La ville est en mouvement

Le Pont Neuf, Toulouse, décembre 2016, © NJ

 

Un exercice simple en début de semaine : que suis-je en mesure de dire à propos de la ville en mouvement sur une page ?

 

La ville est en mouvement

La ville est en mouvement depuis sa création même, voilà 15.000 ans (Valla, 2008). Du point de vue de sa forme, de sa morphologie physique, elle évolue dans la manière d’habiter et par la forme de ses institutions. Les commerçants, les services, les habitats, les entreprises et les usines changent de lieu à l’échelle d’une décennie. Les fonctions de la ville qui reprennent les besoins de l’être humain (Malinowski, 1968) évoluent, changent et se diversifient. L’arrivée des secteurs de l’économie marchande à distance a modifié le rapport à la ville et dans la ville. De la ville industrielle et industrieuse du XIXe siècle, elle est passée à la ville des loisirs pour la petite bourgeoisie, à la ville médicalisée pour les générations les plus âgées, à la ville du spectacle permanent et de la mise en scène pour son image. Le mouvement imposé dans la ville par l’obligation de circuler s’adapte aux crises perpétuelles (Revault d’Allonnes, 2012) et se transforme par l’adoption de moyens individuels de transports, au détriment de moyens collectifs. L’ère de la transition écologique néolibérale incite à réduire les émissions de CO2 sans pour autant réduire les distances ni mettre des moyens de transport collectif à disposition des populations captives, entre le périurbain et la ville centre.

D’un point de vue politique et idéologique, elle se recompose à mesure des prises de conscience de la finitude de l’espèce humaine, à l’ère de l’anthropocène (Malaurie, 2008). Les places publiques deviennent plus vastes et mieux contrôlables (Garnier, 1997). L’espace public comme idéologie (Delgado, 2016) transforme la ville en un lieu privilégié pour les classes dominantes. Parce qu’elle est réservée aux hommes, la ville est le fruit d’enjeux de lutte entre les genres et sources des émergences d’identités nouvelles (Ribaud, 2015). L’écologie, récupérée par l’idéologie néolibérale, est perçue comme une alternative à l’extinction de l’espèce. Les luttes pour un droit à la ville ­— Reclaim The Street — appartiennent en propre à la ville (Klein, 2000).

Du point de vue de sa morphologie sociale (Mauss, 1968), la ville évolue à travers des systèmes de parentés et d’alliance matrimoniale (Ghasarian, 1996). De nos jours, les formes sociales de la famille (Segalen, 1981) ont éclaté le modèle traditionnel et se développent dans une multitude d’aspects : famille monoparentale, polyandrie, polygynie, famille homosexuelle, communauté taisible et communitas (Turner, 1990), et s’accompagnent de formes d’habiter particulières (tiny house, nomadisme, squat). Mais c’est aussi l’aternance des espaces domestiques qui modulent la ville dans un mouvement pendulaire plus ou moins régulier. Du point de vue de la ville réputée appartenir au monde, la culture reste la boussole (Warnier, 1999) qui guide et conduit sa population et ses institutions dans et hors du temps économique (Galbraith, 1998). Du point de vue religieux (Mauss & Hubert), la cristallisation du monothéisme accapare l’essentiel des luttes et des guerres à travers le monde. Cependant, les évangélistes et le pentecôtisme d’un côté, l’animisme de l’autre, conservent une place importante et croissante grâce à l’avènement des nouveaux médias (Gutwirth, 1998), aux côtés des religions asiatiques, shintoïsme, taoïsme, bouddhisme, etc. Dans ses rythmes, la ville change sur le cycle circadien et offre une facette jour/nuit toujours plus complexe (Gwiazdzinski, 2016). A l’image de La Moquette, lieu convivial ouvert la nuit dans les années 1990 à Paris, se créent aujourd’hui des lieux capables d’accueillir une vie nocturne, des « maires de nuit » cherchant à réguler cet espace mental.

Depuis la crise sanitaire et l’état de guerre déclaré au virus (Selim, 2020), la ville a vécu plusieurs confinements, sans jamais être revenue à son état de départ. C’est dans cette ville, dans sa globalité et dans ses multiples facettes, que nous allons nous rendre.

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Delgado, 2016, L’espace pubic comme idéologie, Les réveilleurs de la nuit

Galbraith, 1998, Voyage dans le temps économique, Seuil

Garnier, 2010, Une violence éminament comptenporaine : essais sur la ville, la petite bougeoisie intellectuelle et l’effacement des classes populaires, Agone

Ghasarian, 1996, Introduction à l’étude de la parenté, Seuil

Gutwirth, 1998, L’église électronique. La saga des télévangélistes, Bayard

Gwiazdzinski, 2016, La nuit, dernière frontière de la ville, Rhutmos

Klein, 2000, No Logo, la tyrannie des marques, Acte Sud

Malaurie, 2008, Terre Mère, CNRS

Malinowski, 1968, Une théorie scientifique de la cutlure, Seuil

Mauss, 1968, Sociologie et anthropologie, PUF

Mauss & Hubert, 1904, Esquisse d’une théorie générale de la magie, Gallimard

Revault d’Allonnes, 2012, La crise sans fin. Essai sur l’expérience modenre du temps, Seuil

Ribaud, 2015, La ville faite par et pour les hommes, Belin

Selim, 2020, Anthropologie d’une pandémie, L’Harmattan

Turner, 1990, Le phénomène rituel, PUF

Valla, 2008, L’homme et l’habitat, l’invention de la maison durant la préhistoire, CNRS

Warnier, 1999, La mondialisation de la cutlure, La Découverte

P.S. Mon père aurait eu 88 ans aujourd’hui.

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