destruction créatrice JA Schumpeter …EDS

un articleassez ancien d’Elie Cohen à retrouver là 

« L’impulsion fondamentale qui met en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d’organisation industrielle… un même processus de mutation industrielle révolutionne incessamment de l’intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs. Ce processus de destruction créatrice … » Capitalisme, socialisme et démocratie Payot 190 pp 116

 

En ces temps de krach de la « Nouvelle Economie » il est rafraîchissant de relire Schumpeter, économiste de l’innovation mais aussi des cycles, théoricien du capitalisme mais aussi analyste subtil des marchés imparfaits, praticien de l’économie mais aussi observateur inquiet du devenir des démocraties. Pour qui prend la peine de le lire encore, tout devient lumineux : les ressorts de la croissance comme ceux de son épuisement, le rôle de l’entrepreneur comme la montée de la grande organisation, les mécanismes atemporels du marché comme leur inscription dans une histoire et une géographie.

 

En critiquant le « circuit stationnaire » de Walras et en se donnant pour programme explicite la recherche des lois du changement, Schumpeter produit une théorie de la dynamique économique. C’est l’entrepreneur qui enclenche la dynamique de la « destruction créatrice » et met en branle le changement social. En état stationnaire, le profit est impossible, or l’entrepreneur est celui qui, par l’innovation, cherche le profit. Pour financer l’investissement, les banques prêtent à l’entrepreneur et créent à cet effet une monnaie gagée sur des résultats futurs. Ainsi le capital se forme, il est rémunéré par l’intérêt sur les emprunts. Au total le profit dégagé après paiements des intérêts est la rémunération du risque pris.

 

Schumpeter n’aurait guère été dépaysé par nos débats récents sur la « Nouvelle économie », il aurait vu dans le foisonnement technologique des réseaux, des mobiles, des bio-technologies une de ces grappes d’innovations qui sont à l’origine d’un changement de paradigme technique, source d’une nouvelle vague de gains de productivité et donc de croissance. Il aurait reconnu la figure familière de l’entrepreneur chez les jeunes gens pressés de l’internet, et chez les « venture capitalistes » les innovateurs financiers des temps nouveaux. Comme théoricien des cycles, il n’aurait guère adhéré aux discours sur la croissance continue sans retournements, ni crises . Comme théoricien de notre modernité, il aurait fait merveille. Dans les sociétés modernes, écrivait-il, la recherche du profit par l’innovation est limitée par la logique de la démocratie et contrée par les passions idéologiques. Rien n’est donc jamais acquis, ni l’économie ouverte, ni la responsabilité de l’entrepreneur, ni la bénévolence du pouvoir politique. Là aussi le mouvement anti-mondialisation sonne comme un rappel aux réalités. La contestation de l’ouverture économique au nom de la préservation des différences, la dénonciation des autorités de régulation qu’il s’agisse du FMI, de l’OMC, ou de l’Union Européenne au nom de la souveraineté, de la préservation de la planète ou de la défense des pauvres peut si l’on n’y prend garde réhabiliter le protectionnisme.

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un cours lui aussi ancien mais encore opérationnel

Les médias présentent journellement la compétition entre nations comme un problème de compétitivité. Les exemples allemand et japonais montrent que la qualité des produits, leur aspect novateur sont des éléments importants. Ce faisant, on introduit le rôle fondamental de la recherche pure, donnant naissance aux inventions, et de la mise sur le marché de ces produits, c’est à dire l’innovation.

Ainsi, on réaffirme l’actualité de l’analyse de J.A. Schumpeter (1883-1950). Cet économiste américain d’origine autrichienne, tout en étant libéral, emprunte à plusieurs écoles, ce qui en fait un “ inclassable ”. Sa pensée n’est pas réductrice : il intègre l’histoire économique et sociale, ainsi que des éléments sociologiques.

Ouvrages principaux : “ théorie de l’évolution économique ” (1912), “ business cycles ” (1939), “ capitalisme, socialisme et démocratie ” (1942), “ histoire de l’analyse économique ” (1954). Par rapport au libéralisme « standard », il s’intéresse à la croissance à long terme et réfute ainsi l’idée d’une tendance longue vers l’état stationnaire. Comme « hétérodoxe », il n’hésite pas à faire référence à Marx, et intègre dans ses travaux des études sociales et politiques.

 

I L’analyse schumpeterienne de la croissance.

(1) La théorie des cycles.

a) Principes.

La théorie de Schumpeter s’inscrit dans la même démarche que celle vulgarisée à partir des travaux de l’économiste soviétique Kondratiev. Ce dernier a tenté de démontrer l’existence de cycles longs du capitalisme (ondes longues / long waves). Un cycle se définit par l’enchaînement mécanique récurrent suivant : expansion / crise / dépression / reprise. On repère une phase d’expansion à l’accroissement durable de la production ou des prix (et inversement). La durée moyenne de tels cycles serait de 50 ans. Ils seraient récurrents, d’où le nom de cycles. Cela donnerait au capitalisme un caractère non stationnaire (remise en cause de la thèse libérale), et non déterminé (remise en cause de la thèse marxiste). Sous forme de schéma :

b) L’apport de Schumpeter.

Schumpeter lui-même a des difficultés à faire apparaître clairement ces cycles ; la lecture de « capitalisme, socialisme et démocratie »(1942) indique qu’il reconnaît les cycles suivants :
Note de lecture : selon Schumpeter, une crise majeure a eu lieu en 1857, mettant fin à une phase d’expansion longue commencée entre 1840 et 1850 ; la dépression dura selon lui jusqu’en 1897.
Les auteurs contemporains cherchent à leur tour à mettre en évidence des « cycles » d’inventions et d’innovations qui pourraient « coller » au schéma schumpeterien. Ainsi, l’Expansion, dans un numéro fameux de 1983, sous la plume de Ph. Lefournier, proposait le diagramme suivant :

source : Philippe Lefournier, « la fin d’un monde », dans deux siècles de révolution industrielle, Hachette-L’Expansion 1983

Note de lecture : on comptait 17 innovations fondamentales vers 1890, et 8 inventions fondamentales vers 1900.

Le graphique montre évidemment des cycles, caractérisés par des «pics», comme par exemple en 1890, pour les innovations. On compte environ 50 ans entre ces sommets, ce qui confirmerait la périodicité de Kondratiev/Schumpeter.

On peut, avec certaines précautions, admettre l’existence d’un lien entre l’innovation et le rythme de la croissance. Tout se passe comme si les inventions atteignaient leur maximum au cours des phases de dépression. Préparées durant la phase B du cycle, elles suscitent alors une nouvelle phase d’expansion. Ce lien a été désigné par certains auteurs comme une révolution technologique* = innovation exerçant des effets d’entraînement si importants qu’elle remodèle l’ensemble du système productif, l’organisation du travail, les rapports sociaux et les modèles socioculturels. Ch. Stoffaës distingue cinq «révolutions industrielles».

périodes 1789-1849 1849-1896 1896-1945 1945-1995 1995-2025
cycles du … textile-charbon sidérurgie-chemins de fer automobile-électricité pétrole, chimie, aéronautique informatique, bio-technologies

Remarquons encore une fois que les périodes mises en évidence changent au gré des auteurs …

 

(2) La dynamique du capitalisme selon Schumpeter : la « destruction créatrice ».

