Extrait 2 : de l’âme au sujet

7 juillet 2012 0 Par Caroline Sarroul

                     Plan de l’oral

– Faire d’abord une courte intro générale ( la même pour tous les textes)

  • Rapide présentation de Russell et du livre
  • L’enjeu de Science et religion : la réflexion de Russell a ici pour objet de retracer les relations conflictuelles entre la science d’une part et la religion d’autre part (principalement le Christianisme). Il essaie de montrer, en analysant les exemples historiques qui ont vu l’affrontement de la science et de la religion, en quoi la science est par nature opposée à la pensée religieuse, quand bien même elle est l’œuvre de croyants sincères (comme Newton par exemple)
  •  Ensuite introduire l’extrait en le situant et en donnant son enjeu ( son thème et sa thèse)
  • Enfin expliquer le texte

Présentation de l’extrait:   Dans ce chapitre, nous arrivons sur le terrain de la psychologie (étymologiquement : la science de la psyché, c’est-à-dire de l’âme en grec). Le conflit entre science et religion met ici en jeu la question de l’âme et de son immortalité, mais aussi la question du libre arbitre (qui sera développée plus longuement au chapitre suivant).

  Pour Russell, la notion d’âme n’est pas scientifique ; elle relève de la religion. La psychologie étudie les états mentaux, mais pas l’âme (on parlera plutôt d’esprit dans un sens non religieux, mind en anglais, et non spirit). Or, l’idée d’âme est  une idée religieuse fondamentale, qu’elle intervienne dans la croyance en la métempsycose (doctrine selon laquelle une même âme peut animer successivement plusieurs corps humains, animaux, voire de végétaux) ou dans la croyance en l’éternité de l’âme (l’âme immatérielle immortelle s’oppose alors au corps matériel périssable). La notion d’âme est d’origine religieuse. Russell défend la filiation suivante : Pythagore ? Platon ? christianisme. Âme et corps sont alors considérés comme des substances, qui s’opposent tout en étant liées.

Définition de la substance : ce qui existe par soi-même, ce qui se tient ( stance) dessous ( sub) .Elle s’oppose aux attributs ou aux accidents. Alors que les attributs ne peuvent exister seuls (le bleu ne peut exister que s’ils  existent des objets bleus), la substance n’a besoin de rien d’autre pour exister.

Pour Russell, l’origine de la notion de substance est aussi syntaxique : »La notion de « substance » dérive de la syntaxe, et la syntaxe dérive de la métaphysique plus ou moins inconsciente des races primitives, qui ont façonné la structure de notre langage. »( p.85) En grammaire, on distingue le « sujet » et l’ « attribut ». Certains mots peuvent être soit sujet, soit attribut (Ex.: le mot « bleu » est attribut dans la phrase : « Le ciel est bleu. » et sujet dans la phrase : « Le bleu est une couleur froide. »), mais il en est qui ne peuvent être que sujet : ce sont ces mots qui sont censés désigner des « substances. »

Cependant, la science va selon Russell abandonner cette conception substantialiste. La notion de substance va ainsi disparaître de la psychologie et de la physique, ce qui va avoir des conséquences théologiques, en posant 2 problèmes

  • Premier problème : nier la conception substantielle de l’âme et du corps contredit des doctrines comme celle de la résurrection ou de l’immortalité de l’âme.
  • Deuxième problème : il est lié à la notion de causalité ; le déterminisme de la science moderne contredit la notion de libre arbitre, pourtant indispensable au dogme du péché et du paradis céleste. Descartes va dans ce sens distinguer deux substances distinctes : l’âme (dont l’essence est la pensée) et le corps (dont l’essence et l’étendue).? il existerait donc deux séries parallèles de phénomènes, l’une mentale et l’autre physique, chacune possédant ses propres lois. Là où la matière est entièrement déterminée, l’âme, organe de la volonté, conserve son libre arbitre.

