la nouvelle donne alimentaire mondiale par R B Zoellick le président de la Banque mondiale

Ces images troublantes devraient pousser à l’action la communauté internationale : émeutes en Haïti, manifestations en Egypte, violences dans de nombreux autres pays, toutes provoquées par la hausse des prix des denrées alimentaires. Selon les estimations du groupe de la Banque mondiale, le doublement des prix alimentaires sur les trois dernières années pourrait aggraver la situation de pauvreté que vivent 100 millions de personnes dans les pays à faibles revenus. Et il ne s’agit pas d’un problème passager : réalités démographiques, évolution des comportements alimentaires, prix de l’énergie, culture des biocarburants et changements climatiques, laissent craindre une hausse durable des prix alimentaires.

Depuis 2005, les prix des denrées alimentaires de base ont grimpé de 80 %. Si douloureuse que soit cette évolution pour le consommateur européen, elle est encore plus dévastatrice pour les populations les plus pauvres au monde : des enfants, âgés parfois de 4 à 5 ans, forcés de fuir la sécurité de leur communauté rurale ; des mères, qui n’ont plus de quoi nourrir leurs bébés. Pour ces familles, la nourriture représente de 50 % à 75 % de leur consommation, et aucune marge n’existe pour garantir leur survie.

Pour aider les plus exposés, le groupe de la Banque mondiale sollicite une nouvelle donne pour la politique alimentaire mondiale. Cette nouvelle donne devrait porter non seulement sur la faim et la malnutrition, l’accès à la nourriture et aux sources d’approvisionnement, mais aussi sur leurs interconnexions avec l’énergie, les rendements productifs, le changement climatique, les investissements, la marginalisation des femmes, la croissance et la résistance d’une économie, entre autres.

La première étape serait de répondre aux besoins les plus immédiats. Il faut au Programme alimentaire mondial des Nations unies au moins 488 millions d’euros en denrées alimentaires supplémentaires pour faire face à la situation d’urgence. Les Etats-Unis, l’Europe, le Japon, et d’autres pays, doivent agir immédiatement pour combler ce fossé, sous peine de voir de nombreuses autres personnes souffrir et mourir de faim.

L’envolée des prix des denrées alimentaires a contribué à une plus grande prise de conscience des immenses défis que soulèvent la lutte contre la faim et la malnutrition, responsables de la mort d’environ 3,5 millions d’enfants de moins de 5 ans chaque année. Plus de 20 % des décès maternels sont liés à la malnutrition et à son impact sur les défenses immunitaires. La faim et la malnutrition sont une cause, pas simplement une conséquence de la pauvreté.

Dans le cadre de cette nouvelle donne, il importe de passer d’une aide alimentaire traditionnelle à une conception élargie de l’assistance alimentaire et nutritionnelle. Bien souvent, c’est de l’argent ou des bons d’échange, plutôt qu’un approvisionnement en denrées elles-mêmes qui sont nécessaires pour permettre à cette aide de développer les marchés alimentaires et la production agricole au niveau local. Lorsque les denrées viennent à manquer, les acheter auprès d’agriculteurs locaux contribue à consolider les communautés concernées. Les programmes de repas scolaires permettent d’attirer les enfants dans les écoles et d’instruire des enfants en bonne santé, d’autres programmes offrent également de la nourriture aux parents.

Le groupe de la Banque mondiale peut apporter sa contribution en soutenant les mesures d’urgence favorables aux populations pauvres, tout en encourageant les mesures incitant à la production et à la commercialisation de nourriture dans le cadre d’un développement durable. Des pays aussi différents que le Bhoutan et le Brésil ont des programmes d’assistance alimentaire en faveur des groupes vulnérables. Le Mozambique et le Cambodge ont recours à des programmes de travaux publics en contrepartie de nourriture, et développent ainsi des routes, des puits et des écoles. L’Egypte et l’Ethiopie, mettent en place des transferts d’argent conditionnés à des mesures d’autoassistance comme l’envoi des enfants à l’école.

Nous allons travailler avec nos pays membres, en Afrique notamment, ainsi qu’avec les institutions partenaires, pour transformer la hausse de la demande de nourriture en une opportunité de progrès. Nous pouvons contribuer à l’émergence d’une « révolution verte » en Afrique subsaharienne, en soutenant les pays dans le développement de leur productivité sur l’ensemble de la chaîne de valeur agricole, et en aidant les petits exploitants agricoles à sortir du cycle de la pauvreté.

Nous doublerons pratiquement nos prêts pour l’agriculture en Afrique, les portant de 450 millions de dollars à 800 millions, et nous pouvons apporter une aide à la gestion des risques systémiques, comme les sécheresses, aussi bien au niveau des pays qu’au niveau des exploitants. Nous pouvons offrir un accès aux sciences et technologies favorisant l’augmentation des rendements. Grâce à la Société financière internationale, branche de la Banque mondiale pour le secteur privé, nous démultiplierons le soutien, sous forme de conseil et d’investissement, aux activités agricoles en Afrique et dans le monde.

Pour générer un impact maximal, il nous faudra intégrer et mobiliser les soutiens de tous nos partenaires, y compris la Fondation Gates, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Programme alimentaire mondial et le Fonds international pour le développement agricole, mais aussi les autres banques multilatérales de développement, les instituts de recherche agricole, les pays en développement disposant d’une grande expérience de l’agriculture, et les acteurs du secteur privé.

Une nouvelle donne pour la politique alimentaire mondiale contribuera à un développement durable et largement partagé. Elle profitera à tous, que ce soit dans les pays pauvres, dans les pays à revenus intermédiaires, ou dans les pays développés. Dans la lutte contre la pauvreté, les progrès de l’agriculture ont un impact trois fois plus important que ceux des autres secteurs. Environ 75 % des populations pauvres dans le monde sont des populations rurales, et la plupart vivent de l’agriculture. En collaboration avec nos partenaires, nous pouvons alléger le fardeau que les prix élevés de l’alimentation font peser sur les populations les plus vulnérables au niveau mondial.


Président de la Banque mondiale

Robert B. Zoellick

About GhjattaNera

prufessore di scienze economiche e suciale a u liceu san Paulu in Aiacciu

Category(s): ARTICLE DE PRESSE

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