La destruction créatrice est, selon Schumpeter, le processus par lequel des entreprises nouvelles, fondées sur des innovations, se substituent à des entreprises vieillies et routinières, ce qui provoque une disparition des firmes et branches anciennes, donc une « destruction », mais aussi l’apparition de nouveaux secteurs porteurs, la « création ».
Elle a des effets ambivalents :

– elle a des effets dépressifs : la concurrence accrue pour les entreprises vieillies conduisant aux restructurations, au désinvestissement, au chômage.

– mais elle a également des effets expansifs : investissements forts et créations d’emplois dans les activités nouvelles, développement économique grâce à l’élévation du niveau de vie.

Démonstration :

· phase d’expansion :

en phase d’expansion, les innovations majeures permettent à ceux qui les maîtrisent de disposer d’un monopole temporaire => superprofits dans la branche innovante => attraction d’investisseurs attirés par ces profits => effets d’entraînement amont-aval ( plus de commandes aux autres secteurs, par exemple) => plus d’investissements => accélération croissance économique => créations d’emplois, surchauffe (la demande est trop forte hausse prix, hausse TXI car trop d’investissements à financer) => dégradation de la rentabilité des activités nouvelles.

· Phase de dépression:

saturation marché des innovations + destruction des activités anciennes => baisse des profits dans les secteurs innovants, restructurations dans les secteurs vieillis => désinvestissements, licenciements, restructurations => recul de l’activité => baisse Demande => dégradation de la conjoncture, baisse prix, baisse des TXI => capitaux disponibles pour financer les prochaines innovations (on retrouve le constat empirique du § précédent, à savoir la montée des inventions durant la phase B).

(3) Le problème de la discontinuité des innovations.

Pour Schumpeter, les innovations n’apparaissent pas de manière continue, mais en « grappes ». Une grappe d’innovations : apparition dans un cours laps de temps d’un ensemble d’innovations complémentaires, exerçant un effet d’entraînement sur l’économie. Exemple : fin XIX ème siècle, le moteur à explosion, l’industrie pétrolière, le macadam, etc … Cette simultanéité résulte des effets d’entraînement que les entrepreneurs exercent les uns sur les autres. Elle est indispensable pour créer des déséquilibres dans l’économie, amenant de nouveaux ajustements. Si les innovations apparaissaient de manière continue, leurs effets seraient absorbés par le système, donc très atténués.  Si les innovations apparaissent en grappes, elles provoquent l’apparition de goulets d’étranglement nécessitant de remodeler le système technique. De plus, leur impact sur l’investissement devient suffisamment fort pour permettre aux entrepreneurs de réaliser des super-profits et concurrencer des branches anciennes, précipitant leur destruction et, partant, le remodelage de l’économie. Au contraire, une innovation à rythme continu s’apparenterait à une innovation incrémentale, qui, par exemple, ne bouleverse qu’à la marge les comportements, et n’engendre pas un renouvellement des techniques productives. Exemple : four à micro-ondes.

On peut mettre en avant une explication « sociologique » de cette discontinuité : on retrouve la conception de Schumpeter selon laquelle les entrepreneurs forment une élite, capable de faire preuve de suffisamment de force de caractère pour vaincre la routine. Il leur faut donc d’abord briser des obstacles, vaincre des résistances inutiles avant de pouvoir imposer leurs idées (cf. Marcel Dassault et le Mirage I voulu par l’Armée de l’Air, absurdité technique, et M. Dassault imposant tout seul son concept de Mirage III, réussite absolue).

De même, il existe aussi une explication technique : même celui qui a des idées nouvelles ne peut pas toujours les mettre en pratique si le reste du système technique n’atteint pas un niveau suffisant : la vapeur sous l’antiquité, le fardier de Cugnot, la voiture à explosion de Lenoir … Ainsi, l’apparition d’innovations viables n’est possible que lorsque le système technique s’est ajusté, c’est à dire à la suite de la mise en place d’un ensemble de techniques interdépendantes et complémentaires.

II L’analyse schumpeterienne de l’innovation.

(1) Une sociologie de l’entrepreneur.

Schumpeter essaye de magnifier le rôle de l’entrepreneur. Il le définit comme celui qui a assez de force pour introduire une innovation dans l’économie. Ex: Ford ou Citroën introduisant le travail à la chaîne. Malheureusement, l’immense majorité des dirigeants de firmes ne sont que des gestionnaires : comptables, financiers, ingénieurs de production. Ils ne font qu’appliquer de manière routinière des techniques apprises. Au total, Schumpeter montre que l’entrepreneur est un être isolé qui doit lutter contre le goût pour la routine et la tendance au bureaucratisme. Ces êtres, peu nombreux, capables de parvenir à leurs fins, forment ainsi une sorte d’élite (thèse de 1912).

(2) Sa conception de l’innovation.
Pour Schumpeter, une innovation va bien au delà du simple aspect technique. Il distingue en effet cinq types d’innovations :

– procédés de fabrication nouveaux

– innovations de produits

– innovations dans l’organisation

– innovations de marchés

– innovations dans les sources d’approvisionnement.

Exemples : voici quelques faits contemporains, correspondent-t-ils à des innovations au sens de Schumpeter ?

OUI NON Justification
mise sur le marché du DVD X nouveau produit
mise en évidence du génome humain X invention pas encore commercialisée
tunnel sous la Manche. X nouveau produit
maïs transgénique X nouveau produit
exploration de Mars par un robot X sciences pures
nouveau packaging pour Pepsi-Cola X c’est une innovation « incrémentale »

 

(3) Une vision critique de la concurrence.

Schumpeter est réservé sur la Concurrence Pure et Parfaite(CPP). En effet, il sait que l’innovation est certes le moteur de la croissance, mais c’est en même temps un acte risqué. Pour accepter cette prise de risque, l’innovateur doit pouvoir compter sur du temps pour imposer ses idées, ce qui va à l’encontre d’une concurrence trop forte. Il doit être « rassuré » en pouvant compter sur un certain flux de recettes lui permettant de rentabiliser sa « mise de fond » initiale. C’est dans ces conditions que Schumpeter est un défenseur de la concurrence monopolistique et des oligopoles. Ceux-ci permettent d’éviter une concurrence « sauvage » et une lutte trop dure portant uniquement sur les prix et les coûts de production.

Pourquoi ? Ces formes de marché  non ou moins concurrentielles permettent de réaliser des superprofits. Ceux-ci permettent aux firmes innovatrices de bénéficier de rentes de situation (vendent à un prix supérieur à celui qui prévaudrait en CPP ; exemples contemporains : Microsoft avec Windows, la SNCF pour le TGV …Smilie: ;). Elles dégagent alors des capitaux pour financer leurs investissements, ce dont bénéficie alors l’ensemble de l’économie.

