Faut-il préférer la vertu au plaisir?

22 avril 2010 0 Par caroline-sarroul

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Nestle s’appuie ici dans les deux premières pubs ( la première réalisée par E. Chatiliez) sur une opposition classique entre plaisir et vertu (le devoir de dire la vérité). 

Même si en tant qu’être de raison, la véracité, condition de la confiance nécessaire à la vie familiale et par extension sociale  devrait l’emporter sur l’agréable immédiat, comment, en tant qu’être de désir,  ne pas succomber au plaisir du chocolat, immédiat, à portée de cuillère?

C’est donc bien un vice, un  « péché » qui est ici donné à voir et qui au lieu de recevoir notre désapprobation, nous amuse.

–  soit parce que ce péché  ne paraît pas être un: c’est  une enfant innocente qui énonce la règle qu’elle est en train de transgresser sans culpabilité et , donc semble-t-il, sans une conscience pleine de sa valeur morale et impérative… Elle récite la leçon de la raison ( incarnée par l’autorité du père, Freud ne serait pas insensible à cela!) mais elle ne l’a visiblement pas intégrée. La règle  reste  extérieure ( il paraît que d’après mon père, il ne faut pas manger de mousse au chocolat avant le repas…) et l’enfant reste, elle, dans sa logique du désir ou plutôt dans celle de la nature, dénuée de culture et d’artifice. Cet état de nature, pourrait-on dire, est celui dans lequel nous étions avant  la pression des interdits ( la gourmandise est un péché!) , des injonctions à rester maître de soi et de coller à une image de la beauté. Et c’est la nostalgie de l’innocence impossible à retrouver pour nous ( on ne peut pas faire comme si on ne savait pas!) qui nous séduit ici…Dans le même sens, l’appel à la SPA pour dénoncer un Maurice pourrait nous rappeler le temps où nous nous racontions des histoires et jouions à nous faire peur ou plaisir, là aussi, avec naïveté et crédulité. C’est donc notre innocence perdue qui nous séduit ici, d’autant qu’elle rend le chocolat ou chocosuisse à nouveau accessible. Nous, voilà, flattés à plusieurs niveaux!

– soit parce que ce péché est assumé pleinement par la petite fille, qui énonce la règle et la transgresse avec  légèreté. Elle n’est pas prisonnière de la « moralité de moeurs », elle n’est pas dans le « non » à la règle ( ce n’est pas l’âge du Non , l’ado qui brave ses parents ou le rebelle qui se définit par la transgression, par le non à toute limite; en poser une, c’est le pousser à la dépasser), mais dans un « oui ».

On pourrait voir ici des accents nietzschéens. Relisez ou découvrez les trois métamorphoses de l’esprit dans Ainsi parlait Zarathoustra, où au chameau croulant sous le poids du « tu dois! » est remplacé par le lion refusant la contrainte qui va devenir l’enfant qui incarne « l’innocence, l’oubli, un nouveau commencement, un jeu, (…) un « oui » sacré ». C’est la maturité de l’innocence affirmative et vivante contre la morale mortifère.

-soit parce que faire endosser la faute au pauvre Maurice est une défense et illustration de la « mauvaise foi » qui nous caractérise tous, selon Sartre. Mais là encore, cette mauvaise foi, chez un enfant, n’a pas le même effet que lorsque nous prenons en flagrant délit un adulte ou même nous-même. Le silence de la mère est d’ailleurs ici éloquent, encore une fois, comment ne pas pardonner à ceux qui ne savent pas ce qu’ils font… ou le font avec autant d’innocence et de naïveté, qui peut bien tromper ce mensonge?

– soit parce que ces deux enfants incarnent une perversion que nous avons tous, celle du chocolat! Un miroir adouci par des visages angéliques de nous-mêmes, qui nous invitent à nous abandonner à la perversion bien innocente, il ne s’agit que de chocolat et de plaisir des papilles qui n’engage que soi, même si par là on ruine la confiance nécessaire à la vie en commun. Cette vie en commun n’exige-t-elle pas déjà bien des sacrifices à l’individu? Un petit plaisir personnel chocolaté n’est pas grand chose  en échange des sacrifices exigés pour vivre ensemble.