Combattre l’injustice n’est-ce pas respecter le droit ?

31 mars 2009 0 Par caroline-sarroul

Respecter : traiter avec considération, estimer OU ne pas porter atteinte à, obéir à une loi

Est-ce : – peut concerner le but, la raison du combat (on combattrait l’injustice au nom du droit, pour le droit ) OU la modalité du combat ( on combattrait l’injustice en respectant le droit, par  le droit)

             – si c’est au nom du droit qu’on combat l’injustice, c’est en faisant quoi ? désobéir est-ce la seule solution ?

L’injustice : ce qui est contraire à la justice, au sens de loi positive ( abus, passe-droit, iniquité) OU ce qui est jugé ou senti comme non conforme à ce qu’on juge ou sent être juste

 I. BUT si on veut combattre l’injustice, c’est au nom de la justice, donc c’est par considération (respect) pour le droit qui est sensé incarner le juste ou dire ce qui est juste.

Même si certains disent que ce combat contre l’injustice n’est qu’une revendication intéressée des faibles, un sentiment né de la jalousie. C’est la position de Calliclès (ce sont les faibles ligués contre les forts qui ont voulu promouvoir la justice de l’égalité et ont décrété injuste la loi de la nature, la loi du plus fort. Mais , ce n’est parce qu’ils sont plus justes, mais simplement “pour être sur le pied d’égalité avec ceux qui valent mieux qu’eux”, “ la foule vante la tempérance et la justice à cause de sa propre lâcheté” , par pur intérêt et jalousie) ou de Nietzsche ( qui fait la même analyse en ce qui concerne le droit moral. La morale chrétienne n’est que le résultat du soulèvement des esclaves et du ressentiment des faibles. Les déshérités sont des êtres “ réactifs” qui se posent en s’opposant aux êtres “ actifs”. Incapables de créer, impuissants car “mal nés” les déshérités essaient  par jalousie pour les êtres “bien nés”( aristocratie) de donner une positivité à leur faiblesse, à leur valeur négative : l’impuissance devient bonté et vertu du renoncement ; la bassesse devient humilité ; l’incapacité d’agir devient patience et maîtrise ; en somme la faiblesse devient une force) , on peut penser que, si derrière la revendication de droits peuvent se cacher des intérêts particuliers, des passions, c’est plutôt le constat objectif de l’injustice qui motive souvent la volonté de rétablir la justice..

 OR le droit positif est sensé incarner la justice car :

– c’est avec lui que sont posées les notions de juste et d’injuste selon Spinoza ; avant le droit, pas de droit et pas de jugement de qui est juste ou pas, on se contente de juger ce qui est bon ou mauvais pour soi

– le droit est une institution qu’ont mis en place les hommes parce qu’ils jugeaient la loi naturelle, la loi du plus fort injuste, parce qu’ils considéraient que le fait ne fait pas le droit

– le droit émane de l’Etat qui est sensé exerce le pouvoir au nom du peuple souverain, gouverner en accord avec les lois, qui expriment la volonté générale, c’est-à-dire un accord rationnel sur ce qui est dans l’intérêt commun (Rousseau)

– si le peuple est souverain, on ne peut penser qu’ils mettent en place des lois contraires à son intérêt et à ses valeurs morales

– la plupart des Etats reconnaissent la référence la Déclaration des droits de l’homme et y plient leur législation

POURTANT c’est souvent le constat qu’il y a distorsion entre la réalité du droit et le droit idéal, qu’il y a distorsion entre droit positif et morale qui est à l’origine du sentiment ou du jugement d’injustice. Si le droit n’est pas ce qu’il doit être ou ne suffit pas faire régner la justice, n’est ce pas en ne le respectant plus , c’est-à-dire en ne lui obéissant pas qu’on peut combattre l’injustice et rétablir la justice ?

 

II. MOYEN : si on veut combattre l’injustice, c’est peut-être en ne respectant pas la lettre du droit positif que l’on fera progresser la justice, l’esprit des lois

– même si le droit positif est conforme à ce qu’il doit être, le droit positif vise avant tout la coexistence des libertés et la sécurité, il demande de respecter les droits des autres au nom d’une réciprocité de droits et de devoirs, mais la morale ou le droit naturel exige parfois d’aller plus loin que ce qu’exige la loi ( ex. aumône) ou même d’aller contre ( ex. refuser de faire usage de son droit de propriété par solidarité ou pitié ou charité envers celui qui souffre des inégalités).

– on peut aussi être contraint de suppléer à un Etat défaillant ou démuni OU qui estime que ses fonctions se réduisent aux fonctions régaliennes.

– mais parfois le droit n’est pas ce qu’il doit être , l’Etat abuse et dérive, comme le soulignent Pascal, Marx et même Rousseau et dans ce cas, il n’est que la légitimation de la force, du fait, des inégalités et des injustices et on ne peut que renoncer à y obéir pour combattre l’injustice

 Ceci dit  faire cela, c’est laisser l’Etat se déresponsabiliser ou lui donner des arguments pour se renforcer, se durcir ( Alain) ou à l’inverse travailler à sa ruine ( perte d’autorité, fin du caractère sacré des lois). OR si on combat l’injustice, c’est parce que l’on croit que la justice est possible et que le droit est sensé l’incarner. Dans ce cas comment la combattre sans le terrasser ?

III. On peut combattre l’injustice en considérant le droit et en le respectant

– C’est le pari de Socrate dans Criton :alors que son ami l’invite à s’évader et propose de payer les geôliers, Socrate développe les deux arguments suivants :

·         Il faut toujours suivre ses propres principes, si on n’en a pas de meilleurs, et non les circonstances.

·         Il ne faut pas répondre à l’injustice par l’injustice, ni répondre au mal par le mal : il ne faut jamais commettre volontairement une injustice ; quelles que soient les circonstances, l’injustice est un mal et une honte ;  « il vaut mieux subir une injustice que la commettre »

·         ça va  détruire les lois, ce serait rompre le pacte social

– Alain et le devoir de résistance, qui condamne une désobéissance systématique donnant des prétextes à l’Etat pour devenir tyrannique

– la religion civile de Rousseau : souvent ce qu’on appelle injuste, ce n’est que ce qui n’est pas dans notre intérêt

on peut combattre l’injustice en travaillant à la réforme de l’Etat plutôt qu’à son affaiblissement.