Mais ce tableau n’est pas idéal : quand la concurrence est insuffisante, on observe

– une hausse des prix défavorables aux consommateurs (cf. le pseudo marché français de la téléphonie mobile)

– risque de sclérose des entreprises avec le développement du bureaucratisme, freinant à terme la capacité d’innovation (IBM au début des années 1980 : la firme crée le PC, concept qui va lui échapper par manque de réactivité et erreurs stratégiques, à cause de sa « culture » de vente de gros systèmes à des clients plus ou moins captifs).

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et pour les élèves suivant l’enseignement de spécialité un cours ..qui leur permettra de faire les exercices sur ce chapitre d’EDS

 

 

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Paradoxe de Solow

Dès 1987, le prix Nobel Robert Solow [...] constatait que « l'âge de l'ordinateur est arrivé partout, sauf dans les statistiques de la
productivité ».En effet, alors que la diffusion des technologies dans les entreprises aurait dû accroître la productivité du travail, les
indices de productivité stagnaient. Depuis, l'évolution a été assez faible: de 1992 à 1995, la productivité a augmenté seulement de 1 %
aux États-Unis, et de 2,1 % l'an de 1996 à 1998 (elle était de 3 % dans les années 60). Une révolution technologique qui n'améliore pas le
rendement du travail, voilà un mystère…
On explique aujourd'hui ce paradoxe par plusieurs arguments. Certains contestent simplement les instruments de mesure officiels; pour
d'autres, les NTIC ont initialement une faible productivité (à cause d'effet d'apprentissage, de coûts d'organisation) ; d'autres encore
soulignent que le paradoxe de Solow date de 1987 et que depuis, la productivité a beaucoup augmenté.
Les appréciations globales sont cependant à nuancer, tant les différences de productivité sont énormes selon les branches. Dans
certains domaines, comme les transports ou les banques, les gains de productivité sont très importants. Dans le commerce de détail, par
contre, ils sont faibles.
On comprend pourquoi: l'ordinateur et Internet ont révolutionné le travail dans la gestion des billets de train ou d'un compte bancaire.
Pour le marchand de légumes, ils n'ont eu qu'un faible impact. Et comme le secteur du commerce de détail emploie beaucoup de maind'oeuvre,
cela fait baisser la moyenne globale.
Jean -François DORTIER, Sciences humaines, Hors série n° 28, 2000.

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voyage en Pologne 2011-2012

Vous trouverez sur cette page beaucoup de liens qui même si ils sont anciens ne sont point obsolètes

Vous pouvez faire partager ce que vous trouverez en mettant des commentaires aussi bien là que sur le blog de Monsier Grimaldi d’Esdra 

 

 

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les pôles de compétitivité en France

Vous trouverez sous ce lien l’ensemble des pôles de compétitivité en France 

aucun chez nous ..Normal..?

 

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Protégé : corrigé du dossier 3 chp intro

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une emission de radio sur la main invisible de Smith

là une emission de philo sur un sujet de SES 

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Développement ne rime pas forcément avec croissance (TES)

Développement ne rime pas forcément avec croissance 

Doctrine officielle des organisations internationales, le développement, même « durable », est assimilé par certains économistes à la croissance et à ses dégâts. Or n’est-ce pas plutôt à une dissociation des deux qu’il faut travailler ? En effet, le mot d’ordre de décroissance ne peut s’appliquer, à la fois, aux pays pauvres démunis de l’essentiel et aux pays riches. Ce débat, qui traverse aussi le mouvement altermondialiste, ramène à une nécessaire critique des rapports sociaux.

Par JEAN-MARIE HARRIBEY

Maître de conférences à l’université Bordeaux-IV, membre du conseil scientifique d’Attac, coordonnateur du livre d’Attac Le Développement a-t-il un avenir ? Pour une société solidaire et économe, Mille et une nuits, Paris, 2004, et auteur de La Démence sénile du capital, fragments d’économie critique, Le Passant, Bègles, 2002. Voir son site Internet.

Le « développement durable » ou « soutenable », doctrine officielle des Nations unies, est censé assurer le bien-être des générations présentes sans compromettre celui des générations futures  (1). C’est une bouée de sauvetage à laquelle se raccrochent les gouvernements fervents partisans et pourvoyeurs de l’agriculture intensive, les chefs d’entreprises multinationales gaspillant les ressources, déversant sans vergogne leurs déchets et affrétant des bateaux-poubelles, les organisations non gouvernementales ne sachant plus que faire et les économistes pris en flagrant délit d’ignorance des contraintes naturelles.

Pourtant, le programme du développement durable est entaché d’un vice fondamental : la poursuite d’une croissance économique infinie est supposée compatible avec le maintien des équilibres naturels et la résolution des problèmes sociaux. « Ce dont nous avons besoin, c’est d’une nouvelle ère de croissance, une croissance vigoureuse et, en même temps, socialement et “environnementalement” soutenable  (2 », énonçait le rapport Brundtland. Or ce postulat est fondé sur deux affirmations très fragiles.

La première est d’ordre écologique : la croissance pourrait se poursuivre parce que la quantité de ressources naturelles requise par unité produite diminue avec le progrès technique. On pourrait donc produire toujours davantage avec moins de matières premières et d’énergie. Or la baisse de l’intensité en ressources naturelles est malheureusement plus que compensée par l’augmentation générale de la production ; la ponction sur les ressources et la pollution continuent ainsi d’augmenter, comme le reconnaît le rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) : « Partout dans le monde, les processus de production sont devenus plus économes en énergie (…Smilie: ;). Cependant, vu l’augmentation des volumes produits, ces progrès sont nettement insuffisants pour réduire les émissions de dioxyde de carbone à l’échelle mondiale (3). »

Et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) s’alarme du ralentissement des progrès accomplis en matière d’intensité énergétique (4) : entre 1973 et 1982, cette dernière avait diminué en moyenne de 2,5 % par an dans les pays représentés au sein de l’AIE, puis seulement de 1,5 % par an de 1983 à 1990 et de 0,7 % par an depuis 1991 (5).

Une faille dans le discours officiel

La seconde affirmation contestable se situe sur le plan social : la croissance économique serait capable de réduire la pauvreté et les inégalités et de renforcer la cohésion sociale. Or la croissance capitaliste est nécessairement inégale, destructrice autant que créatrice, se nourrissant des inégalités pour susciter sans cesse des frustrations et des besoins nouveaux. Depuis quarante ans, malgré l’accroissement considérable de la richesse produite dans le monde, les inégalités ont explosé : l’écart entre les 20 % les plus pauvres et les 20 % les plus riches était de 1 à 30 en 1960, il est aujourd’hui de 1 à 80. Cela n’est pas surprenant : le passage à un régime d’accumulation financière provoque un chamboulement des mécanismes de répartition de la valeur produite. L’élévation des exigences de rémunération des classes capitalistes, notamment par le biais de la hausse des dividendes, condamne la part de la valeur ajoutée attribuée aux salariés à décroître, tant sous forme de salaires directs que de prestations sociales.