Thèse: Mais il note qu’il est bien difficile de se défaire de cette notion de substance et d’âme. Il souligne que le changement de vocabulaire, de mots pourrait laisser penser que chaque mot désigne des entités différentes. En préférant au mot « âme » le mot « esprit », puis le mot « sujet » on pourrait penser qu’en substituant au mot « âme », le mot « sujet » on se serait débarassé de l’âme et de ses présupposés religieux. Mais il n’en est rien, malgré Hume et la stratégie de Kant est un aveu de la résistance de cette notion d’âme et de la religion.

  • Cet extrait   concerne donc  le 1er problème

Après avoir montré que la science a montré qu’un corps est un composé d’atomes changeant et non un tout un et identique qui se conserverait sous des changements, c’est à l’âme et son identité que se sont attaqués philosophes et scientifiques, après Descartes qui lui s’est contenté de remplacer l’âme par le sujet ( le sujet pensant) mais en en restant à l’idée de Substance.

C’est d’ailleurs ce saut substantialiste du « je pense donc je suis » ( résultats du doute hyperbolique) au « je suis une substance pensante » qui va faire l’objet de critiques que reprend ici Russell.

Etapes de la démonstration:

Dans cet extrait, Russell reprend  d’abord la critique de Hume

 Selon Hume pas d’expérience de ce moi-substance , car on bute toujours sur un état du moi, même si nous avons un sentiment d’identité assuré par d’autres choses ( la mémoire, l’habitude, le fait d’être dans le même corps,  reconnaissance des autres, sentiment d’unité et d’identité sous le changement)

Puis il rappelle que  Kant ( lecteur de Hume s’efforçant de prendre en compte ses conclusions) va associer ce Je ( inaccessible selon Hume) à un Je transcendantal, c’est-à-dire qu’il convient de le poser pour expliquer l’identité à soi et toute expérience de cette identité mais qui ne peut faire l’objet d’aucune expérience, d’où distinction entre chose en soi et phénomène, noumène et phénomène. Est transcendantal, ce qui ne peut être l’objet d’aucune expérience mais est la condition de toute expérience.

  1. Russell note que si Kant maintient ce Moi comme substance réelle qui n’est pourtant l’objet d’aucune expérience, c’est en tant que postulat moral, comme l’existence de Dieu ( qui ne peut se prouver d’où la critique de Kant de la preuve ontologique, au fondement des autres preuves cosmologiques et téléologiques –  voir cours sur la religion),  comme la liberté  sans laquelle la morale n’a plus de sens  , ni la religion de pouvoir et de raison d’être ( pour Nieztsche , le libre-arbitre est un « tour de passe-passe des théologiens pour punir, tenir par la culpabilité et donner la possibilité de se sauver ou améliorer sa vie en se lavant du péché originel, tout en innocentant Dieu de l’existence du Mal ) et l’immortalité de l’âme ( sans laquelle nous n’aurions pas le temps de nous perfectionner moralement et peut-être pas la peur ou l’espoir de l’après-mort)
  2. Russell pense enfin que Kant n’est qu’un « gîte d’étape » voué à être abandonné et dépassé par ses successeurs purement empiristes ou phénoménologues : rien d’autres que les faits immédiats, les phénomènes avec leur diversité et leur variations.: pas de substance, mais que  des phénomènes vus selon certains points de vue: pour expliquer la différence entre le corps et l’âme , Russell ne parle plus de dualisme, ni de monisme ( comme Spinoza avec son parallélisme : âme et corps deux attributs d’une même substances), mais d’une différence de points de vue. Et la distinction entre la physique et la psychologie ne repose donc pas sur une distinction ontologique (c’est-à-dire la distinction entre deux substances distinctes, de nature différente : l’âme et le corps), mais sur une différence épistémologique : elles étudient le même objet, mais de deux points de vue différents (l’un externe pour la physique, l’autre interne pour la psychologie).