Qu’est-ce qu’un prolo ?

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/17/antifasciste-antitotalitaire-george-orwell-penseur-visionnaire-du-xxie-siecle_6026153_3232.html

 

Dans la littérature orwellienne, le terme de « proles » désigne la classe la plus basse qui règne dans les quartiers « chauds » de la ville. Une immensité populaire de corps dépenaillés qui arpentent les faubourgs et se rassemblent dans des lieux emblématiques pour scander des slogans xénophobes à la gloire de Big Brother.

De « prole » à prolo, il n’y a qu’un pas, allègrement franchi dans le contexte des années 1940 et qu’Orwell associe au petit peuple sans éducation, sans écriture et sans culture. Mais les prolétaires ne sont-ils réduits qu’à cette image ?

Les Trésors de la Langue Française (TLF) nous permettent de mieux cerner cette notion. « Dans l’antiquité romaine, le prolétaire était le citoyen de la dernière classe déterminée par le cens; exempt d’impôt, n’ayant d’autre bien que sa personne il tenait cette dénomination du fait que son seul espoir de richesse était dans les enfants qu’il pouvait procréer (proles: lignée) (BERN.-COLLI 1981) », nous est-il rapporté. Cette définition coïncide bien avec le sens que donne Orwell dans son livre, réédité en France cette année dans sa version intégrale.

Mais où vivent les prolétaires, ces « gens de peu » qui triment leur vie durant à la recherche d’une ascension sociale qui n’arrivera jamais ? Dans les « quartiers prioritaires » ? Dans les Zones urbaines sensibles ? Sensibles à quoi ? Où vivent les femmes de ménages, des employés destinés à remplir les distributeurs de boissons des gares, les agents de nettoyages, les hordes de livreurs à vélo qui dès le soir venus parcourent la ville pour livrer les victuailles (du Mc Do au sandwich Sarran) ? En plein confinement, cette population a pourtant été en première ligne pour assurer la continuité économique.

 

Contrat de ville – quartiers prioritaires, SIG-Ville 2021

 

Dans cette carte tirée du SIG-Ville, les quartiers prioritaires sont en bleu, et en rouge nous avons les ZUS (zone urbaine sensible). Nous noterons que les « quartiers prioritaires » sont ceux dans lesquels les RASED (réseau d’aide spécialisés aux élèves en difficultés) ont été supprimés. De quelle priorité s’agit-il ? Ces données sont pourtant connues des preneurs de décision.

 

 

Conférence d’Eric Uyttebrouck de  l’université Libre de Bruxelles, mai 2021

 

Le tableau ci-dessus, tiré de l’observatoire des inégalités,  montre en bleu clair la part des enfants de cadres supérieurs en fonction du diplôme, alors que les bâtons noirs montrent la même chose mais pour les enfants d’ouvriers. Nous remarquons une inversion des tendances, alors que la proportion des enfants de cadres supérieurs et d’ouvriers est légèrement plus élevée au collège. Si le « collège unique » institué en 1975 offre à toutes les classes sociales l’idée d’un enseignement commun, nous constatons un éclatement à la sortie qui illustre les disparités entre classes sociales, et le rapport entre classe sociale et le niveau scolaire acquis.

Cependant, le terme de « prolo » semble avoir disparu du vocabulaire au profit de la « classe moyenne » qui n’est pas un synonyme, plus valorisante, plus floue, plus incertaine. La société souhaite-t-elle cacher cette classe « honteuse » ?

 

=> George Orwell, 1984, traduit par Celia Izoard, Marseille : Agone, 2021

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