La Banque mondiale elle-même avoue que l’objectif de division par deux du nombre de personnes vivant dans la pauvreté absolue d’ici à 2015 ne sera pas atteint (6) : plus de 1,1 milliard vivent encore avec moins d’un dollar par jour. Le dernier rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) établit que les pays pauvres les moins ouverts à la mondialisation sont ceux qui ont le plus progressé en termes de revenu par habitant, au contraire des pays les plus ouverts (7).

L’incapacité à penser l’avenir en dehors du paradigme de la croissance économique permanente constitue sans doute la faille principale du discours officiel sur le développement durable. En dépit de ses dégâts sociaux et écologiques, la croissance, de laquelle aucun responsable politique ou économique ne veut dissocier le développement, fonctionne comme une drogue dure. Lorsqu’elle est forte, on entretient l’illusion qu’elle peut résoudre les problèmes – qu’elle a fait naître pour une grande part – et que plus forte est la dose, mieux le corps social se portera. Lorsqu’elle est faible, le manque apparaît et se révèle d’autant plus douloureux qu’aucune désintoxication n’a été prévue.

Aussi, derrière l’« anémie » actuelle de la croissance se cache l’« anomie »  (8) grandissante dans les sociétés minées par le capitalisme libéral. Celui-ci se montre incapable d’indiquer un sens à la vie en société autre que le consumérisme, le gaspillage, l’accaparement des ressources naturelles et des revenus issus de l’activité économique, et, en fin de compte, l’augmentation des inégalités. Prémonitoire était le premier chapitre du Capital de Marx critiquant la marchandise : la croissance devient ce nouvel opium des peuples dont les repères culturels et les solidarités sont brisés pour qu’ils sombrent dans le gouffre sans fond de la marchandisation.

Le dogme dominant est traduit par Jacques Attali qui, bon prophète, croit déceler au début de l’année 2004 « un agenda de croissance fabuleux » que seuls « des aléas non économiques, par exemple une résurgence du SRAS  (9 » seraient susceptibles de faire échouer. Pour tous les idéologues aveugles de la croissance, l’écologie, c’est-à-dire la prise en compte des relations de l’être humain et de la nature, n’existe pas : l’activité économique s’effectue in abstracto, en dehors de la biosphère.

C’est faire peu de cas du caractère entropique (10) des activités économiques. Bien que la Terre soit un système ouvert recevant l’énergie solaire, elle forme un ensemble à l’intérieur duquel l’homme ne peut dépasser les limites de ses ressources et de son espace. Or l’« empreinte écologique » – la surface nécessaire pour accueillir toutes les activités humaines sans détruire les équilibres écologiques – atteint déjà 120 % de la planète et, compte tenu des disparités de développement, il faudrait quatre ou cinq planètes si toute la population mondiale consommait et déversait autant de déchets que les habitants des Etats-Unis  (11).

Dans ces conditions, l’idée de « décroissance » lancée par Nicholas Georgescu-Roegen (12) trouve un écho favorable au sein d’une partie des écologistes et des altermondialistes. Poussant la démarche théorique, certains auteurs adjurent de renoncer au développement, celui-ci ne pouvant selon eux être dissocié d’une croissance mortifère. Ils récusent tout qualificatif qui viserait à réhabiliter le développement que nous connaissons – qu’il soit humain, durable ou soutenable – puisqu’il ne peut être autrement que ce qu’il a été, à savoir le vecteur de la domination occidentale sur le monde. Ainsi Gilbert Rist dénonce-t-il le développement comme un « mot fétiche (13 » et Serge Latouche le développement durable comme un« oxymoron (14) ». Pourquoi, alors que nous critiquons comme eux le productivisme impliqué par le règne de la production marchande, leur refus du développement ne nous convainc-t-il pas ?

Sur le plan politique, il n’est pas juste d’ordonner uniformément la décroissance à ceux qui regorgent de tout et à ceux qui manquent de l’essentiel. Les populations pauvres ont droit à un temps de croissance économique, et l’idée que l’extrême pauvreté renvoie à une simple projection des valeurs occidentales ou à un pur imaginaire est irrecevable. Il faudra bâtir des écoles pour supprimer l’analphabétisme, des centres de soins pour permettre à toutes les populations de se soigner et des réseaux pour amener l’eau potable partout et pour tous.

Il est donc parfaitement légitime de continuer à appeler développement la possibilité pour tous les habitants de la Terre d’accéder à l’eau potable, à une alimentation équilibrée, aux soins, à l’éducation et à la démocratie. Définir les besoins essentiels comme des droits universels n’équivaut pas à avaliser la domination de la culture occidentale ni à adhérer à la croyance libérale en des droits naturels comme celui de la propriété privée. Les droits universels sont une construction sociale qui résulte d’un projet d’émancipation permettant à un nouvel imaginaire de s’installer sans que celui-ci se réduise à « l’imaginaire universaliste des “droits naturels” »critiqué par Cornelius Castoriadis (15).

D’autre part, il n’est pas raisonnable d’opposer à la croissance économique, élevée au rang d’objectif en soi par le capitalisme, la décroissance, elle-même érigée en objectif en soi par les anti-développementistes (16). Avec deux écueils symétriques : la croissance fait tendre la production vers l’infini et la décroissance ne peut que la faire tendre vers zéro si aucune borne n’est mise.

Le principal théoricien en France de la décroissance, Serge Latouche, semble en être conscient lorsqu’il écrit : « Le mot d’ordre de décroissance a surtout pour objet de marquer fortement l’abandon de l’objectif insensé de la croissance pour la croissance, objectif dont le moteur n’est autre que la recherche effrénée du profit pour les détenteurs du capital. Bien évidemment, il ne vise pas au renversement caricatural qui consisterait à prôner la décroissance pour la décroissance. En particulier, la décroissance n’est pas la “croissance négative”, expression antinomique et absurde qui traduit bien la domination de l’imaginaire de la croissance (17). »

Or que signifierait une décroissance qui ne serait pas une diminution de la production ? Serge Latouche tente de s’extraire de ce piège en disant vouloir « sortir de l’économie de croissance et entrer dans une “société de décroissance” ». La production continuerait-elle de croître ? On ne comprendrait plus alors le mot de décroissance. Ou bien serait-elle maîtrisée, auquel cas le désaccord s’estomperait ? D’ailleurs, Serge Latouche finit par convenir que ce mot d’ordre de décroissance pour tous les Terriens est inadéquat : « En ce qui concerne les sociétés du Sud, cet objectif n’est pas vraiment à l’ordre du jour : même si elles sont traversées par l’idéologie de la croissance, ce ne sont pas vraiment pour la plupart des “sociétés de croissance” (18). » Subsiste une terrible ambiguïté : les populations pauvres peuvent-elles accroître leur production ou bien les sociétés de « non-croissance » doivent-elles rester pauvres ?

