La force des faibles

Trois récits et trois femmes qui disent non. Elles s’appellent Norah, Fanta, Khady Demba …

Comments (2)

Sandrine Rioujanvier 25th, 2010 at 14:21

Ces trois histoires semblent être reliées entre elles par un fil ténu ; mais est-il si ténu que cela ? Voici quelques pistes de lecture pour découvrir la très grande richesse de ce roman … Les origines et l’immigration, la souffrance et la culpabilité, la lourdeur des atmosphères, l’incapacité à communiquer, une mise en scène quasi cinématographique et multi-sensorielle, l’émergence d’une conscience au milieu des décombres avec dans un premier mouvement l’invasion du mal et dans un deuxième mouvement, l’émergence d’une conscience.
Trois femmes puissantes c’est aussi un style à part entière : un style, précis, analytique et instropectif qui joue sur les synesthésies du langage. Ce qui rassemble vraiment ces textes, ce qui leur donne force et cohérence, c’est l’écriture… Une écriture tour à tour éruptive et contenue où derrière l’écoulement des mots se révèle la profondeur des non-dits. Une plume qui fouille le moindre recoin de la conscience humaine. Un style riche et dense, à la fois étrange parce qu’insaisissable et remarquable parce que tout est dit.

Trois récits dérangeants voire obsédants qui vous laisseront éblouis ou agacés mais en en aucun cas indifférents …

Axel Maybonmars 4th, 2010 at 22:13

Marie NDiaye n’est pas dénuée de talent. Sa prose est limpide, pleine d’images et d’analogies intéressantes. Son récit est dur et poétique.
A vrai dire, lire ce livre m’a fait le même effet que manger un fruit un peu rance. Au début, lorsqu’on mord avec vigueur dans ledit fruit, on est transporté par son goût arrivé à maturité, une explosion de saveurs qui nous rappellent des vergers aux arbres multicolores, dont les branches ploient sous le poids des fruits, cette grande littérature, loin des écrits des académiciens avariés qui pensent écrire comme un Chateaubriand, la littérature la plus pure, ces phrases recherchées qui – oh miracle – se révèlent avoir sens. Ensuite, on commence à sentir cet arrière goût étrange qui nous rappelle l’odeur du vieux papier, les reliures en cuir poussiéreuses, en fait, ce sont ces phrase démesurément longues, aux virgules foisonnantes, dont on ne voit pas le bout, ce sont ces introspections outrancières, qui cachent peut être une réflexion un peu trop légère et qui commencent à déranger notre palais de lecteur affamé. Enfin, au bout d’un temps indéfinissable, on pousse un hurlement d’horreur et de dégoût – que plus tard on pourra regretter – certains termineront leur bouchée, plus par obligation que par envie, d’autres recracheront tout sec, sans plus de manières, ils fermeront le livre, définitivement, et ils attendront peut être le prochain Goncourt pour se réconcilier avec la littérature.
Le sujet traité est plus qu’intéressant : il est critique. L’auteur le sait mais n’écrit pas en conséquence. S’attaquer à un tel thème implique une prise de risque de la part de l’écrivain qui n’est pas assez marquée ici. Par un mot prononcé Marie NDiaye sait déclencher ces polémiques – nous ne nous arrêterons certes pas sur un sujet d’une telle superficialité lorsqu’on sait jusqu’où la bêtise humaine, et surtout en politique, est capable de nous mener – et, avec une habileté remarquable, elle réussit à passionner l’opinion publique. Très bien, mais pourquoi avoir été si douce dans son roman ? Certes, d’aucuns diront que cette apparente douceur, cette affabilité même, cache en fait un couteau plus tranchant que jamais. Mais de quoi avoir peur ? Si l’écrivain ne critique pas avec cette violence détournée qui lui est propre, autant qu’il change de métier.
On s’attend tout de même à un récit plus profond qu’un simple texte scolaire, à une plongée dans la critique au venin de serpent, à une fine analyse de notre monde en perdition. Et ce livre fait l’effet d’un roman dans lequel l’auteur ne semble s’épancher que sur la beauté de son propre livre, en disant « Regardez mon chef d’œuvre ! ». Un âpre mélange, comme on l’aura compris, « stendhalo-dostoïevskien ».
Mais Marie NDiaye ne mérite pas un jugement qu’on pourrait dire trop sévère. Son récit transpire le réalisme mais on ne peut vraisemblablement se plonger dans son récit qu’avec des efforts surhumains. Elle choisit les bons mots mais, malheureusement, elle ne captive pas le lecteur. On dirait presque qu’il ne peut pas atteindre la hauteur de sa réflexion, et c’est pourquoi elle se permet d’étendre sur plusieurs pages ces détails anodins. Tout en admirant cette écriture, on peut tout de même lui reprocher de ne pas être assez… acerbe. Et lorsqu’on ferme enfin le livre et que les frissons de la grande littérature ne nous viennent pas, on pousse un malheureux soupir, synonyme d’une déception non dissimulée, pour retourner, résignés et inchangés, à cette vie sans saveur.
Axel Maybon (Lycée Barthou – 611)

Leave a comment

You must be logged in to post a comment.