Peut-on vouloir faire le bonheur des autres?

18 janvier 2009 0 Par caroline-sarroul
 
 Plan possible utilisant « peut-on » comme articulation principale, et «  vouloir » un III ou un II.B.

I.  Il est POSSIBLE que l’on DESIRE  faire le bonheur des autres, comme on peut d’ailleurs se moquer de leur situation, se contentant de notre propre bonheur et voyant même dans le malheur des autres, la condition même du nôtre. Mais une telle attitude présupposerait que nous vivions replié sur nous –mêmes, dénués de toute sensibilité, de toute pitié et de besoin de partager notre bonheur. En général, on veut faire le bonheur de ce qui nous entoure et cela pour différentes raisons.

  Leur bonheur est un des éléments du nôtre, soit parce ce qui fait partie de notre bonheur ( étant la satisfaction de tous nos désirs) , c’est de les voir heureux, comme il y a un plaisir à donner, offrir et à voir l’autre se réjouir ; soit parce que le malheur de ceux qui nous entourent nous affecte et empêche d’être heureux, en tant qu’être sensible et conscient, qui ne peut être insensible à la souffrance des autres, qui ne peut pas ne pas s’identifier à eux.

  Leur bonheur est une des conditions de la pérennité du nôtre : si les autres sont malheureux, c’est parce que le monde ne s’accorde pas avec leur désirs, ils pourraient donc vouloir changer ce monde qui pourtant s’accorde avec les miens. C’est parce que les hommes ne sont pas satisfaits de leur existence qu’ils se révoltent. C’est ce qu’ont bien compris ceux qui sont au pouvoir : il faut que le peuple se réjouisse, « du pain et des jeux » disait déjà César, pour que le pouvoir ne soit pas inquiété et puisse continuer à renier. Celui qui  n’est pas heureux est une menace pour le bonheur des autres, il est prêt à tout, n’a rien à perdre.

  Par delà notre propre bonheur, leur malheur peut apparaître en lui-même injuste, surtout s’il n’est pas l’effet de leur mauvaise volonté. Ce n’est pas juste au regard de l’égalité entre les hommes, pourquoi certains auraient le bonheur et d’autres non ? Et même si on pense que c’est une question de chance ou de loterie, qui n’est en soi ni juste, ni injuste, on peut penser que l’on doit faire en sorte de donner les moyens à chacun d’accéder au bonheur. On peut ici faire référence aux droits inscrits dans les droits de l’homme de 1948 aux articles 24 ( droit au repos et aux loisirs) et 25 ( « droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être »). Le malheur des autres devient alors aussi notre problème en tant que membre de la même humanité mais aussi en tant que membre de la même société ou responsable de cette société. On peut considérer que l’Etat ne doit pas se contenter de ses fonctions régaliennes ( liberté, sécurité et justice) et doit être un Etat providence soucieux du bien-être de son peuple.

  Il est donc POSSIBLE DE DESIRER  le bonheur des autres, mais a-t-on pour autant LE DROIT (2) de faire le bonheur des autres et est qu’on peut vraiment le VOULOIR ?

 

 II.A. LE DROIT :     On peut penser avec Mill qu’aussi louable et généreuse que puisse être cette intention, elle serait une manière de porter atteinte à la liberté des autres. Le bonheur est une affaire privée et doit le rester.

  L’Etat ne doit pas intervenir dans ce domaine là sans quoi il devient PATERNALISTE et dangereux. C’est ce que soulignent Kant et Tocqueville. Notre bien-être intérieur ne le concerne pas. Il se doit simplement de faire en sorte que notre vie ne soit pas menacée par les peuples et Etats étrangers et par des conflits au sein de la société. La mission de l’Etat est donc d’assurer la sécurité et l’ordre. Il se doit de faire aussi en sorte que les droits de chacun soient respectés avec justice. L’Etat a donc pour mission de permettre une coexistence pacifique entre les hommes. C’est d’ailleurs pour cela que les hommes l’ont créé et accepte de lui obéir. L’Etat règle la vie publique des hommes, leur relations et n’a pas à se préoccuper de leur vie privée.