Eloge sans nuances de l’économie informelle

Les antidéveloppementistes attribuent l’échec des stratégies du développement au vice, supposé fondamental, de tout développement et jamais aux rapports de forces sociaux qui, par exemple, empêchent les paysans d’avoir accès à la terre en raison de structures foncières inégalitaires. D’où l’éloge sans nuance de l’économie informelle en oubliant que cette dernière vit souvent sur les restes de l’économie officielle. Et d’où la définition de la sortie du développement comme une sortie de l’économie, parce que celle-ci ne pourrait être différente de celle qu’a construite le capitalisme. La rationalité de l’« économie », au sens où l’on économise les efforts de l’homme au travail et les ressources naturelles utilisées pour produire, est mise sur le même plan que la rationalité de la rentabilité, c’est-à-dire du profit. Et toute amélioration de la productivité du travail se trouve assimilée à du productivisme.

En bref, il nous est dit que la chose économique n’existerait pas en dehors de l’imaginaire occidental qui l’a créée, au prétexte que certaines cultures ne connaissent pas les mots « économie », « développement », dont l’usage nous est familier. Mais si les mots n’y sont pas, la réalité matérielle, c’est-à-dire la production des moyens d’existence, est bien là. La production est une catégorie anthropologique, même si le cadre et les rapports dans lesquels elle est réalisée sont sociaux. Il résulte de cette confusion – qui revient à refaire du capitalisme une donnée universelle et non historique, rappelant curieusement le dogme libéral – une incapacité à penser simultanément la critique du productivisme et celle du capitalisme : seule la première est menée, mais sans qu’elle soit rattachée à celle des rapports sociaux dominants. Vouloir donc « sortir de l’économie (19) » tout en prétendant réenchasser « l’économique dans le social (20) » est pour le moins curieux.

Sur le plan théorique, soit on considère qu’une différence existe entre croissance et développement, soit on voit dans les deux phénomènes une même logique d’extension perpétuelle conduisant à l’impasse. La seconde position est aisément identifiable : c’est celle des partisans de la décroissance, qui sont aussi « antidéveloppementistes » ; mais la première est revendiquée tant par des économistes libéraux que par des antilibéraux. Les libéraux affirment poursuivre des objectifs qualitatifs ne se réduisant pas à la croissance matérielle, surtout depuis l’échec social des plans d’ajustement structurel du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Mais cette distinction entre croissance (quantitative) et développement (qualitatif) représente une imposture dans la logique libérale dès lors que la croissance est considérée comme une condition nécessaire et suffisante du développement, et de surcroît éternellement possible.

Au vu des dégâts sociaux et écologiques d’un mode de développement qui semble indissociablement lié à la croissance, les économistes antilibéraux, issus du marxisme, du structuralisme ou du tiers-mondisme ont beaucoup de mal à faire valoir qu’on peut distinguer les deux notions. Les adversaires de tout développement ont alors beau jeu de récuser croissance et développement en niant toute possibilité de les dissocier.

Toute production n’est pas polluante

Peut-on dépasser cette contradiction ? Le capitalisme a intérêt à faire croire que croissance et développement vont toujours de pair, l’amélioration du bien-être humain ne pouvant passer que par l’accroissement perpétuel de la quantité de marchandises. Nous devons alors fonder pour l’avenir une distinction radicale entre les deux concepts : l’amélioration du bien-être et l’épanouissement des potentialités humaines se réalisant hors du sentier de la croissance infinie des quantités produites et consommées, hors du sentier de la marchandise et de la valeur d’échange, mais sur celui de la valeur d’usage  (21) et de la qualité du tissu social qui peut naître autour d’elle.

Le mot d’ordre de décroissance, appliqué indistinctement pour tous les peuples ou pour tout type de production, serait injuste et inopérant. D’abord parce que le capitalisme nous impose actuellement une certaine décroissance, surtout celle des biens et services dont nous aurions socialement le plus besoin : transports collectifs, santé, éducation, aide aux personnes âgées, etc. Ensuite parce que toute production n’est pas forcément polluante ou dégradante. Le produit intérieur brut (PIB), évalué monétairement, enregistre la croissance des activités de services, dont la pression sur les écosystèmes n’est pas comparable à celle de l’industrie et de l’agriculture. La nature de la croissance importe au moins autant que son ampleur. L’urgente nécessité de diminuer l’empreinte écologique n’implique pas la décroissance de toutes les productions sans distinction entre elles ni entre ceux auxquels elles sont destinées.

L’utilisation planétaire des ressources doit être organisée de telle sorte que les pays pauvres puissent enclencher la croissance nécessaire à la satisfaction des besoins essentiels, et que les plus riches deviennent économes. Tout modèle imposé aux pays pauvres ne pourrait que détruire leurs racines culturelles et constituer un obstacle à un développement émancipateur. Dans les pays riches, il convient de penser les politiques en fonction de la transition à assurer : le décrochage progressif de la croissance et du développement.

Cela passe non pas par une décroissance aveugle, inacceptable pour une majorité de citoyens, mais par une décélération ciblée permettant d’enclencher la transformation des processus productifs et aussi celle des représentations culturelles : la décélération de la croissance, comme première étape avant d’envisager la décroissance sélective, en commençant par celle des activités nuisibles, pour une économie réorientée vers la qualité des produits et des services collectifs, une répartition primaire des revenus plus égale et une baisse régulière du temps de travail au fur et à mesure des gains de productivité, seule manière de promouvoir l’emploi en dehors de la croissance. En sachant que toute remise en cause du modèle de développement actuel n’est réaliste qu’à condition de remettre en cause simultanément les rapports sociaux capitalistes (22).

Définir le développement comme l’évolution d’une société qui utiliserait ses gains de productivité non pour accroître indéfiniment une production génératrice de dégradations de l’environnement, d’insatisfactions, de désirs refoulés, d’inégalités et d’injustices, mais pour diminuer le travail de tous en partageant plus équitablement les revenus de l’activité, ne constitue pas un retour en arrière par rapport à la critique du développement actuel. Cela ne condamne pas à rester à l’intérieur du paradigme utilitariste, si les gains de productivité sont obtenus sans dégrader ni les conditions de travail ni la nature.

A partir du moment où l’on admet que l’humanité ne reviendra pas à l’avant-développement et que, de ce fait, les gains de productivité existent et existeront, leur utilisation doit être pensée et rendue compatible avec la reproduction des systèmes vivants. On peut faire l’hypothèse que la baisse du temps de travail peut contribuer à débarrasser notre imaginaire du fantasme d’avoir toujours davantage pour mieux être, et que l’extension des services collectifs, de la protection sociale et de la culture soustraits à l’appétit du capital est source d’une richesse incommensurable avec celle que privilégie le marché. Derrière la question du développement sont en jeu les finalités du travail et donc le chemin vers une société économe et solidaire.


(1) Gro Harlem Brundtland, Notre avenir à tous, Rapport de la Commission mondiale pour l’environnement et le développement, Fleuve, Montréal, 1987.

(2Ibid., p. XXIII.

(3Rapport mondial sur le développement humain 2002, De Boeck, 2002, Bruxelles, p. 28.

