classe de première : le programme 1 le préambule

Enseignement spécifique

Préambule des programmes du cycle terminal

Après une approche exploratoire en classe de seconde, l’enseignement des sciences économiques et sociales dans le cycle terminal se fixe trois objectifs essentiels :

– permettre aux élèves de s’approprier progressivement les concepts, méthodes et problématiques essentiels de trois sciences sociales (la science économique, la sociologie et la science politique). Il s’agit donc ici de contribuer à la formation intellectuelle des élèves en développant l’apprentissage rigoureux de savoirs disciplinaires qui sont, pour l’essentiel, nouveaux pour eux ;

– préparer les élèves à la poursuite d’études post-baccalauréat et leur permettre de faire des choix éclairés d’orientation dans l’enseignement supérieur. Il existe en effet un vaste éventail de cursus dans lesquels la maîtrise de connaissances de base en sciences sociales constitue un indiscutable atout (classes préparatoires, formations universitaires d’économie et gestion, de droit, de sociologie, de LEA, instituts d’études politiques, instituts universitaires de technologie, etc.) ;

– contribuer à leur formation citoyenne grâce à la maîtrise de connaissances qui favorise la participation au débat public sur les grands enjeux économiques, sociaux et politiques.

Pour atteindre ces objectifs, l’enseignement des sciences économiques et sociales doit être mis en relation avec les autres disciplines scolaires étudiées par les élèves, notamment les mathématiques, l’histoire-géographie et, en terminale, la philosophie et s’inscrire dans une dimension européenne.

1. Une approche scientifique du monde social

Les sciences sociales, même si la question de leur spécificité par rapport aux sciences de la nature fait l’objet de débats, poursuivent indiscutablement une « visée scientifique ». Comme dans les autres sciences, il s’agit de rendre compte de façon rigoureuse de phénomènes soigneusement définis, de construire des indicateurs de mesure pertinents, de formuler des hypothèses et de les soumettre à l’épreuve de protocoles méthodologiques et de données empiriques. Les schèmes d’intelligibilité construits par les sciences sociales font ainsi l’objet d’un effort continu d’enrichissement au sein des communautés savantes. Ils conduisent, de ce fait même, à la production de connaissances au moins partiellement cumulatives. L’accent mis sur l’ambition scientifique des sciences sociales ne doit pas conduire cependant à un point de vue « scientiste ». L’activité scientifique ne consiste pas à construire un ensemble de dogmes ou de vérités définitives, mais à formuler des problèmes susceptibles d’être résolus par le recours au raisonnement théorique et à l’investigation empirique. Pour autant, la posture scientifique conduit à refuser le relativisme : tous les discours ne se valent pas et rien ne serait pire que de donner l’impression aux élèves que « les sciences sociales ne sont qu’une collection d’opinions contradictoires sur le monde, qui, au final, se valent toutes et donc ne permettent de fonder aucun savoir solide » (rapport de la commission présidée par Roger Guesnerie, professeur au Collège de France).

La démarche scientifique conduit, dans de nombreux cas, à une rupture avec le sens commun, à une remise en cause des idées reçues. Même si certaines démarches (notamment en sociologie) accordent une place importante aux discours et à l’expérience des acteurs, il n’en demeure pas moins que le chercheur dispose d’un ensemble de savoirs théoriques et méthodologiques lui permettant une prise de recul par rapport à la connaissance ordinaire du monde social.

Les sciences sociales ont recours, dans des proportions et selon des modalités variables en fonction des disciplines, à deux grands types de démarche : le modèle et l’enquête. Comme le souligne le rapport précité : « toute démarche relevant des sciences sociales s’appuie sur une modélisation ». Les modèles macroéconomiques, les modèles microéconomiques ou les types-idéaux, ne visent pas tant à décrire la réalité qu’à isoler certaines variables déterminantes et à accentuer unilatéralement certains aspects de la réalité afin de formuler des relations causales ou des interprétations heuristiques. L’enquête, quant à elle, repose sur la collecte de données (qualitatives ou quantitatives) à partir de la formulation d’une problématique et de l’identification d’un objet d’étude que l’on s’efforce de mieux comprendre et de mieux expliquer.

Comme les autres disciplines scientifiques, les sciences sociales articulent donc, selon des modalités variables, théorisation et investigations empiriques. Elles sont aussi caractérisées par une pluralité d’approches théoriques dont il faut montrer la logique interne, la fécondité et les limites, mais qu’il faut éviter d’opposer de façon simpliste.

Au total, partant de ces acquis scientifiques, l’enseignement des sciences économiques et sociales au lycée vise à former les élèves à une posture intellectuelle, celle du rationalisme critique et de la vigilance épistémologique. Il s’agit pour eux d’apprendre à porter un regard savant sur le monde social et par là de former leur esprit à prendre du recul par rapport aux discours médiatiques et au sens commun.

Cette posture intellectuelle constitue la meilleure contribution possible des sciences sociales à la formation citoyenne des élèves : comprendre le monde social de façon rationnelle permet de participer au débat public de façon éclairée.

