La peur compensatrice

Je n’entre pas mais vois tout, n’entends rien rien mais comprends la totalité.La pièce est sombre, des projecteurs qui n’existent pas teintent la scène de bleu. On ne peut pas marcher ici. Ça pue, le souffre. Ce n’est pas comme une grotte, c’est pire. Il y existe la même humidité, celle avec de grosses gouttes.

On ne peut pas venir ici, mais on ne peut surtout pas y marcher. Un gros plancher de terrasse extérieur fait office de sol, parsemé de trous plus ou moins grands. En dessous, le ruisseau coule sous nos pieds, je crois qu’il a faim.

Et puis, le gros trou, le central. Il est plus grand que tous les autres et a le privilège d’être entouré de grosses pierres, prises à la demeure. Elle est là, ou il je ne sais pas vraiment.

Au dessus du gros trou, pendue comme un cocon, comme une grosse boule de suif. Elle protège son territoire, attend son repas.

On parle pour moi, disant que je n’aimerais pas devenir son déjeuner. La gueule béante, une masse noire, couleur ombre, effectue des va et vient entre elle et la pièce. On peut sentir la puanteur de ses traits, la noirceur de son corps. Je sais qu’elle ne peut pas sortir mais elle est quand même près de moi, derrière la porte. Elle suivra mes pas quand j’irai me promener dans le jardin, quand je retournerais dans la voiture après avoir supplié mon père de quitter cet endroit. Son odeur caressera mes jambes fragiles pendant le voyage et j’entendrais éternellement ses chuchotements au creux de mon oreille.

Le souvenir de la bête ne m’a jamais quittéerit, caché dans les abysses de mon esprit, elle attend de pouvoir se montrer à nouveau, dans des temps incertains. Merci mon frère, merci ma sœur, la Roumèque bercera la vie de notre famille. Les enfants ne tomberont jamais dans le puits.

Ce n’est rien qu’un trou qui résonne lorsqu’on y jette une pierre. Ma chambre est seule, il reste un lit et un poste radio qui marche une fois sur deux. Je me rappelle d’un soir où il avait marché, d’un soir où des adultes parlaient dans ma chambre sur un ton de morale fondé.

Comment un homme peut-il en arriver à un stade pareil ? Ce ne sont plus des êtres humains, ce sont des machines. Des machines à tuer. Aucun état d’âme, une habitude perpétuelle. Ces hommes ne sont plus considérés comme des êtres humains mais comme des chiffons qu’il faut salir. Et encore, les chiffons eux ne sont pas à plaindre, on les lavent.

Ces enfants pourraient être les votre. Deux ans, même pas le temps de découvrir la vie, peut être même pas le temps de prononcer le mot maman que vous l’anéantissez. Un petit être absolument merveilleux… Comment peut-on décréter d’un enfant aussi jeune qu’il est à tuer ? Ce n’est qu’une affiche qu’on lui met sur la gueule avec écrit dessus «  à gazer ».

Est-ce que vous vous rendez compte de la gravité de la situation ? Et si, à peine sorti du ventre, vous devriez y retourner ? Histoire de faire un tour. Vous resterez dans la banalité de la situation ? Vous ne vous serez pas révoltés ? A mon avis votre politiquement correct finira par vous perdre. Je suis sûre que c’est déjà arrivé.

 

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