(4) L’intensité énergétique (et plus généralement l’intensité en ressources naturelles) de la production est la quantité d’énergie (ou de ressources naturelles) nécessaire pour produire 1 euro de PIB.

(5) AIE, Oil crises and climate challenges : 30 years of energy use in IEA countries, Vienne, 2004, www.iea.org.

(6) Déclaration de son président, M. James Wolfensohn, citée dans « Les objectifs de réduction de la pauvreté ne seront pas atteints », Le Monde, 24 avril 2004.

(7) Cnuced, The Least Developed Countries, Report 2004, Nations unies, Genève, mai 2004, 362 p.

(8) Durkheim définissait l’anomie comme l’absence ou la disparition des valeurs communautaires et des règles sociales.

(9) Jacques Attali, « Un agenda de croissance fabuleux », Le Monde, « 2004, l’année du rebond », 4-5 janvier 2004.

(10) L’entropie désigne la dégradation de l’énergie.

(11) Redefining Progress, www.rprogress.org

(12) Nicholas Georgescu-Roegen, La Décroissance, Sang de la terre, Paris, 1995.

(13) Gilbert Rist, « Le “développement” : la violence symbolique d’une croyance », dans Christian Comeliau (sous la dir. de), « Brouillons pour l’avenir. Contributions au débat sur les alternatives », LesNouveaux Cahiers de l’IUED, Genève, no 14, PUF, Paris, 2003, p. 147.

(14) Serge Latouche, En finir, une fois pour toutes, avec le développement, Le Monde diplomatique, mai 2001. Un oxymoron est la juxtaposition de deux termes contradictoires.

(15) Cornélius Castoriadis, Le Monde morcelé. Les carrefours du labyrinthe 3, Seuil, Paris, 1990, p. 193.

(16) Silence, Objectif décroissance. Vers une société harmonieuse, Parangon, Paris, 2003.

(17) Serge Latouche, « Il faut jeter le bébé plutôt que l’eau du bain », dans Christian Comeliau (sous la dir. de), op. cit., p. 127.

(18) Serge Latouche, Pour une société de décroissanceLe Monde diplomatique, novembre 2003.

(19) Serge Latouche, Justice sans limites. Le défi de l’éthique dans une économie mondialisée, Fayard, Paris, 2003, p. 275.

(20) Serge Latouche, ibid., p. 278.

(21) La valeur d’usage est l’utilité d’un bien ou d’un service, notion qualitative non mesurable et non réductible à une valeur d’échange monétaire. Cette dernière est le rapport dans lequel deux marchandises vont s’échanger entre elles par le biais de la monnaie. En soulignant cette distinction, on signifie le refus que tout soit marchandisé.

(22L’Economie économe. Le développement soutenable par la réduction du temps de travail, L’Harmattan, Paris, 1997 ; La Démence sénile du capital. Fragments d’économie, Ed. du Passant, Bègles, 2e éd., 2004.

http://www.monde-diplomatique.fr/2004/07/HARRIBEY/11307 – JUILLET 2004

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Pourquoi la croissance fait-elle aujourd’hui débat ?

S’appuyant sur la crise financière et celle de la dette actuelles, le chercheur Philippe Askenazy et le professeur Jean Gadrey démystifient l’idée que croissance égale bonne santé économique d’un pays. Ils nous expliquent en quoi elle est un danger écologique et économique et proposent des alternatives possibles .

Regards.fr : Pourquoi la croissance fait-elle aujourd’hui débat ? Est-ce un bon indicateur du progrès et de la prospérité ?

Jean Gadrey : La croissance est en question pour de multiples raisons. Une progression de 2 % par an de la consommation par habitant signifierait que nos descendants consommeraient six fois plus de biens en 2100, 40 fois plus en 2200, etc. Quand arrête-t-on cette course folle pour réfléchir aux fondamentaux du bien-vivre ? La croissance ne tient plus ses promesses de progrès social dans les pays riches. Les statistiques mondiales montrent que les grands indicateurs de progrès humain ne sont pratiquement plus corrélés au PIB par habitant au-dessus d’un seuil que nous avons dépassé en France depuis les années 1970 ! Enfin, la crise écologique est désormais l’argument principal. Les pays qui ont le plus gros PIB par habitant sont en tendance ceux qui ont la plus forte empreinte écologique par habitant, les plus hauts niveaux d’émission de gaz à effet de serre et de consommation de ressources du sol et du sous-sol. La croissance est l’explication principale de la crise écologique. C’est à la fin des Trente Glorieuses que l’humanité a commencé à émettre plus de CO2 que ce que la nature peut « absorber », et nous en sommes aujourd’hui à deux fois plus. Il y a de quoi être « atterré »…

Philippe Askenazy : La croissance fait actuellement débat, essentiellement parce qu’elle fait défaut dans la plupart des pays développés ; la Chine peut s’interroger sur le risque de surchauffe de son économie mais pas sur la pertinence de la croissance. L’absence d’une progression forte du PIB dans nos économies se double d’une répartition de ses fruits profondément inégalitaire. Ils sont essentiellement accaparés par une toute petite partie de la population, de l’ordre de 1 % dans de nombreux pays, dont la France. Cette inégalité explique en grande partie pourquoi elle n’est plus nécessairement synonyme de progrès humain. En retour, l’inégalité est un obstacle à reconstruire une croissance saine. En effet, elle ne permet pas le développement de services à hautes valeurs ajoutées, comme la santé ou l’éducation. Ces services seraient également une réponse à une autre interrogation : la croissance est-elle écologiquement soutenable ? La croissance n’est pas condamnée à être carbonée.

Regards.fr : La croissance est-elle la solution pour lutter contre le chômage et sortir de la crise financière ?

Jean Gadrey : Pour la crise financière, lessolutions, avec ou sans croissance, se trouvent d’abord dans la reprise en main par les citoyens de la finance, de la création monétaire et du crédit : ce sont des biens communs, dont la privatisation depuis les années 1980 explique largement la situation actuelle. S’agissant du chômage, il est clair que, si, en France et en Europe, la croissance est nulle ou négative dans les prochaines années, ce sera grave pour l’emploi, pour les dettes publiques et pour les investissements de la transition écologique et sociale. On ne quitte pas comme cela un régime productiviste, pas plus qu’on ne quitte instantanément le nucléaire, la civilisation de la voiture et des camions, l’agriculture conventionnelle, etc. On aura encore probablement des gains de productivité globaux pendant quelques années. Il faut donc engager au plus vite un virage antiproductiviste et viser la sobriété matérielle et énergétique équitable. Combien de temps cela prendra- t-il ? Tout dépendra des décisions politiques et donc des mouvements sociaux. Un véhicule qui court vers le précipice et qui a une forte inertie doit prendre à temps un virage à 90 degrés, mais cela ne peut pas être instantané.

