Croit-on en la science comme on croit à la religion ?

18 janvier 2009 0 Par caroline-sarroul

I. « comme » peut signifier « de la même manière » : le sujet  invite alors à s’interroger sur la nature de la croyance en l’une et en l’autre. On peut alors penser que ce sont 2 croyances bien différentes. Croire en ou à, c’est donner son assentiment à une idée, donc la tenir pour vraie ou vraisemblable (à la différence de croire que … , qui ne peut être qu’une opinion sans conviction). Mais lorsqu’on croit en ou à…, si cette croyance de l’intérieur ne se distingue pas de l’autre, dans les 2 cas, on a un sentiment de conviction interne, d’un point de vue extérieur, Il y a une différence. En ce sens, Kant distingue deux types de croyances : la conviction et la persuasion. La première différence entre les 2, c’est que quand on est convaincu, on pense que cette croyance pourrait être celle de tout homme doué de raison. Et cela vient du fait que la conviction s’appuie sur des fondements jugés objectivement suffisants ( une démonstration, des preuves, des faits, une évidence) Et c’est même cette suffisance objective qui est à l’origine d’une suffisance subjective : c’est parce qu’on juge la chose solide qu’on y adhère, en quelque sorte, qu’on a même dans certains cas un sentiment de certitude, de savoir. Le savoir serait en quelque sorte une croyance rationnelle, le plus haut degré du croire. C’est le cas de la croyance en la science, ses théories résultats de sa démarche expérimentale ou de ses démonstrations. Par contre celui qui est persuadé, comme on peut l’être de l’existence de Dieu, ne s’appuie pas sur quelque chose d’objectif (hormis le mystique qui a rencontré Dieu, qui n’est peut-être pas au sens strict une preuve, c’est-à-dire ce qui peut être attesté par tous, par tout observateur), mais simplement sur un sentiment  interne de conviction suffisant. C’est ce qu’on appelle la foi qui est suffisante subjectivement mais pas objectivement. D’ailleurs pour certains, Kierkegaard, Pascal, la preuve n’est pas nécessaire à la foi, on ne prouve pas ce qui dépasse la raison, ce qui s’impose avec une telle évidence au cœur et une foi qui aurait besoin de preuve serait une petite foi.

A cette différence de nature s’ajoute que celui qui croit en la science croit en la puissance de la raison, en l’homme qui grâce à la science peut avoir une action sur ce qui l’entoure, qui ne renonce pas au projet de pouvoir par là changer le monde seul. Alors que celui qui croit en la religion soutient que la raison a ses limites et pose un être humain faible, impuissant qui ne peut se passer du secours de Dieu pour se sauver, qui travaille à une réalisation dans un autre monde. C’est ce que soulignent ceux qui critiquent la religion comme étant aliénante pour l’homme ( Marx, Feuerbach).  Il y a aussi une universalité dans la croyance scientifique qui n’est pas dans la croyance religieuse, au sein d’adhésion à une église, qui, comme toute communauté, se soude par opposition à ceux qui y sont étrangers et pendant longtemps on a considéré ceux qui ne partageaient pas la même foi comme des mécréants, des damnés ; difficile ensuite de cohabiter au sein d’une même société, alors que la science est elle sans frontière.

II. « Comme » peut aussi signifier « pour les mêmes raisons », si on peut penser que c’est en tant qu’être de raison qu’on adhère à la science et plutôt en tant qu’être de désirs frustrés qu’on croit en la religion ( « cri », Freud ), on peut montrer que la raison peut aussi sinon amener à adhérer à une église, en tout cas à croire à l’idée d’un Dieu et  peut-être même à son existence nécessaire (Kant, Dieu comme postulat de la raison pratique), d’où la religion naturelle. De la même manière on peut montrer que ce sont aussi nos désirs qui nous poussent à croire avec tant d’espoir en la science, ses découvertes théoriques et ses applications techniques. On peut penser trouver dans la science comme dans les religions des réponses à nos peurs de la mort, de l’imprévu. La science ne répond pas qu’à un désir de savoir désintéressé. Et si on entend la religion, non plus comme une institution mais comme le fait d’adhérer à une certaine représentation du monde, à l’existence d’un arrière-monde dévalorisant ce monde d’ici-bas, on peut comme Nietzsche que le scientifique comme le croyant croit en quelque chose de sacré. Pour le croyant, c’est Dieu et ses prescriptions ; pour celui qui croit en la science, c’est la Vérité qu’il place au dessus de tout, de la vie qui n’est qu’illusion et apparence, c’est la raison qui peut tout.  C’est ce que souligne Nietzsche la mort de Dieu n’est pas la mort du religieux.

III. « comme » peut enfin signifier « en même temps » : et en effet, on peut croire en la science et en la religion. D’abord parce que nous sommes des êtres duels, être de désirs et être de raison. Ensuite si  Comte pense , avec sa loi des 3 états, que, dans son évolution, l’esprit humain renonce à répondre aux questions des causes premières et des fins dernières pour ne se consacrer qu’à celle du comment., quand il arrive à l’état positif,  ce n’est pas en réalité pas le cas. L’homme continue à se les poser et à y chercher des réponses. Et cela surtout quand la science ne fait que les réveiller : en renvoyant l’homme à sa mortalité, à sa difficulté à faire bon usage de ses connaissances, à sa puissance et ses responsabilité dont il peut chercher à se décharger. La science ne répond pas à toutes les questions et en soulèvent de nouvelles. Elle ne donne pas non plus du sens à notre existence, la religion en donne ou nous offre l’occasion d’en donner ( c’est un des aspects du pari de Pascal, mieux vaut une vie de vertu qu’une vie de vanité !) . De même la séparation de la science et de la religion ( nous ne sommes plus au temps de Galilée et où la religion impose une science compatible avec ses dogmes, même s’il y a aujourd’hui quelques créationnistes ( fanatiques)  laisse à chacune une place et permet une sorte de cohabitation. L’homme peut être à la fois rationnel et suspendre sa vie à des choses irrationnelles, Bergson avait déjà noté ce paradoxe et avait même montrer le lien entre les deux.