Premières ES la guerre des monnaies

un article du Monde

La guerre des monnaies menace le commerce mondial

LEMONDE | 21.10.10 | 15h21  •  Mis à jour le 21.10.10 | 15h22

Le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mervyn King, brandit la menace d’un « effondrement catastrophique de l’activité mondiale, comme dans les années 1930 ». Le premier ministre indien, Manmohan Singh, se dit « inquiet de la situation » et appelle, dans le Financial Times, à un esprit de consensus entre grandes puissances.

Les tensions croissantes sur le marché des changes peuvent-elles dégénérer au point de compromettre la reprise mondiale ? Le sujet dominera les débats des ministres des finances du G20, réunis vendredi 22 et samedi 23 octobre en Corée du Sud pour préparer le sommet de Séoul des 11 et 12 novembre. Partout dans le monde, les dirigeants s’inquiètent du risque de voir éclater une « guerre des monnaies » susceptible de se muer en guerre commerciale.

Une monnaie faible : un enjeu crucial. Les pays industrialisés connaissent une reprise poussive et un chômage élevé. Aux prises avec des déficits colossaux, ils manquent de marges de manoeuvre budgétaires pour soutenir l’activité. L’arme des taux de changes est alors tentante : une monnaie faible permet de doper les exportations en baissant le prix des produits vendus à l’étranger.

A l’inverse, « l’importation est l’ennemie absolue, car elle se substitue au travail du salarié local », souligne Jean-Hervé Lorenzi, professeur à Paris-Dauphine. Le Japon s’est inquiété, mercredi 20 octobre, de la vigueur du yen qui « détériore le climat des affaires », selon le vice-gouverneur de la Banque du Japon, Kiyohiko Nishimura.

Mais les pays émergents refusent de supporter une trop large part de l’ajustement monétaire. Même si la crise n’est plus, pour la plupart d’entre eux, qu’un lointain souvenir, tous restent soucieux de préserver les exportations, moteur de leur croissance.

Quelles armes pour dévaluer sa devise ? Les banques centrales peuvent tenter d’agir sur les cours en accumulant des réserves de change grâce à la vente de leur monnaie contre du dollar ou d’autres devises. C’est ainsi que procède la Chine, avec succès puisque cette politique est couplée à un contrôle des capitaux. C’est ce qu’a fait le Japon mi-septembre, avec un résultat très mitigé : difficile d’influencer un marché où s’échangent chaque jour 4 000 milliards de dollars.

Les Etats-Unis ont connu un succès plus net en annonçant la perspective d’un nouvel assouplissement monétaire. Depuis que la Réserve fédérale américaine (Fed) a averti qu’elle pourrait refaire tourner la planche à billets, le billet vert est en chute. « Son objectif n’est pas tant une baisse du dollar qu’une stimulation de la demande », fait remarquer Anton Brender, chez Dexia AM. Dans une moindre mesure, des pays émergents comme le Brésil ou la Thaïlande essaient de limiter l’afflux de capitaux spéculatifs – et donc l’appréciation de leur monnaie – en taxant les achats de titres par des investisseurs étrangers.

Des points de crispation multiples. La Chine et sa politique de taux de change sont au coeur des tensions. Le bras de fer sino-américain se durcit : Washington, relayé par Bruxelles, accuse Pékin de maintenir le yuan artificiellement bas. D’autres conflits ont émergé. Le Japon s’en est pris à la Corée du Sud, mi-octobre, l’accusant d’interventions pour faire baisser le won. Les pays industrialisés reprochent aux émergents de freiner l’appréciation naturelle de leurs devises. Au sein des économies avancées, l’Europe s’agace tout bas de voir les Etats-Unis laisser filer le dollar.

Le risque d’un retour au protectionnisme ? Une « guerre des monnaies »peut dégénérer en guerre commerciale. Pour protéger leurs produits et leurs emplois, les Etats puisent dans l’arsenal composé de droits de douane, contingents d’importation, réglementations techniques et subventions à l’export ou à la production.

En vain, comme l’a prouvé la loi américaine Hawley-Smoot du 17 juin 1930 qui augmenta, au début de la Grande Dépression, les droits de douane à l’import sur plus de 20 000 produits. Certes, les importations en provenance d’Europe en furent amputées de quelque 70 %, mais les exportations américaines vers l’Europe chutèrent en proportion, celle-ci ayant riposté.

Aujourd’hui, les argumentaires sont plus sophistiqués, en raison de l’existence de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui interdit l’unilatéralisme. C’est ainsi que la Chambre américaine des représentants vient d’adopter un projet de loi prévoyant des taxes à l’importation sur les produits chinois, la sous-évaluation du yuan constituant, selon elle, une subvention déguisée.

La réplique n’a pas tardé : la surtaxe à l’importation de 105 % infligée depuis le mois de janvier aux poulets américains jugés subventionnés par Pékin a été prorogée.

Pour l’instant, les rapports de l’OMC concluent à une quasi-innocuité des restrictions aux échanges et des distorsions de concurrence mises en place par ses membres, car elles n’affectent que 1 % des échanges mondiaux.

