Les XVIème et XVIIème siècle

14 juillet 2009 0 Par caroline-sarroul

 Machiavel (1469-1527):

C’est dans Le Prince qu’il a écrit « la fin justifie les moyens » et qui lui vaut le qualificatif de ”machiavélique”. Mais pour lui, cela signifie que le Prince se doit de conserver le pouvoir pour assurer l’ordre dans l’intérêt de tous. Et pour cela, en effet, tout est possible, même des moyens discutables d’un point de vue moral. Mais c’est parce qu’il distingue morale et politique, ainsi que vie privée et action politique, « aux lois universelles de la morale le prince est tenu dans sa privée, comme le humble de ses sujets.», et cela parce que si un Prince veut se comporter moralement dans sa manière de gouverner, il ne pourra conserver son pouvoir, les hommes étant méchants. Le Prince doit dès lors être craint par le peuple plutôt qu’aimé (sans être haï), il peut en cela user de la force, de la ruse, et de la virtù. « Si un prince veut conserver son trône il doit apprendre à savoir être méchant et recourir à cet art ou non selon les circonstances. »

  Hobbes (1588/1679) ” A l’état de nature l’homme est un loup pour l’homme, à l’état social l’homme est un dieu pour l’homme”

 A l’état de nature ( c’est-à-dire avant la création de l’Etat civil), c’est la “guerre de tous contre tous”, tous les hommes étant égaux et animés de la même passion de la liberté au sens d’indépendance et de pouvoir. D’où l’idée que “l’homme est un loup pour l’homme” à l’état de nature, formule que Hobbes reprend à Plaute. En raison de cette agression permanente l’homme ne peut pas vivre en société sauf s’il renonce à ses droits naturels. Il faut créer une instance supérieure à qui les hommes donnent tous leurs pouvoirs, se soumettent entièrement en échange de leur sécurité. Dès lors,  “à  l’état social, l’homme est un dieu pour l’homme”, l’homme étant ici le souverain au pouvoir absolu proposé et décrit dans son livre Le léviathan. Cette représentation suffit à expliquer l’absolutisme que Hobbes soutenait, lui, qui vivait dans une Angleterre déchirée par des guerres civiles faute d’un pouvoir suffisant. Le corps du souverain est constitué des hommes qui lui obéissent.

Au XVIIIème siècle, Rousseau verra le pacte social proposé par Hobbes comme un absurde et illégitime contrat d’esclavage, les hommes ne pouvant aliéner leur liberté pour leur sécurité.

 Descartes (1596/1650)

La méthode est la condition même de toute recherche de la vérité, elle débute par le doute et s’accomplit par des règles précises pour bien penser, exposées dans le Discours de la méthode ( règle de l’évidence, « Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ; c’est-à-dire, d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute»; règle de l’analyse, « Le second, de diviser chacune des difficultés que j’examinerais, en autant de parcelles qu’il se pourrait, et qu’il serait requis pour les mieux résoudre»; règle de la synthèse, « Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu comme par degrés jusques à la connaissance des plus composés, et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres» et enfin règle du dénombrement, « Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre. » La première certitude et celle qui peut servir de modèle à toutes les autres, c’est le fameux  « Cogito ergo sum » qui signifie que je ne peux pas penser sans savoir en même temps conscience  que je pense, ce qui fait que l’on peut définir l’homme comme “une substance pensante”, comme  un être doué de conscience réfléchie et de soi, mais qui ne permet pas pour autant de le définir en tant qu’individu distinc des autres. Descartes est aussi ce lui qui a dit :

– que grâce aux applications techniques des découvertes scientifiques, l’homme va devenir  « comme maître et possesseur de la nature», d’autant que Descartes désenchante la nature en  ramenant à la matière, substance étendue et les êtres vivants à de simples machines, théorie des animaux machines qui réduit l’animal à une montre. Répresentation mécaniste du vivant qui sera vivement critiqué par Kant qui rappelle que le vivant est animé d’une “force formatrice” qui fait qu’il ne se réduit pas à un assemblge de pièces, mais est capable de s’autoréparer, de s’autoorganiser, de s’adapter et de se reproduire.

“je ne suis pas simplement logé dans mon corps comme un pilote en son navire”: Descartes est un philosophe dualiste, c’est-à-dire qu’il distingue la substance pensante (âme) et la substance étendue ( corps); mais il est obligé de reconnaître que pour que l’âme commande le corps et soit affectée de ce qui l’affecte, il doit y avoir un point de contact, c’est la “glande pinéale” ( seul organe non double du cerveau). Une glande qui a fait l’objet de bien des commentaires!

“quelques autres animaux nous expriment leurs passions, ils nous exprimeraient aussi bien leurs pensées s’ils en avaient”: pour Descartes, si les animaux communiquent, seul l’homme parle, c’est-à-dire est capable de composer un discours qui fasse entendre sa pensée, et cela sans passion , c’est-à-dire sans contrainte ni impulsion, donc librement. Mais c’est aussi parce qu’il parle, qu’il pense, comme le reprécisera Hegel. “On ne peut penser sans les mots”.

