider, et en nous inspirant du modèle donné par D.Levaillant sur le DVD, comme à chaque nouvel exercice.

Un autre exercice consistera à s’inspirer du début du morceau « Barque sur l’Océan » de Ravel, et d’inventer une mélodie autre que celle choisie par le compositeur : en somme, improviser une mélodie à la main droite sur un ostinato d’arpèges de main gauche.

 

A la fin du livre, la notion de rythme est abordée, après nous avoir fait comprendre que maitriser la notion des différents rythmes est primordial, D.Levaillant insiste pour nous montrer qu’il est bon de puiser des exemples dans la musique un peu partout dans le monde, voici par exemple un rythme brésilien proposé par D.Levaillant :

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Vous l’aurez compris, je ne vais pas vous citer tous les exercices possibles, il sont presque à l’infini ; avec de l’imagination et en s’inspirant du répertoire classique (ou autre) nous pouvons grâce à notre oreille plus ou moins développée essayer multitude de choses.

C’est ce que nous suggère D.Levaillant : nous inspirer des musiques du monde, et surtout de leur rythmiques bien intéressantes, afin d’avoir le champ le plus large possible dans nos interprétations de toute sorte.
Je le répète, pour moi Keith Jarret en est un merveilleux exemple, ayant enregistré un concerto de Mozart au piano, trio de jazz, improvisations modernes au solo piano, ou Variations Goldberg de Bach au clavecin..

A nous de jouer !

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