Mais Pascal Lamy, directeur général de l’OMC, commence à s’alarmer, et rappelle que ses membres ne peuvent espérer régler leurs déséquilibres macroéconomiques unilatéralement et par le biais du commerce. C’est ainsi qu’il a déclaré, mardi, à Genève : « L’Histoire nous jugera sévèrement si nos efforts collectifs pour juguler la crise économique sont contrariés par la recherche solitaire d’un gain à courte vue. »

Article paru dans l’édition du 22.10.10
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Le yuan, les Américains et nous<!–

Proin varius risus at est pellestesque ac mollis sem adipiscing et tralala pouet pouet

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Guillaume Duval | Article Web – 01 octobre 2010

La Chambre des représentants est montée une fois de plus au créneau contre la sous-évaluation du yuan, accusée de déséquilibrer le commerce international, entre une Chine qui exporte trop et des Etats-Unis incapables de freiner leur consommation. Pour que la Chine change réellement de modèle de développement, une pression extérieure est probablement indispensable, notamment de l’Union européenne.

Le 29 septembre dernier, la Chambre des représentants a adopté une loi autorisant le gouvernement américain à augmenter les droits de douane sur les produits chinois. Les élus américains ont en effet estimé que le taux de change du yuan était maintenu artificiellement bas par les autorités chinoises, ce qu’ils ont assimilé à une action de dumping. Ce vote marque une étape supplémentaire importante dans le bras de fer engagé depuis de longs mois déjà entre les Etats-Unis et la Chine, même si cette loi n’entrera pas en vigueur dans l’immédiat. Pour cela elle doit en effet encore être approuvée par le Sénat américain, ce qui ne sera vraisemblablement pas le cas avant les élections du 2 novembre prochain. Le déficit des échanges entre la Chine et l’Europe est devenu aussi important que celui entre les Etats-Unis et la Chine. Pourtant, contrairement à ce qui se passe outre-Atlantique, le silence des autorités européennes reste assourdissant sur cette question centrale pour le rétablissement des équilibres macroéconomiques mondiaux.

Depuis trente ans la Chine s’est développée à une vitesse impressionnante. Et tant mieux si le cinquième de l’humanité réussit enfin à sortir de la misère et de la pauvreté. Cela nous pose bien sûr des problèmes supplémentaires pour l’accès à des ressources rares présentes sur Terre en quantité limitée comme le pétrole ou le gaz, que nous avions pris la mauvaise habitude de monopoliser à notre seul usage. L’accès progressif de 1,3 milliard de Chinois à notre mode de vie, implique également une aggravation sensible des atteintes à l’environnement compte tenu des gaspillages qu’il entraîne. Il n’y a cependant sur ce plan aucune raison de reprocher quoi que ce soit au peuple chinois ni à ses dirigeants, même si le développement de l’économie chinoise rend plus urgente encore l’obligation, où nous étions de toute façon, de transformer de fond en comble notre mode de vie au cours des prochaines décennies.

Là où, en revanche, il est légitime de demander aux autorités chinoises de corriger le tir, c’est quand on constate que le développement de la production de l’empire du Milieu excède de plus en plus celui de la consommation chinoise. Ce qui se traduit par l’accumulation d’excédents extérieurs colossaux. Cet excès de production chinoise a en effet pour conséquence directe un recul de la production, et donc du chômage supplémentaire, dans les autres pays. Indirectement ces déséquilibres commerciaux ont aussi joué un rôle central dans la crise financière récente puisqu’ils sont la contrepartie en particulier de l’endettement croissant des ménages américains.

Les autorités chinoises promettent depuis plusieurs années déjà de rééquilibrer leur modèle de croissance au profit du développement du marché intérieur. Et c’est aussi une aspiration de plus en plus nette du peuple chinois lui-même, qui constate qu’il ne profite pas autant qu’il le devrait de l’impressionnant développement de la production chinoise. Pourtant, ce rééquilibrage progresse très lentement. Le plan de relance mis en œuvre en Chine en 2009 l’a même plutôt fait régresser puisqu’il a surtout consisté à relancer les industries exportatrices chinoises. Et cette difficulté n’est pas surprenante. Les Américains doivent apprendre à consommer moins et à épargner plus, tandis que les Chinois doivent consommer plus et épargner moins. Le chemin que les Américains doivent parcourir semble beaucoup plus difficile à suivre que celui que les Chinois doivent emprunter. Mais cette impression est trompeuse : en Chine, le lobby des industriels exportateurs est aujourd’hui très puissant. C’est dans ce secteur que les caciques du Parti se sont reconvertis et sont devenus milliardaires. Ils n’ont aucun intérêt à laisser le yuan se réévaluer ni les salaires de leurs employés augmenter. Et ils ont aujourd’hui encore les moyens politiques de s’y opposer dans un pays qui reste une dictature dirigée par une oligarchie n‘ayant plus de communiste que le nom.

Conclusion : pour que la Chine change réellement de modèle de développement, une pression extérieure est probablement indispensable. C’est elle qu’ont commencé à exercer les politiques américains. Une fois de plus, les responsables européens sont, en revanche, totalement absents de ce débat central pour l’avenir du monde : chaque dirigeant européen préfère faire, pour le compte des industriels de son pays, des risettes aux dirigeants chinois dans l’espoir de décrocher quelques contrats plutôt que de chercher à dégager une position commune au niveau de l’Union. Moyennant quoi, il n’est pas improbable que le bras de fer sino-américain se termine par un compromis sur le dos des Européens : la limitation progressive du déficit sino-américain étant compensée par une aggravation du déficit sino-européen… Un mouvement qu’on observe déjà ces dernières années.

Guillaume Duval | Article Web – 01 octobre 2010

 

 

Alain Faujas et Marie de Vergès

 

About GhjattaNera

prufessore di scienze economiche e suciale a u liceu san Paulu in Aiacciu

Category(s): ARTICLE DE PRESSE, COURS PREMIERE ES, monnaie
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