Critiques de Freud

10 octobre 2010 0 Par Caroline Sarroul

 

Le psychanalyste Lacan, à la fin de sa vie, le 26/01/1977 ( quelque peu sénile, diront certains!), aurait avoué :  « Notre pratique est une escroquerie. Bluffer, faire ciller les gens, les éblouir avec des mots qui sont du chiqué, c’est quand même ce qu’on appelle d’habitude du chiqué… Du point de vue éthique, c’est intenable, notre profession… Il s’agit de savoir si oui ou non Freud est un évènement historique. […] Je crois qu’il a raté son coup. C’est comme moi, dans très peu de temps, tout le monde s’en foutra de la psychanalyse. »

Freud savait qu’il serait critiqué car son hypothèse, bien que nécessaire ( nous ne sommes pas transparents à nous-même!), légitime ( son hypothèse est un gain herméneutique – permet d’interpérter et donner du sens à ce qui n’en avait pas avant- et thérapeutique – selon Freud la psychanalyse libère et guérit)  est dérangeante.

             D’abord parce qu’elle met au centre la sexualité et parce que selon Freud, par elle, la science inflige à l’homme, sa 3ème blessure narcissique:

 « Dans le cours des siècles, la science a infligé à l’égoïsme naïf de l’humanité deux graves démentis. La première fois, ce fut lorsqu’elle a montré que la terre, loin d’être le centre de l’univers, ne forme qu’une parcelle insignifiante du système cosmique dont nous pouvons à peine nous représenter la grandeur. Cette première démonstration se rattache pour nous au nom de Copernic, bien que la science alexandrine (1ait déjà annoncé quelque chose de semblable. Le second démenti fut infligé à l’humanité par la recherche biologique, lorsqu’elle a réduit à rien les prétentions de l’homme à une place privilégiée dans l’ordre de la création, en établissant sa descendance du règne animal et en montrant l’indestructibilité de sa nature animale. Cette dernière révolution s’est accomplie de nos jours, à la suite des travaux de Ch. Darwin, de Wallace’ et de leurs prédécesseurs, travaux qui ont provoqué la résistance la plus acharnée des contemporains. Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu’il n’est seulement pas maître dans sa propre maison, qu’il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique. Les psychanalystes ne sont ni les premiers ni les seuls qui aient lancé cet appel à la modestie et au recueillement, mais c’est à eux que semble échoir la mission d’étendre cette manière de voir avec le plus d’ardeur et de produire à son appui des matériaux empruntés à l’expérience et accessibles à tous. D’où la levée générale de boucliers contre notre science, l’oubli de toutes les règles de politesse académique, le déchaînement d’une opposition qui secoue toutes les entraves d’une logique impartiale » Sigmund Freud, Introduction à la psychanalyse (1916), Ile partie, chap. 18

(Après  Copernic ( théorie héliocentriste est évoqué dès  1514 dans un court traité d’astronomie, mais c’est en 1530 dans un texte publié après sa mort qu’il sera condamné en 1616 à titre posthume par l’Eglise défendant la théorie géocentriste aristotélicienne; Galilée sera lui condamné à abjurer par l’Inquisition en 1633 à propos de la publication de Les deux grands systèmes du monde, où il exposait de manière partiale, semble-t-il, le géocentrisme aristotélicien et la révolution copernicienne, ), et Darwin ( et sa théorie de l’évolution par sélection naturelle exposée en 1859 dans L’origine des espèces, à laquelle s’opposent encore aujourd’hui les tenants du créationnisme). L’homme n’est pas le centre de l’univers, n’est qu’un animal évolué et n’est même pas le centre de lui-même: « le moi n’est pas seulement maître dans sa propre maison » contraint qu’il est d’obéir à 3 maîtres : le ça, le surmoi et le principe de réalité.)

  •  Les philosophes ont bien du mal à accepter cette hypothèse qui ruine en partie le projet de la philosophie ( ou en annonce la fin!!)  , la connaissance de soi et le triomphe de la arison OU la psychanalyse qui est en quelque sorte sa concurrente dans ce projet de connaissance de soi.

C’est que soulignait Derrida dans un article ( Let us not forget- Psychoanalysis) en introduction d’une conférence de René Major du 16/12/88 à la Sorbonne, intitulée la Raison depuis l’inconscient.

Il notait qu’après avoir « démesurément » triomphé dans les années 60/70, la psychanalyse n’est plus dans les années 80/90 dans « l’air du temps philosophique ».