2. Les disciplines et leur croisement

Si les sciences sociales ont en commun une ambition de connaissance scientifique du social et, dans une certaine mesure, une histoire commune, elles se caractérisent aussi par une spécialisation disciplinaire. La science économique, la sociologie et la science politique ont des modes d’approche distincts du monde social : elles construisent leurs objets d’étude à partir de points de vue différents, elles privilégient des méthodologies distinctes, des concepts et des modes de raisonnement qui leur sont propres. Même si les découpages disciplinaires sont susceptibles d’évolution, même si, au plan de la recherche, les travaux interdisciplinaires se multiplient et se révèlent féconds, il n’en demeure pas moins que les savoirs sont organisés en champs disciplinaires. Il importe donc de permettre aux élèves de prendre connaissance de cette réalité et de ce cadre épistémologique. L’approche disciplinaire a aussi le mérite de former les élèves à une posture parcimonieuse : il n’est pas possible d’embrasser d’emblée la réalité sociale dans sa totalité. On ne peut conduire des investigations scientifiques qu’en se limitant à un certain point de vue, en privilégiant une certaine méthodologie, en centrant son attention sur un objet circonscrit. Toute composante du monde social est susceptible d’être étudiée par diverses disciplines et, par exemple, l’entreprise étudiée par l’économiste n’est pas le même « objet » que l’entreprise du sociologue, du politiste, du psychologue social, etc. Les disciplines sont caractérisées par le point de vue qu’elles adoptent sur le monde, par les problématiques spécifiques qu’elles mobilisent, par les concepts et les méthodologies qu’elles mettent en œuvre, par les connaissances cumulatives qu’elles développent.

Il convient donc de permettre aux élèves de bien comprendre et de maîtriser « les outils conceptuels et analytiques propres à chaque discipline » avant de pouvoir croiser les regards sur un certain nombre d’objets d’étude communs et sans pour autant s’interdire de faire parfois référence à d’autres disciplines. 

3. Les apprentissages des élèves

L’approche scientifique, le primat accordé aux outils conceptuels et analytiques, permettent de circonscrire le programme et d’adopter une démarche de complexification progressive sur l’ensemble du cycle terminal. Ces objectifs d’apprentissage ambitieux ne peuvent être atteints que grâce à des démarches pédagogiques et didactiques qui engagent les élèves dans une authentique activité intellectuelle. Il faut pour cela donner du sens aux apprentissages en montrant comment les concepts et les outils permettent d’interpréter des situations concrètes. Il semble donc souhaitable de procéder, pour chaque question traitée, en deux temps : un temps de sensibilisation permettant de susciter la curiosité des élèves ; un temps d’analyse permettant de montrer comment la mobilisation de notions, outils et modes de raisonnement spécifiques à la discipline concernée permet d’accéder à une meilleure compréhension des phénomènes étudiés et d’apporter une réponse rigoureuse à la question.

On pourra ainsi, chaque fois que possible :

– partir d’énigmes, paradoxes, interrogations susceptibles de susciter la curiosité des élèves, en prenant appui, si nécessaire, sur des supports variés (jeux, comptes rendus d’enquêtes, documents iconographiques et audiovisuels, tableaux statistiques, graphiques, monographies, etc.) ;

– les amener à se poser des questions précises et à formuler, sur cette base, des hypothèses visant à résoudre le problème identifié ;

– leur proposer ensuite de mener des investigations (recherches documentaires, enquêtes, exercices, analyses de données statistiques, etc.) susceptibles de tester les hypothèses formulées ;

– enfin structurer les apprentissages réalisés afin de permettre aux élèves de se les approprier et de les mémoriser.

Cette démarche prendra en compte les représentations des élèves pour les enrichir et les dépasser ; c’est ainsi que les outils conceptuels, les théories et les méthodes propres à chaque discipline peuvent prendre davantage de sens pour les élèves.

Il s’agit, en diversifiant les dispositifs pédagogiques, d’articuler étroitement la présentation des problèmes, l’appréhension des enjeux, la compréhension des savoirs, la rigueur et la précision dans la mise en œuvre des démarches et dans l’appropriation des notions, outils, modes de raisonnement.

Pour ce faire, la formation méthodologique des élèves se révèle très importante : la collecte et le traitement de l’information, l’analyse de données diverses, la rédaction de synthèses, la formulation de problématiques, la construction d’argumentations rigoureuses, constituent autant de savoir-faire et capacités à acquérir et à mettre au service de la maîtrise des connaissances produites par les sciences sociales. Le recours aux techniques de l’information et de la communication se révèle, dans ce cadre, particulièrement précieux.

Le programme de sciences économiques et sociales a été conçu dans le cadre d’une perspective d’ensemble du cycle terminal et dans une logique d’approfondissement progressif de la première à la terminale : en première, l’étude des concepts, outils, démarches et méthodes de chaque discipline a été privilégiée ; les objets communs susceptibles de mobiliser les regards croisés, déjà présents en classe de première, prendront toute leur place en terminale.

