Trois femmes puissantes, une déception non dissimulée …

Marie NDiaye n’est pas dénuée de talent. Sa prose est limpide, pleine d’images et d’analogies intéressantes. Son récit est dur et poétique.

A vrai dire, lire ce livre m’a fait le même effet que manger un fruit un peu rance. Au début, lorsqu’on mord avec vigueur dans ledit fruit, on est transporté par son goût arrivé à maturité, une explosion de saveurs qui nous rappellent des vergers aux arbres multicolores,  dont les branches ploient sous le poids des fruits, cette grande littérature, loin des écrits des académiciens avariés qui pensent écrire comme un Chateaubriand, la littérature la plus pure, ces phrases recherchées  qui – oh miracle – se révèlent avoir sens. Ensuite, on commence à sentir cet arrière goût étrange qui nous rappelle l’odeur du vieux papier, les reliures en cuir poussiéreuses, en fait, ce sont ces phrase démesurément longues, aux virgules foisonnantes, dont on ne voit pas le bout, ce sont ces introspections outrancières, qui cachent peut être une réflexion un peu trop légère et  qui commencent à déranger notre palais de lecteur affamé. Enfin, au bout d’un temps indéfinissable, on pousse un hurlement d’horreur et de dégoût – que plus tard on pourra regretter – certains termineront leur bouchée, plus par obligation que par envie, d’autres recracheront tout sec, sans plus de manières, ils fermeront le livre, définitivement, et ils attendront peut être le prochain Goncourt pour se réconcilier avec la littérature.

Le sujet traité est plus qu’intéressant : il est critique. L’auteur le sait mais n’écrit pas en conséquence. S’attaquer à un tel thème implique une prise de risque de la part de l’écrivain qui n’est pas assez marquée ici. Par un mot prononcé Marie NDiaye sait déclencher ces polémiques – nous ne nous arrêterons certes pas sur un sujet d’une telle superficialité lorsqu’on sait jusqu’où la bêtise humaine, et surtout en politique, est capable de nous mener – et, avec une habileté remarquable, elle réussit à passionner l’opinion publique. Très bien, mais pourquoi avoir été si douce dans son roman ? Certes, d’aucuns diront que cette apparente douceur, cette affabilité même, cache en fait un couteau plus tranchant que jamais. Mais de quoi avoir peur ? Si l’écrivain ne critique pas avec cette violence détournée qui lui est propre, autant qu’il change de métier.

On s’attend tout de même à un récit plus profond qu’un simple texte scolaire, à une plongée dans la critique au venin de serpent, à une fine analyse de notre monde en perdition. Et ce livre fait l’effet d’un roman dans lequel l’auteur ne semble s’épancher que sur la beauté de son propre livre, en disant « Regardez mon chef d’œuvre ! ». Un âpre mélange, comme on l’aura compris, « stendhalo-dostoïevskien ».

Mais Marie NDiaye ne mérite pas un jugement qu’on pourrait dire trop sévère. Son récit transpire le réalisme mais on ne peut vraisemblablement se plonger dans son récit qu’avec des efforts surhumains. Elle choisit les bons mots mais, malheureusement, elle ne captive pas le lecteur. On dirait presque qu’il ne peut pas atteindre la hauteur de sa réflexion, et c’est pourquoi elle se permet d’étendre sur plusieurs pages ces détails anodins. Tout en admirant cette écriture, on peut tout de même lui reprocher de ne pas être assez… acerbe. Et lorsqu’on ferme enfin le livre et que les frissons de la grande littérature ne nous viennent pas, on pousse un malheureux soupir, synonyme d’une déception non dissimulée, pour retourner, résignés et inchangés, à cette vie sans saveur.

Axel Maybon (Lycée Barthou – 611)

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