L’humeur du jour avec Guillaume Erner

 

L’humeur du jour par Guillaume Erner, France Culture

mardi 16 novembre 2021

« Les affiches que l’on voit sur les murs de nos villes en ce moment, comment est-ce possible? On le voit à Paris, on le voit moins à la campagne, mais on ne voit pas comment en quinze minutes une personne peut à la fois remplir un caddie pour vous et surtout vous livrer vos courses en pédalant comme un dératé. Or, le journal Libération consacre un dossier à cette nouvelle tendance, y compris d’ailleurs un test intitulé Quick ou couac ! Et Libé donc de tester la possibilité réelle ou non de se faire livrer des courses, un apéro, bref !, ce que vous voudrez dans le délai imparti. Or, cette promesse, comme disent les publicitaires, se faire livrer ses courses en quinze minutes, on peut la trouver plus que problématique, car qui a besoin de faire ses courses en quinze minutes ? C’est finalement cela, on l’avait vu, la ville du quart d’heure, une ville qui met la pression sur des personnes qui elles doivent tenir la promesse du quart d’heure. En réalité on doit être capable de patienter un peu pour la livraison de votre tasse de lait, par exemple, si vous voulez une livraison immédiate de lait eh bien vous avez peut être la possibilité, truc de dingue, d’aller vous la chercher vous-même. Alors attention, qu’on ne se méprenne pas, il serait absurde de condamner oralement la livraison, les livraisons sont utiles socialement en ce qu’elles permettent aux livreurs de vivre. Je me méfie par exemple de ces vieux thèmes jadis ultras traités où il s’agissait de condamner le métier de caissière, tandis que maintenant, que se métier est condamné, on réalise sont utilité sociale évidente. Non, ce qui paraît problématique c’est de proposer un service dont personne n’a réellement besoin, tout le monde peut patienter plus de quinze minutes, mais si vous construisez cela en norme, alors bientôt tout devra se faire en un quart d’heure. En un quart d’heure nous deviendrons dingues. Et c’est ce que le sociologue Daniel Bell appelait Les contradictions culturelles du capitalisme : comment on veut une société où l’on veut une quiétude pour soi et le chaos pour les autres. »

Voici une réflexion sur une idéologie actuelle qui s’immisce dans les pensées et les actes : celle de la ville du quart d’heure.

Cette notion inventée par Carlos Moreno, titulaire d’une thèse d’informatique portant sur les systèmes sécurisés de visioconférence, écrit dans un ouvrage publié aux éditions de l’Observatoire : « La crise, qui nous oblige maintenant à raisonner à court terme, est une opportunité : celle de penser autrement, non pas la ville, mais la vie dans la ville, de redonner de la force à la proximité, de développer un maximum de services près de chez soi. Et de passer à une autre temporalité, en bas carbone, à pied ou par le biais de mobilités actives – vélo, marche, trottinette -, qui encourage le « proximité multi-servicielle ».  » (p. 168).

Transcription littérale de Noël Jouenne

=> Daniel Bell, The cultural Contradictions of Capitalism, Basic Book, 1976

=> Carlos Moreno, Droit de cité. De la « ville-monde » à la « ville du quart d’heure », Ed. de l’Observatoire, 2020

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