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Faut-il sanctionner les chômeurs ?

Passant outre les partenaires sociaux, le gouvernement a décidé de légiférer pour sanctionner les chômeurs qui refuseraient une « offre valable d’emploi ». Sans prévoir les contreparties nécessaires.

Les partenaires sociaux vont ouvrir les négociations pour le renouvellement de la convention fixant les règles de l’assurance chômage, qui expire le 31 décembre prochain. Au menu, les conditions de l’indemnisation du chômage, sa durée et l’évolution de son montant. Du point de vue comptable, la situation est plutôt favorable: l’Unedic, qui gère l’assurance chômage au nom des partenaires sociaux, devrait afficher un excédent de 4,6 milliards d’euros en 2008. Cela devrait permettre, si cet excédent se reproduit comme attendu en 2009, de ramener à zéro les dettes accumulées dans les périodes de vaches maigres.

Comme à chaque renouvellement de la convention, une partie de bras de fer va s’engager entre patronat et syndicats. Le premier souhaite durcir les conditions d’accès à l’indemnisation, tandis que les syndicats réclament des droits élargis. Un troisième larron s’est mêlé de la partie cette fois-ci, en la personne du gouvernement: il a décidé d’imposer un nouveau système de sanctions pour les chômeurs en passant par-dessus la tête des partenaires sociaux. Un projet de loi devrait ainsi être présenté au Parlement dans les prochaines semaines, pour mise en application dès le 1er janvier prochain, quand verra le jour le nouveau service public de l’emploi, issu de la fusion ANPE-Assedic.

Une définition qui fait débat

Le coeur du débat porte sur la définition de ce qu’est une offre valable (ou raisonnable, selon la terminologie employée par le gouvernement) d’emploi, c’est-à-dire le type d’offre qu’un demandeur d’emploi ne peut refuser sauf à se voir privé de son indemnité. A priori, rien que de très logique dans l’idée qu’un chômeur indemnisé soit tenu d’accepter les offres qui lui sont faites: l’indemnisation n’est légitime que si les chômeurs ne sont pas payés à se tourner les pouces alors qu’il existe des emplois disponibles. Comme le répète à loisir le gouvernement, le haut niveau de protection sociale dont nous bénéficions suppose de ne tolérer parallèlement aucune fraude ou abus. C’est ainsi qu’on maintiendra la légitimité du système aux yeux de ceux qui le financent via leurs cotisations. On peut bien entendu penser que c’est plutôt en insistant sur des abus, en fait très réduits en nombre et en montant, qu’on affaiblit le système.

Mais l’important n’est pas là. Il est de savoir ce qui doit ou ne doit pas être considéré comme une offre qu’on ne peut refuser. Les agents du service public de l’emploi sont déjà aujourd’hui tenus de sanctionner le chômeur qui ne recherche pas activement un emploi ou qui se refuse à saisir les offres qui lui sont communiquées. S’ils ne le font que très rarement, c’est que les sanctions leur apparaissent souvent trop lourdes et les offres mal adaptées à la qualification des demandeurs d’emploi ou à leurs contraintes familiales ou de logement. Ou encore sont si mal rémunérées que les emplois concernés les contraindraient à voir leurs revenus fortement baisser par rapport à leur salaire antérieur… C’est pour sortir de cette situation que le gouvernement entend intervenir en imposant aux partenaires sociaux une définition claire de l’offre valable d’emploi.

Sur ces bases, la dernière version du projet gouvernemental impose aux demandeurs d’emploi de réduire leurs exigences au fil du temps (1). Durant les trois premiers mois de chômage, un demandeur d’emploi serait en droit de n’accepter que les emplois s’inscrivant dans son projet professionnel, rémunérés au niveau de son salaire antérieur et situés à proximité. Durant les trois mois suivants, il serait tenu d’accepter tout emploi « compatible » avec ses qualifications, dans la même zone géographique et rémunéré au moins à 95 % de son salaire antérieur. Après six mois, toute offre d’emploi compatible, même rémunérée à 85 % du salaire précédent, et dans un rayon impliquant jusqu’à deux heures de trajet quotidien devra être acceptée. Enfin, au-delà d’un an, l’exigence de rémunération minimale serait ramenée au niveau de l’allocation chômage, soit 57,4 % du salaire antérieur dans le cas général. Un couperet qui n’a rien d’anodin, quand on sait qu’en mars 2008, en dépit de la baisse du chômage observée depuis deux ans, 26 % des demandeurs d’emploi étaient au chômage depuis plus d’un an…

Qu’attend-on de ces nouvelles règles ? D’abord, une diminution des dépenses à la charge de l’assurance chômage. De quoi réduire à terme le montant des cotisations sociales versées à l’Unedic par les entreprises, et augmenter en contrepartie les cotisations d’assurance vieillesse, afin de répondre aux besoins de financement des retraites. Le tout sans accroître les charges qui pèsent sur les entreprises.

Le second résultat attendu est clairement d’augmenter la contrainte imposée aux salariés dans un contexte marqué, à en croire le gouvernement, par des tensions croissantes sur certains types d’emplois. Comme les générations qui entrent actuellement sur le marché du travail deviennent moins nombreuses que celles qui partent à la retraite, l’objectif gouvernemental est d’augmenter la main-d’oeuvre disponible par tous les moyens. La décision de mettre progressivement fin au dispositif de dispense de recherche d’emploi dont bénéficiaient jusqu’à présent les demandeurs d’emploi de 57 ans et plus poursuit le même objectif. Au final, l’enjeu est de permettre aux entreprises qui le souhaitent d’embaucher sans difficultés.

Philippe Frémeaux

Alternatives Economiques –  n°270 – Juin 2008

Notes(1)Voir Liaisons sociales, n° 15114, 7 mai 2008.

About GhjattaNera

prufessore di scienze economiche e suciale a u liceu san Paulu in Aiacciu

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