Enfants sauvages

13 septembre 2009 0 Par caroline-sarroul

? Victor de l’Aveyron  a été trouvé en 1798 dans une forêt. On estime alors qu’il a onze ans et qu’il est  atteint d’un « idiotisme » irrécupérable selon Dr Pinel. Confié à l’Institut des sourds-muets que dirige Jean Itard, ce médecin reprend la description mais non le diagnostic d’idiotisme :

« Procédant d’abord par l’exposition des fonctions sensoriales du jeune sauvage, le citoyen Pinel nous présenta ses sens réduits à un tel état d’inertie que cet infortuné se trouvait, sous ce rapport, bien inférieur à quelques-uns de nos animaux domestiques ; ses yeux sans fixité, sans expression, errant vaguement d’un objet à l’autre sans jamais s’arrêter à aucun, si peu instruits d’ailleurs, et si peu exercés par le toucher, qu’ils ne distinguaient point un objet en relief d’avec un corps en peinture : l’organe de l’ouïe insensible aux bruits les plus forts comme à la musique la plus touchante : celui de la voix réduite à un état complet de mutité et ne laissant échapper qu’un son guttural et uniforme : l’odorat si peu cultivé qu’il recevait avec la même indifférence l’odeur des parfums et l’exhalai­son fétide des ordures dont sa couche était pleine ; enfin l’organe du toucher restreint aux fonctions mécaniques de la préhension des corps. Passant ensuite à l’état des fonctions intellectuelles de cet enfant, l’auteur du rapport nous le présenta incapable d’attention, si ce n’est pour les objets de ses besoins, et conséquemment de toutes les opérations de l’esprit qu’entraîne cette première, dépourvu de mémoire, de jugement, d’aptitude à l’imitation, et tellement borné dans les idées même relatives à ses besoins, qu’il n’était point encore parvenu à ouvrir une porte ni à monter sur une chaise pour atteindre les aliments qu’on élevait hors de la portée de sa main ; enfin dépourvu de tout moyen de commu­nication, n’attachant ni expression ni intention aux gestes et aux mouvements de son corps, passant avec rapidité et sans aucun motif présumable d’une tristesse apathique aux éclats de rire les plus immodérés ; insensible à toute espèce d’affections morales ; son discernement n’était qu’un calcul de gloutonnerie, son plaisir une sensation agréable des organes du goût, son intelligence la susceptibilité de produire quelques idées incohérentes, relatives à ses besoins ; toute son existence, en un mot, une vie purement animale. »

Du coup, il va s’efforcer de l’éduquer. Il notera dans 2 écrits les progrès de Victor:

– 1801, Mémoire sur les premiers développements de Victor de l’Aveyron, que vous pouvez lire là:

 http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/file/jean_itard_memoire.pdf

– 1806 (publié en 1807), Rapport sur les nouveaux développements de Victor de l’Aveyron.

Même si Victor ne parlera jamais et gardera des comportements de « sauvagerie », il fera des progrès:

– il parvient à marcher debout

– Itard débute son enseignement par un travail sur la voix. Une raison explique ce choix initial : Victor est indifférent aux sons de la voix humaine qui ne paraissent constituer pour lui que des sonorités dépourvues de signification. L’attention de Victor était visuelle.
Il faudra attendre « 4 à 5 mois après son arrivée » pour que l’élève relie l’audition de voix à la proximité d’une personne. Quelques semaines plus tard, il détourne la tête à l’audition du [O].

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=lVZmER6m12k[/youtube]

Extrait du film de F.Truffaut, L’enfant sauvage.

Pour Itard cette première manipulation d’un « matériau linguistique » signe son accès à la reconnaissance subjective et humaine.
Itard exploite cette reconnaissance d’un phonème pour introduire Victor au signe linguistique. Un élément devrait jouer en sa faveur : le son [o] correspond à un signe (eau) qui réfère à un élément naturel aussi nécessaire à Victor dans son habitat actuel qu’il le fut dans sa solitude forestière. La tentative est un échec : l’enfant ne prononcera pas le son et n’utilisera pas le lien entre le signe et le référent.
Les résultats suivants sont plus encourageants : Victor prononce « lait » et associe la suite de son au liquide versé dans la tasse. Il imite certains sons, et peu à peu parvient à articuler toutes les voyelles, sauf le U  avec seulement les trois consonnes [l], [d] et [j] 
Par contre à l’écrit, il est capable d’établir  un rapport entre un signe iconique et le référent.
Itard fait alors construire des petites boîtes au fond desquelles sont dessinées les lettres de l’alphabet. On forge par ailleurs des lettres en métal que l’enfant devra placer dans les boîtes. Victor parviendra à mener à bien cette tâche au prix de petites confusions.

– conscience de l’injustice et du juste.

? en 1920, on a trouvé deux fillettes de 18 mois  et 8 ans:

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=VQIinFv9V14[/youtube]