– “Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde ; et généralement de m’accoutumer qu’il n’y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées, en sorte qu’après que nous avons fait notre mieux touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est au regard de nous absolument impossible”. Cette troisième maxime de la morale provisoire de Descartes en attendant de fonder rationnellement la morale est trés inspirée de la morale des stoïciens qui pour atteindre l’ataraxie ( la paix de l’âme), invitaient à distinguer ce qui dépend de nous ( nos volontés et représentations) de ce qui ne dépend pas de nous (tout le reste), et à ne s’attacher qu’à ce qui  ne dépend que de nous pour ne pas souffrir. Les deux autres maximes de cette morale provisoire sont: “obéir aux lois et coutumes de son pays”, être le plus ferme et le plus résolu dans les actions même si on doit se contenter de suivre des opinions douteuses et incertaines ( ex. du voyageur perdu dans la forêt qui ne peut en sortir qu’en prenant au hasard un cap et en s’y tenant).

– Descartes reprend  la preuve ontologique de l’existence de Dieu de Saint-Anselme. Si Dieu n’existait pas, il lui manquerait quelque chose, il ne serait donc pas parfait et ne serait pas Dieu et nous ne pourrions pas expliquer la présence de cette idée de perfection en nous.

–  Descartes est le père du libre-arbitre, “ce pouvoir de fuir ou poursuivre ce que l’entendement nous propose”. C’est-à-dire de dire oui ou non, donc de choisir et cela de manière spontanée et contingente. Ceci dit, ce pouvoir étant infini, la volonté peut s’aventurer au-delà des limites de l’entendement, de ce que nous savons, dans l’indifférence, d’où nos erreurs et nos fautes. D’où aussi l’idée que la connaissance bien loin de diminuer notre liberté de choisir, la renforce. On sait au moins entre quoi et quoi nous choisissons et restons libre de prendre le faux plutôt que le vrai, ou le mal plutôt que le bien.

Pascal ( 1623/1662)

« Toute notre dignité réside dans notre pensée. » L’homme est capable de prendre conscience de sa misère et de se détourner du divertissement qui l’illusionne et le piège dans la vanité.

«C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi, Dieu sensible au cœur»: pour Pascal, il y a en effet les vérités de la raison et les vérités du coeur. Les uns sont discurcives, les autres intuitives. Et l’incapacité de prouver les unes par les autres soulignent plus l’impuissance de la raison que l’incertitudes des intuitions du coeur. Attention , le coeur n’est pas ici le siège des sentiments.

– il est l’auteur du pari, argument trouvé pour aller “convertir” sur leur terre les athées rationnalistes. Avec une chance sur deux de gagner l’infini, comment ne pas parier sa vie finie et misérable sur le fait que Dieu existe.

“Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie.”: le ciel doit être habité, misère de l’homme sans Dieu, qui seul peut sauver.

 

   Spinoza (1632/1677)

la nature est un tout, Dieu est la nature ( panthéisme) et chaque partie est animée d’une partie de la puissance divine. Cette puissance, c’est le désir, “cet effort pour persévérer dans notre être” qui détermine la valeurs des choses pour nous. C’est ce que Spinoza appelle aussi le Conatus, et « ce qui fonde l’effort, le vouloir, l’appétit, le désir, ce n’est pas qu’on ait jugé qu’une chose est bonne ; mais, au contraire, on juge qu’une chose est bonne par cela même qu’on y tend par l’effort, le vouloir, l’appétit le désir. ».

Du coup l’homme n’est pas à part dans la nature, il est soumis aux mêmes lois, à la même nécessité. Il n’est pas un « empire dans un empire ».  Cependant, l’homme ignore les causes qui le déterminent à agir, il est dans l’illusion du libre arbitre. Les hommes se croient libres car ils ignorent les causes qui les déterminent dans leurs actions. Ce qu’il illustre avec le fameux exemple de la pierre.

Cependant, pour lui qui critique le libre-arbitre de Descartes, la liberté ne s’oppose pas à la nécessité, mais à la contrainte, synomyme de passivité et de passion. La liberté c’est le fait de comprendre et de participer activement par cette compréhension à la nécessité.

 Locke( 1632/1704) , philosophe anglais empiriste pour qui, contrairement aux innéistes et rationalistes, toute connaissance vient de l’expérience. C’est ce qu’il illustre avec la fameuse image de la table rase, surface de cire vierge de toute empreinte, surlaquelle vous venir s’imprimer les idées: « supposons donc qu’au commencement l’âme est ce qu’on appelle une table rase, vide de tous caractères, sans aucune idée, quelle qu’elle soit. Comment vient-elle à recevoir des idées ? Par quel moyen en acquiert-elle cette prodigieuse quantité que l’imagination de l’homme, toujours agissante et sans bornes, lui présente avec une variété presque infinie ? D’où puise-t-elle tous ces matériaux qui sont comme le fond de tous ses raisonnements et de toutes ses connaissances ? A cela je réponds en un mot, de l’expérience : c’est là le fondement de toutes nos connaissances, et c’est de là qu’elles tirent leur première origine. Les observations que nous faisons sur les objets extérieurs et sensibles, ou sur les opérations intérieures de notre âme, que nous apercevons et sur lesquelles nous réfléchissons nous-mêmes, fournissent à notre esprit les matériaux de toutes ses pensées. Ce sont là les deux sources d’où découlent toutes les idées que nous avons, ou que nous pouvons avoir naturellement.”