 Vouloir faire le bonheur des autres, c’est vouloir leur imposer notre conception du bonheur, alors que si tous les hommes aspirent au bonheur, chacun a sa conception du bonheur, car si le bonheur est la satisfaction durable de tous les désirs, et chacun a des désirs qui lui sont propres. Ce sont nos désirs qui nous distinguent, alors que nous avons les mêmes besoins.

 De plus porter atteinte à la liberté des autres, c’est attenter à leur bonheur, la liberté étant une des autres aspirations de l’homme qui font partie des éléments du bonheur.

C’est peut-être même mettre de la volonté, là où il s’agit simplement de savoir saisir sa chance. A vouloir trop se rendre heureux on se rend malheureux, soit parce que si on y parvient, on n’a plus rien à désirer ( Rousseau) , soit parce qu’on place la barre si haut qu’elle est inatteignable.

  Donc on ne peut vouloir faire au sens de réaliser le bonheur des autres mais on peut sans doute travailler à ce qu’ils puissent se rendre heureux comme ils l’entendent , d’où l’usage autorisé de la force pour empêcher de nuire à autrui.

  Mais même avec cette restriction, cette volonté peut-elle être une véritable volonté  ou ne doit-elle rester qu’un désir ?

   B. DESIR/VOLONTE :          Si on peut tout désirer, y compris l’impossible, on ne peut tout vouloir. La volonté présuppose un choix réfléchi, un jugement. On peut vouloir que le bien pour nous (même si on peut se tromper sur le bien et le confondre avec l’agréable et  même le mal) et que ce qui est jugé possible aussi bien en théorie qu’en pratique. On peut désirer l’immortalité, mais on ne peut la vouloir, on ne peut que vouloir vivre le plus longtemps possible. Or on peut penser que

– le bonheur n’est qu’un « idéal de l’imagination », comme Kant. Un idéal inaccessible et dont la recherche fait notre malheur. Dans ce cas, si le bonheur n’est pas possible dans ce monde, ni pour soi, ni pour les autres, alors une volonté d’être heureux ou de rendre heureux serait stérile. De plus vouloir rendre heureux, c’est présupposer que les obstacles au bonheur sont seulement extérieurs, d’où la possibilité de les lever du dehors. Or on peut penser que les principaux obstacles au bonheur sont plutôt intérieurs. Du coup, le seul à pouvoir nous rendre heureux, c’est nous-mêmes, d’où les sagesses antiques qui nous invitent à se consacrer à ce qui dépend de nous et en un sens à renoncer au bonheur pour l’ataraxie ou à le repenser pour le rendre possible et donc en faire un objet possible de notre volonté. Faire croire aux autres que leur bonheur dépend de nous , c’est les maintenir dans l’illusion, dans la servitude et les détourner d’un travail que chacun doit faire :penser ce qui pourrait le rendre à défaut d’heureux, au moins non malheureux, joyeux et lui procurer de véritables plaisirs.

– il est impossible de faire le bonheur des autres, car le  bonheur, c’est de chercher à se rendre heureux et d’y travailler qui rend heureux, comme le dit Alain.

CONCLUSION : Il est donc possible de désirer le bonheur des autres mais on n’a pas le droit de vouloir faire le bonheur des autres à leur place. Et ce serait de toute façon se donner un but voué à l’échec car chacun a sa conception du bonheur et  par sa définition même le bonheur est en quelque sorte impossible. Ce serait empêcher l’autre de se rendre heureux, en lui imposant notre conception du bonheur,  en le détournant d’une réflexion sur ce qui pourrait faire son bonheur et en le faisant à sa ^lace, au lui enlève la peine de se rendre heureux, qui est peut-être le bonheur lui-même, comme le dit Alain.