Choisit-on d’être libre?

19 mai 2012 0 Par Caroline Sarroul

Il peut sembler que nous ayons le choix d’être libre puisque nous semblons pouvoir  choisir de ne pas être libre. Il semble possible de renoncer à sa liberté pour différentes raisons : pour garder sa vie sauve, sa sécurité ( il peut sembler que se soumettre à des lois pour sa sécurité – contrat de Hobbes- soit faire le choix de ne pas être libre),  pour bénéficier du confort d’être déresponsabilisé et de ne pas avoir à choisir. Mais ce choix présuppose la liberté, choisir de renoncer à sa liberté, c’est faire un choix et donc affirmer une dernière fois sa liberté, la servitude reste volontaire. Si on peut ne pas être libre sans l’avoir choisi comme l’animal ou le chou-fleur ( pris comme exemple par Sartre), on n’a pas le choix de ne pas être libre quand on est homme et donc libre. C’est la thèse paradoxale de Sartre, nous sommes « condamnés à être libre ». La liberté est ce qui nous « définit », ce qui fait que nous avons à nous définir. Donc si faire le choix de ne pas être libre, c’est encore faire un choix et affirmer sa liberté, alors on ne choisit pas d’être libre. Mais être libre, est-ce seulement être par essence libre ou est-ce avoir une existence libre ?

En effet , on peut penser que pour être de fait libre, il faut faire un travail de libération aussi bien à l’intérieur de soi ( lutte contre l’esclavage du désir, contre notre inconscient, le poids du « courant social » qui nous condamnent à l’hétéronomie, si nous = notre raison ou notre moi) qu’au dehors en mettant en place les conditions d’une existence libre ( la conquête de la liberté dans l’histoire par une lente prise de conscience que tout homme est libre – Hegel- ; le contrat de Rousseau, le citoyen actif qui ne laisse pas s’installer u pouvoir paternaliste – Tocqueville – « obéir en résistant, c’est tout le secret » Alain …). Donc on choisit d’être libre dans notre existence car ce travail de libération exige un engagement personnel, une décision de sortir du confort de la minorité pour assumer ses responsabilités et sa liberté. Mais a-t-on vraiment d’autres choix, et donc le choix de ne pas faire ce choix ?

On peut penser que le fait que « nous naissions libres et égaux en droits » nous contraint en un sens à travailler à faire en sorte que cette liberté soit reconnue et respecter ; on peut penser que l’on ne peut pas renoncer à sa liberté, car ce serait « renoncer à notre qualité d’homme », comme le souligne Rousseau ; que cette liberté, qui fait de nous des sujets ayant une valeur absolue et une dignité à respecter, nous oblige en retour. On ne peut pas ne pas faire ce travail de libération, on ne choisit pas d’être libre ( par essence) et d’avoir à conquérir cette liberté ( dans l’existence). Nous sommes libres, mais cette liberté est sans cesse à conquérir et préserver.

[A moins que cette conception de la liberté ne soit comme le suggère Russell après Nietzsche, qu’une conception de la liberté à l’avantage des faibles ou de ceux qui nous gouvernent. A moins que la liberté ne soit pas dans la maîtrise de soi, de nos désirs par notre raison ou même ne soit pas du tout. Dans ce cas, tout choix n’est qu’illusion de liberté et on ‘a pas le choix d’être libre puisque on n’a pas choisi de ne pas être libre.]