Philippe Askenazy : La croissance n’est pas une solution à la crise financière. Cette dernière est le résultat d’une régulation insuffisante des activités financières, d’institutions politiques mal construites – la crise de l’euro en est une illustration — et des inégalités sociales, qui poussent les uns à s’endetter et les autres à spéculer. De fait, la crise financière, en entretenant une instabilité dans la sphère réelle, est un obstacle à la croissance, pas une conséquence d’une faible croissance. En revanche, développer de nouvelles activités est mécaniquement la solution pour créer des emplois. Cela ne se traduit pas nécessairement par un PIB plus élevé. A nouveau, les inégalités sont telles que prendre la capacité d’épargne accumulée dans la dernière décennie par les 1 % les plus aisés de la population française permettrait à l’Etat de créer 1 million d’emplois, dont la productivité sociale serait élevée, mais faible au regard du PIB qui est à la base de la mesure actuelle de la croissance.

Regards.fr : La croissance est-elle compatible avec la rareté des ressources, notamment énergétiques ?

Jean Gadrey : La « croissance verte » me semble une illusion scientiste. Deux arguments parmi d’autres : pour atteindre les objectifs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC), il faudrait que les pays riches divisent par 5 leurs émissions de CO2 d’ici 2050, soit en moyenne une réduction de 4 % par an (c’est le pourcentage de réduction réalisée en France… en dix ans). Un tel objectif est déjà très ambitieux. Mais, avec une croissance de 2 % par an, il faudrait réduire les émissions de 6 % par an par unité produite. Aucun scénario ne permet de croire que c’est possible. Michel Husson et Tim Jackson ont montré séparément que l’atteinte des objectifs du GIEC est incompatible avec la poursuite de la croissance dans le monde, donc, a fortiori, chez nous. Deuxième argument : on est proche du pic à partir duquel la production mondiale de pétrole va décroître inéluctablement et son prix s’envoler. Selon certains experts, on y serait déjà. Si l’on ajoute que bien d’autres pics vont être atteints dans les dix à trente ans à venir, pour presque tous les minerais de base de l’abondance matérielle (plomb, argent, cuivre, uranium, nickel…), sans parler des terres arables de plus en plus convoitées, de l’eau et des forêts, on peut parier que, quoi que l’on fasse, la croissance et les gains de productivité vont cesser. Il serait sage d’anticiper le virage vers un autre modèle, plutôt que de subir une gigantesque récession mondiale.

Philippe Askenazy : Contrairement à une idée reçue qui émerge de manière récurrente depuis le premier choc pétrolier, la croissance est parfaitement compatible avec la rareté des ressources, même dans ses fondements actuels, c’est-à-dire très consommateurs. Premièrement, il ne faut pas sous-estimer les capacités d’innovation et de substitution des énergies fossiles. Deuxièmement, les scénarios les plus sombres en matière de réchauffement climatique demanderaient des coûts d’adaptation pour les économies développées qui peuvent sembler importants, mais qui sont très faibles au regard de la création historique de richesses. Pour un pays comme la France, les scénarios économiques ne sont même pas nécessairement défavorables, certaines régions étant perdantes, mais d’autres gagnantes ! L’essentiel du coût relatif sera supporté par des pays du Sud. Cela ne signifie pas qu’il soit souhaitable d’ « abîmer la nature », mais il ne faut pas attendre de celle-ci qu’elle oblige la sphère économique à changer profondément sa nature.

Regards.fr : Y a t-il d’autres moyens pour sortir de la crise ?

Philippe Askenazy : Cette question est très délicate. Actuellement, les économistes ne sont pas encore capables d’expliquer les mécanismes à l’oeuvre lors de la crise, ou plutôt ils ont trop d’hypothèses pour aider à la prescription politique d’un point de vue pratique. En gros, deux hypothèses sont possibles : l’une fait porter le poids de la crise sur la mécanique financière, l’autre porte sur la profondeur des inégalités. Dans un cas, il faut changer la gouvernance des marchés, dans l’autre, il faut modifier les rapports de force sociaux. Ce n’est vraiment pas le même type de politique !

Regards.fr : A quoi ressemblerait un monde sans croissance, et quels seraient les moteurs de l’économie ?

Jean Gadrey : Il faut viser un changement de modèle productif et de modes de vie, un tournant antiproductiviste. On peut avoir du développement économique durable, innovant et riche en emploi, sans croissance. La plupart des processus de production propre, les plus doux avec la nature et aussi en termes de conditions de travail, exigent plus de labeur (que les productions surexploitant les ressources naturelles) pour produire les mêmes quantités, mais d’une tout autre qualité. Supposons que l’on remplace en quelques décennies l’agriculture productiviste, destructrice d’environnement et de santé, par de l’agriculture biologique de proximité. Sans croissance des quantités, il faudrait 30 à 40 % d’emplois en plus. La part de la valeur ajoutée agricole progresserait, et, surtout, la qualité et la durabilité de la production seraient bouleversées positivement. Je fais dans mon livre Adieu à la croissance un bilan de la conversion écologique et sociale de tous les secteurs de l’économie. En termes d’emplois, ce bilan serait vraisemblablement positif, sans croissance globale.

Philippe Askenazy : Les futuristes imaginent des mondes sans croissance. Pour ma part, je pense qu’il faut procéder plutôt par un inventaire des besoins des populations. Cet inventaire désignera des voies nécessaires de progrès économiques et sociaux, qui, en retour, généreront une croissance, qui n’est pas une fin en soi, mais simplement la résultante du développement des activités offertes à la population.

Regards.fr : Les pays en difficulté aujourd’hui, comme la Grèce ou le Portugal, peuvent-ils se passer de croissance pour rééquilibrer leur finance publique ?

Jean Gadrey : La plus grande partie de leurs difficultés ne provient pas d’une panne de croissance mais de la domination des marchés financiers sur l’économie et sur les dettes publiques. Mais, évidemment, si en plus de ces facteurs financiers, on ajoute une récession, cela ne va pas arranger leurs affaires ! Donc, c’est clair, à court et moyen termes, il faut les aider à sortir de la récession par la solidarité et surtout par une action résolue contre la finance de marchés. Mais, même dans leur cas, une autre relance est possible, plus verte et plus sociale, avec une forte réduction des inégalités qui plombent leurs sociétés et leurs finances publiques.

Philippe Askenazy : La situation de chacun de ces pays est particulière. La Grèce, qui cristallise les craintes, ne manquait pas de croissance avant la crise. Elle est en fait victime d’un Etat mal organisé et clientéliste, et d’institutions européennes inadaptées à une attaque de sphère financière. L’évasion fiscale, en premier lieu des grandes fortunes, mine la capacité de financement de l’Etat Grec. En plus, la Grèce a, du fait de son conflit latent avec la Turquie, un budget militaire hypertrophié. Pour retrouver un équilibre, il faut à la fois un changement des institutions européennes, faire le choix de la paix et se doter d’une véritable administration fiscale non corrompue.

Regards.fr : Une société post-croissance est-elle compatible avec le capitalisme financier ?