« La psychanalyse n’est plus à la mode » après avoir « repoussé la philosophie loin de son centre, obligeant le discours philosophique  à compter avec une logique de l’inconscient, au risque de se laisser déloger de ses certitudes les plus fondamentales, au risque de souffrir l’expropriation de son sol, de ses actions, de ses normes et de son langage, bref de ce que les philosophes considéraient comme la raison philosophique, la décision philosophique même, au risque de souffrir donc, l’expropriation de ce qui, associant cette raison, bien souvent,à la conscience du sujet ou du moi, à la  représentation, à la liberté, à l’autonomie, semblait aussi garantir l’exercice d’une authentique responsabilité philosophique. »

 » Ce qui s’est passé, dans l’air du temps philosophique, si je me risque à le caractériser de façon massive et macroscopique, c’est qu’après un moment d’angoisse intimidée,certains philosophes se sont ressaisis. Et aujourd’hui, dans l’air du temps, on commence à faire comme si rien ne s’était passé, comme si la prise en compte de l’évènement de la psychanalyse, d’une logique de l’inconscient, de ses »concepts inconscients » même, n’était plus de rigueur, n’avait même plus sa place dans quelque chose comme une histoire de la raison: comme si on pouvait continuer tranquillement le bon vieux discours des Lumières, revenir à Kanr, rappeler à la responsabilité éthique ou juridique ou politique du su et en restaurant l’autorité de la conscience, du moi, du cogito réflexif, d’un « je pense » sans peine, sans paradoxe, comme si, dans ce moment de restauration philosophique qui est l’air du temps, car ce qui est à l’ordre du jour, à l’ordre moral de l’ordre du jour, c’est une espèce de restauration honteuse et bâclée, comme s’il s’agissait donc de mettre à plat les exigences dites de la raison dans un discours purement communicationnel, informationnel et sans pli; comme s’il redevenait légitime, enfin, d’accuser d’obscurité ou d’irrationalisme quiconque complique un peu les choses en s’interrogeant sur la raison de la raison, sur l’histoire du principe de raison ou sur l’évènement, peut-être traumatique, que constitue quelque chose comme la psychanalyse dans le rapport à soi de la raison »

1. critique épistémologique de Karl Popper dans La science: conjectures et réfutations ( 1963)  : la théorie de Freud ne relève pas de la science, mais d’une pseudo science ne pouvant pas satisfaire le critère de falsifiabilité propre aux énoncés scientifiques.

– un extrait : ici ;  un débat sur sa thèse avec les arguments d’ Adolf Grünbaum  : ici

2. critique morale d’Alain dans Eléments  de philosophie ( Livre Il, ch. XVI, note 146 ; 1941)

« Le freudisme, si fameux, est un art d’inventer en chaque homme un animaI redoutable, d’après des signes tout à fait ordinaires; les rêves sont de tels signes; les hommes ont toujours interprété leurs rêves, d’où un symbolisme facile. Freud se plaisait à montrer que ce symbolisme facile nous trompe et que nos symboles sont tout ce qu’il y a d’indirect. Les choses du sexe échappent évidemment à la volonté et à la prévision; ce sont des crimes de soi, auxquels on assiste. On devine par là que ce genre d’instinct offrait une riche interprétation. L’homme est obscur à lui-même ; cela est à savoir. Seulement il faut éviter ici plusieurs erreurs que fonde le terme d’inconscient. La plus grave de ces erreurs est de croire que l’inconscient est un autre Moi; un Moi qui a ses préjugés, ses passions et ses ruses ; une sorte de mauvais ange, diabolique conseiller. Contre quoi il faut comprendre qu’il n’y a point de pensées en nous sinon par l’unique sujet, Je ; cette remarque est d’ordre moral. […]  L’inconscient est une méprise sur le Moi, c’est une idolâtrie du corps. On a peur de son inconscient; là se trouve logée la faute capitale. Un autre Moi me conduit qui me connaît et que je connais mal. L’hérédité est un fantôme du même genre. « Voilà mon père qui se réveille; voilà celui qui me conduit. Je suis par lui possédé. » […]  « Rien ne m’engage. » « Rien ne me force. » « Je pense donc je suis. » Cette démarche est un recommencement. Je veux ce que je pense, et rien de plus. La plus ancienne forme d’idolâtrie, nous  la tenons ici; c’est le culte de l’ancêtre, mais non purifié par l’amour. « Ce qu’il méritait d’être, moi je le serai.» Telle est la piété filiale.  En somme, il n’y a pas d’inconvénient à employer couramment le terme d’inconscient; c’est un abrégé du mécanisme. Mais, si on le grossit, alors commence l’erreur; et, bien pis, c’est une faute. »

3. Je vous laisse juge de celle d’ Onfray( j’avoue ne pas avoir lu ce livre) , elle-même vivement critiquée:

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=zFCMjZ9-HUg[/youtube]

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=7iWMTGsWLI8[/youtube]

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=BtapHMDZxnI[/youtube]