Dans le cadre du programme, les professeurs exerceront leur liberté pédagogique, en particulier :

– pour organiser leur progression de cours sur l’ensemble de l’année scolaire ;

– pour articuler séances de cours et séances de travaux dirigés ;

– pour adapter leurs méthodes de travail à leurs élèves.

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En classe de première, en incluant les heures consacrées aux devoirs et à leurs corrigés, et en tenant compte des apprentissages à caractère méthodologique, le programme est conçu pour être traité en 170 heures environ (cours et travaux dirigés). Les indications horaires sont là pour signaler que les contenus sont nettement délimités et qu’il convient de respecter la répartition entre économie (90 heures), sociologie générale et sociologie politique (60 heures), regards croisés (20 heures). Les professeurs pourront choisir une répartition hebdomadaire entre les trois disciplines constitutives des sciences économiques et sociales, en consacrant par exemple 3 heures hebdomadaires à l’économie et 2 heures hebdomadaires à la sociologie et à la sociologie politique pendant 30 semaines et en étudiant les objets communs au moment qui leur semble opportun. Il est rappelé à ce propos qu’un programme ne constitue pas la programmation des activités des professeurs et des élèves. Le programme détermine ce que les élèves doivent avoir appris à la fin de l’année. Il appartient au professeur de choisir la progression adaptée à ses élèves : par exemple rien n’impose de traiter les regards croisés en fin d’année, ils peuvent être rapprochés dans le temps de l’étude des thèmes correspondants de sciences économiques et de sociologie. 

Démarches, savoirs et savoir-faire généraux pour le cycle terminal

Les professeurs pourront, dans le cadre de leur liberté pédagogique, présenter la démarche, les modes de raisonnement et les principaux concepts de chacune des trois disciplines à propos de l’un ou l’autre des thèmes étudiés au cours du cycle terminal.

La démarche de l’économiste

On montrera que l’analyse économique n’est pas définie par un ensemble d’objets mais par le type de questions qu’elle soulève et par les approches et les méthodes qu’elle utilise pour y répondre, tant au niveau de l’acteur individuel (individu, entreprise) qu’au niveau de la société et des choix collectifs. On mettra l’accent sur le raisonnement coût-bénéfice qui est au coeur de l’analyse économique, et sur la nécessité des choix, dans le présent et dans le temps, que l’on s’intéresse aux choix des acteurs individuels ou aux choix collectifs. On insistera sur le caractère extensif de la notion de rationalité qui sous-tend le raisonnement économique, en évoquant la diversité des motivations et donc des satisfactions, ce qui interdit de juger, de l’extérieur, de la rationalité des actions observées. On montrera qu’elle n’exclut pas les déséquilibres, notamment macroéconomiques, et que la répartition des revenus et des richesses résulte de l’interaction entre le fonctionnement des institutions marchandes et l’action des pouvoirs publics. Les analyses micro et macroéconomiques permettront d’initier les élèves à la pluralité des approches et à la démarche de modélisation, puis de validation-infirmation des hypothèses, en s’appuyant sur des tableaux de données statistiques, des séries de graphiques, et en menant des comparaisons internationales.

– Notions : rareté, choix individuels et collectifs, incitations et contraintes, coût d’opportunité, modèle.

La démarche du sociologue

On mettra en évidence les apports de la sociologie par rapport à la connaissance intuitive du monde social en confrontant les représentations véhiculées par le sens commun et les résultats établis par les enquêtes sociologiques. On montrera comment le regard sociologique – entre engagement et distanciation – permet d’objectiver les pratiques sociales et d’expliquer des phénomènes sociaux a priori énigmatiques ou paradoxaux. On distinguera soigneusement l’existence d’un problème social de la construction d’un problème sociologique. On initiera les élèves au raisonnement sociologique en montrant qu’il prend en compte à la fois le poids des déterminismes sociaux et le jeu des acteurs. On familiarisera les élèves avec différentes formes d’enquêtes sociologiques (observation ethnographique ou participante, entretiens, enquêtes par questionnaire) et on leur montrera l’intérêt de combiner méthodes quantitatives et méthodes qualitatives.

– Notions : opinion, prénotion, objectivation, fait social, action sociale.

La démarche du politiste

On initiera les élèves au mode de raisonnement de la sociologie politique (rupture avec le sens commun, vigilance épistémologique, méthodologie quantitative et qualitative, etc.). Une attention particulière sera accordée à la question du repérage, tant historique qu’institutionnel, du « politique ». On évitera de donner une définition arbitraire du mot « politique » pour tirer parti de l’élasticité sémantique du terme. Enfin, on présentera trois catégories fondamentales de l’analyse politique en insistant d’abord sur les spécificités de la relation de pouvoir politique (territorialisation, monopole de la violence, institutionnalisation bureaucratique) pour aborder ensuite la question de la domination et de sa légitimation. Un regard comparatif, dans le temps comme dans l’espace, permettra de rendre attractive cette présentation.

– Notions : la/le politique, pouvoir, domination, légitimation.

 

 

About GhjattaNera

prufessore di scienze economiche e suciale a u liceu san Paulu in Aiacciu

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