L’exigence de justice a-t-elle sa place dans les rapports économiques ?

12 juin 2008 0 Par caroline-sarroul

 

 Introduction : Les rapports économiques se sont tous les rapports où il y a échange monétaire. Ce sont essentiellement les rapports entre employé salarié et employeur et entre vendeurs et acheteurs. L’économie, c’est donc ce qui touche les conditions matérielles de la vie en société, la production, la distribution, la consommation et les rapports économiques, ce sont les échanges entre les acteurs économiques que cela entraîne. Normalement, la notion d’échange renvoie à celle de se livrer des objets ou des services considérés comme équivalents. Donc l’échange présuppose l’égalité, donc une certaine justice. Mais quand on regarde la cruauté des rapports économiques dominés par la logique du profit on se demande si cette égalité est encore présente, s’il s’agit réellement d’un échange ou tout simplement d’un vol, d’une exploitation. Mais on constate aussi que cette logique du profit aurait une vue à bien court terme si elle laissait une trop grande inégalité s’instaurer, si l’échange économique paraissait vraiment trop injuste. Aussi peut-on se demander si l’exigence de justice n’a pas  sa place dans les rapports économiques ? S’interroger sur cela, c’est s’interroger sur les liens entre justice et  économie, mais aussi sur les buts de l’économie et sur ce que l’homme peut accepter sans crier à l’injustice.Les rapports économiques ne peuvent-ils pas paraître étrangers à toute exigence de justice ? N’ont-ils pas pour autant besoin d’une certaine justice ? Et l’homme peut-il se contenter d’une économie, d’un fait  injuste ?

 Plan

I .Comme le cœur des rapports économiques, c’est l’échange monétaire et la richesse, il semble qu’ils soient sourds à toute exigence de justice.- En effet, si la monnaie n’était qu’un intermédiaire permettant la commensurabilité des biens échangés et n’avait pas en soi de valeur, la valeur venant de l’usage, du besoin et du travail incorporé pour répondre au besoin, elle est devenue une fin en soi, le but de l’échange. Ce qu’Aristote dénonçait déjà sous le nom de  chrématistique, l’art d’acquérir des richesses non pas pour répondre à ses besoins ( acquisition naturelle correspondant au nécessaire) mais pour acquérir sans limite des richesses d’où « opulence et grandes fortunes ». Les rapports économiques ne sont plus alors fondés sur le besoin ( limité et naturel) mais sur le désir d’avoir, d’être reconnu ( illimité et culturel).  Dés lors, les rapports économiques vont nécessairement engendrer des inégalités et être corrompu par ce culte de l’argent. On sera prêt à tout échanger, à voler, à exploiter pour plus de profit et d’enrichissement, au mépris de la morale et parfois même du droit positif. – Cette logique du profit a besoin d’inégalité pour survivre. L’offre ne répond pas à la demande de tous , mais à une demande solvable. Ainsi comme elle ne s’adresse qu’à elle, elle peut faire des prix permettant du profit. Le privilège de pouvoir consommer augmentent la valeur d’échange et donne de la valeur à des choses qui n’ont pas de valeur d’usage en soi.  De même, s’il y a misère sociale, demande importante sur le marché du travail ,cela permet de tirer plus de profit d’une main d’œuvre sans choix, n’ayant pas d’autres choix que de se laisser exploiter. De même,  la concurrence inégalitaire ou/et le monopole dans la production permettent de s’enrichir davantage. La sphère financière se sépare peu à peu de celle de la vie. – Et puis, les rapports économiques même non corrompus sont fondés sur l’intérêt privé et la relation économique n’est que la rencontre d’intérêts privés communs. Ils constituent donc un faux lien social qui lui repose sur le sentiment d’appartenir à un tout, dans la reconnaissance d’un intérêt commun, général. Et ils peuvent même être une menace pour la collectivité. Nous sommes ici dans des transactions individuelles qui peuvent être dangereuses au plan collectif pour l’écologie, la sécurité, la liberté …

TR : Mais en rester là n’est-ce pas  compromettre à terme les rapports économiques eux-mêmes ? L’économie n’a-t-elle pas intérêt à ce qu’il y ait plus de justice dans les rapports économiques ?

 II. Les rapports économiques pour perdurer, prospérer  ont besoin d’une certaine régulation étatique ou supra-étatique :

-le jeu de la concurrence a besoin que soient condamnés les trafics, l’économie souterraine, donc il faut un cadre légal.

-les rapports marchands ont besoin d’une confiance des consommateurs ( libre-concurrence dans certaines limites, le même prix pour chacun . C’est la justice commutative fondée sur une égalité arithmétique 1acheteur = 1 acheteur)

-dans les rapports de production, il peut sembler utile de récompenser le plus méritant, le plus performant (  C’est la justice distributive : répartition proportionnelle). Cela peut favoriser productivité et consommation.

-les rapports internationaux exige une bonne entente, donc peu de conflits or l’inégalité trop importante ou qui paraît injuste est source de conflits. D’où l’idée de Rawls de poser comme condition à l’acceptation de l’inégalité économique qu’il y ait eu au départ égalité des chances et que l’enrichissement de certains profitent à ceux qui sont les plus défavorisés.

D’où la nécessité d’une certaine redistribution de la prospérité par l’Etat pour soutenir aussi la demande, sans quoi il y a surproduction, marché saturé et perte de profit.

L’argument « éthique » ( ou moral) peut même être un argument de vente . C’est le cas des produits respectant l’environnement, mais aussi des conditions de travail respectueuse des droits de l’homme ou encore du « commerce équitable ». Le label Max Havelaar garantit l’achat direct de produits de qualité aux producteurs à un prix « juste », c’est-à-dire lui permettant de vivre décemment sans subir les fluctuations du marché ( 5%du marché du café en France).  Mais ATTAC voit ici un moyen de résister aux dérives de la mondialisation et d’humaniser en quelque sorte les rapports économiques. On pourrait y voir aussi un retour à ce qu’est par nature le commerce, l’échange économique .

TR :  Ou une simple volonté de ne pas se  contenter de ce qui est, d’essayer d’accorder le fait au droit ?

 III. Les rapports économiques engageants des hommes, on ne peut qu’exiger qu’ils soient le plus justes possible. Comme le dit Kant  « si la justice disparaît, c’est chose sans valeur que le fait que les hommes vivent sur terre ». La justice ne peut céder le pas au simple désir du matériel, du profit. Le droit ne doit pas s’ajuster au fait, mais c’est le fait qui doit s’élever au niveau du droit. Le droit du travail va dans ce sens, non seulement il remet le travail au cœur de l’échange, car c’est lui qui produit de la valeur, mais il entend défendre contre la pure logique du profit le respect de l’échange, et de l’homme. On ne peut l’exploiter, ni l’aliéner. C’est la même préoccupation qui est au cœur de l’éthique écologique face aux échanges purement individuels  (texte 2 p159). Les échanges économiques sont là au départ pour répondre aux besoins des hommes, donc le cœur de l’économie, c’est l’homme et son respect s’impose. Si tout s’achète et se vend, il convient de rappeler qu’il existe quelque chose sans prix, car ayant une valeur absolue, la personne humaine. 

 Dc si la justice n’a plus naturellement sa place dans les rapports économiques, elle peut l’avoir dans une certaine mesure et ce doit de l’avoir car ce sont des hommes qui sont dans des rapports éco et font l’éco.