Jean Gadrey : Non. On ne voit pas comment une société qui valoriserait d’abord les biens communs naturels et sociétaux pourrait être soumise à la loi de la valeur pour l’actionnaire et à son court-termisme intrinsèque. Les deux conditions à réunir ne sont pas en premier lieu écologiques. Il faut en priorité arraisonner la finance et réduire les inégalités.

Philippe Askenazy : Le capitalisme financier montre ses limites. On voit bien avec les crises de la dette des Etats que ce capitalisme devient antidémocratique et empêche les Etats de construire un nouveau modèle de progrès pour la société. La question de la finance n’est donc plus celle de la croissance ou de la post-croissance, mais tout simplement une question démocratique. Et enfin, comment la France peut-elle sortir de la logique « croissanciste » au vu des contextes européen et mondial ?

Regards.fr : Quel serait le prix à payer ?

Jean Gadrey : Le prix à payer sera bien plus élevé si l’on reste prisonnier du culte de la croissance, mais malheureusement les générations futures ne votent pas. C’est à nous de les représenter. Quant aux moyens financiers à réunir pour lancer vite le chantier des transformations écologique et sociale, et des dettes accumulées, nous les avons largement. J’estime pour ma part que 4 à 5 points de PIB, soit 80 à 100 milliards d’euros, sont récupérables chaque année en prenant l’argent là où il est, du côté des rentes et des niches pour privilégiés, et de la spéculation. Aucun besoin de croissance pour cela !

Philippe Askenazy : Je ne pense pas que la France puisse sortir de la logique « croissanciste  ». La France a une croissance démographique soutenue, qui commande une croissance économique si l’on veut maintenir le niveau de vie de la population ; la redistribution sera insuffisante. Mais, c’est au politique de prendre l’initiative pour en supprimer les aspects les plus délétères, une forme de conversion.

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le PIB et Apres ??

Au-delà du PIB, mais jusqu’où ?

si les économistes ont depuis longtemps souligné les limites de l’évaluation des niveaux de vie par le PIB, le débat a récemment rebondi avec la publication du rapport Stiglitz. En 2006, le CEPII a proposé un indicateur qui intègre, en termes d’équivalents revenus, certaines données sociales telles que le temps de loisir, la précarité liée au chômage, la longévité de la population et la taille des ménages ; l’indicateur tient compte aussi des inégalités, de l’épuisement des ressources naturelles, de la dégradation de l’environnement et de la consommation de capital fixe. Nous proposons dans cette Lettre d’actualiser cet indicateur et surtout de l’élargir aux grands pays émergents. Nos calculs font apparaître d’importantes corrections. Mais de manière générale, hormis la prise en compte de la taille des familles, les différentes corrections apportées ne bouleversent guère le classement des pays. Ce sont globalement les mêmes pays qui souffrent d’un revenu par habitant faible, de graves inégalités, d’un fort taux de mortalité, de peu de temps consacré aux loisirs.

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Dans quelle mesure peut on dire que la croissance est nécessaire au développement?

voir le sujet sur le manuel et y ajouter ces deux doc .

 

 

TES 2011-2012 doc 1.2

Développement croissance

« Voyons ce que ces quarante dernières années peuvent nous apprendre sur la relation entre la croissance et le développement humain./…/
Les exemples sont nombreux. Prenons une comparaison révélatrice entre la Chine (qui a connu la croissance la plus rapide ces trente dernières années) et la Tunisie. En 1970, une petite fille naissant en Tunisie avait une espérance de vie de 55 ans, contre 63 pour une petite Chinoise. Depuis, le PIB par habitant de la Chine a bondi de 8 pour cent par an, tandis que celui de la Tunisie n’a augmenté qu’à un rythme annuel de 3 pour cent. Pourtant, une petite fille naissant aujourd’hui en Tunisie a une espérance de vie de 76 ans – un an de plus qu’une petite Chinoise. Et si 52 pour cent seulement des enfants tunisiens étaient scolarisés en 1970, le taux brut de scolarisation est maintenant sensiblement plus élevé en Tunisie (78 pour cent) qu’en Chine (68 pour cent).
On trouve d’autres exemples intéressants parmi les pays dont l’économie s’est contractée ces quarante dernières années. Si la croissance économique était indispensable à l’améliora­tion de la santé et de l’éducation, la baisse du PIB bloquerait tout progrès dans ces domaines. Mais il n’en est rien : les revenus ont beau avoir baissé en Iran, au Togo et au Venezuela, l’espérance de vie y a augmenté de 14 ans en moyenne, et le taux brut de scolarisation de 31 pour cent depuis 1970.
Ce que ce résultat montre, c’est l’absence de lien entre la variation des revenus (croissance) et la variation des composantes non monétaires du développement humain. Cela n’enlève rien au fait qu’il existe une corrélation positive et statistiquement significative entre le niveau des revenus et le niveau d’éducation et de santé. »
PNUD, Rapport sur le développement humain 2010, p. 56, 57, 58.
______________
« En premier lieu, une corrélation ne signifie par qu’il existe un lien de causalité dans l’une ou l’autre direction. En effet, même s’il existe une relation de cause à effet, son sens reste a priori indéterminé : l’augmentation des revenus peut améliorer la qualité de vie, tout comme des améliorations en matière d’éducation et de santé peuvent rendre les sociétés plus productives.
./…/
L’énigme pourrait s’expliquer par le retard, long mais variable, avec lequel l’accroissement de la richesse se répercute sur l’éducation et la santé. On comprendrait alors la faiblesse de la corrélation : il faudrait attendre plus longtemps après l’augmentation des revenus pour observer un impact sur les autres dimensions du développement humain. Mais ce raisonnement est plus difficilement défendable sur de longues périodes. /…/ l’absence de corrélation reste valable pour un large échantillon de 135 pays sur plus de quarante ans, soit un délai suffisant à coup sûr pour que la croissance des revenus se répercute sur l’éducation et la santé à l’échelle nationale, ou pour que la baisse des revenus permette d’observer une détérioration de l’éducation et de la santé.
Une autre explication est possible : les pays riches n’ont pas suivi par le passé le même itinéraire vers l’éducation et la santé que les pays en développement de nos jours. Cette hypothèse d’une différence de nature du développement voudrait dire que la corrélation des niveaux donne une image fugitive d’un passé où seuls les pays enrichis ont pu financer d’onéreux progrès d’éducation et de santé. Or, le progrès des technologies et l’évolution des structures de la société évoquées ci-dessous permettent à présent même aux pays plus pauvres d’obtenir plus facilement des améliorations notables. Nous avons examiné plusieurs explications possibles de l’évolution de la santé et des revenus ces quarante dernières années. Nos résultats laissent penser que les pays à niveau faible ou moyen de développement humain peuvent améliorer leur niveau de santé national par des actions peu coûteuses ; mais à des degrés de développement plus élevés, les améliorations appellent des technologies plus onéreuses, ce qui réintroduit le facteur des revenus. Ces résultats sont donc compatibles avec l’hypothèse de la transformation dans le temps des possibilités et des processus menant au développement. »
PNUD, La vraie richesse des nations : Les chemins du développement humain, Rapport sur le développement humain 2010, p. 58, 59

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