Subjectivité vs objectivité

Vivian Maier, fonds John Maloof

 

La recherche a pour but de montrer en toute objectivité l’état d’une thématique, d’un sujet d’enquête. Mais l’objectivité est toujours ou souvent associée à une part de subjectivité, c’est-à-dire une part de sensibilité qui rend le texte humain, coloré, agréable, etc. Il y a donc un équilibre à trouver entre un texte trop froid, que l’on perçoit souvent dans l’objectivité pure, et un texte trop littéraire que l’on perçoit à travers la subjectivité non critique.

Dit comme cela, il faut maintenant préciser ce qu’on entend par objectivité et par subjectivité, et comment lier les deux termes dans une démarche heuristique. Parce qu’évidemment, l’objectivité n’est pas le seul moyen d’atteindre la connaissance. Des récits très subjectifs peuvent aussi apporter des éléments de connaissance dans un domaine donné. Le plus souvent, on va se référer à des auteurs de romans en disant que le romancier ne se soucie pas d’être objectif, mais il donne son point de vue, un point c’est tout.

Un romancier comme Paul Auster apparaît très subjectif dans sa description de New York, par exemple, mais sa connaissance intime de la ville, ou du quartier de Brooklyn, en fait un élément objectif qui peut nous servir à mieux appréhender ce quartier. Car donc son film Brooklyn Boogie, des séquences appuient l’objectivité de notre regard sur le quartier en donnant des chiffres, des statistiques et des données sur la population de Brooklyn. On a l’impression d’une objectivité, parce qu’objectivement, les données sont là.

Souvent, dans un mémoire, les étudiants ont tendance à penser qu’il suffit de mettre des chiffres, des tableaux, des camemberts pour « faire objectif ». Le contenu reste froid, et les données livrées en pâture ne font que rendre plus froide la recherche. L’étudiant a-t-il pris du plaisir à produire sa recherche ? J’en doute. On commence à voir quelques lueurs d’humanité lorsqu’il y a des descriptions. Les descriptions sont l’affaire de choix et de mirco-sélections dans le récit. Que décide-t-on de dire et de ne pas dire ? Les non-dits ont autant d’importance, et c’est sur cette marge qu’on peut approcher la part subjective de la part objective du récit.

En fait, si l’on commence à analyser et porter un regard critique sur sa production, on va commencer à objectiver sa propre subjectivité, et ainsi boucler la boucle et rapprocher les deux termes dans une démarche qualitative ethnographique.

Pour résumer, le débat objectif vs subjectif est un faut débat dans la mesure où l’écriture comporte une part subjective que l’on peut cerner, par exemple, lorsque l’on ne veut pas répéter plusieurs fois le même mot. On choisit alors un synonyme qui n’aura jamais tout à fait la même portée. C’est déjà introduire de la subjectivité. Ensuite, on peut étayer le texte de données objectives : « Ce dimanche matin, il fait deux degrés au-dessous de zéro. Le soleil ne s’est pas encore levé. Tous les habitants de l’immeuble dorment encore. ». La troisième phrase est subjective, car l’affirmation n’est pas vérifiée. Cependant, elle indique un état ou une situation qui pourrait être vrai, ou qui permet de penser que cette situation n’est pas ordinaire. Il serait « normal » que les gens dorment à cette heure, un dimanche, alors que le soleil ne s’est pas encore levé. Nous voyons ici que la subjectivité introduit des non-dits et une épaisseur humaine. Objectivement, je n’entends pas un seul bruit dans mon immeuble et je suis en droit de penser que tout le monde dort, parce que c’est ce que fait la majorité des gens la nuit. Mais nous savons aussi, par des études sur les comportements nocturnes, que certaines personnes ne dorment pas. Insomniaques, rythmes décalés, travailleurs de l’aube, fêtards, etc. Pour être absolument sûr de mon affirmation, il faudrait par conséquent vérifier chaque logement, et voir sur quel rythme leurs occupants vivent. Mais alors que je n’ai aucune interaction avec aucun résident, cette vérification objective a-t-elle du sens ?

C’est finalement cette question qui doit animer l’écriture, et lorsque l’on propose une affirmation subjective, nous devons nous demander quel est le coût de son objectivation. D’un point de vue critique, il peut être recommandé de préciser que l’affirmation n’est pas objective ou tout à fait objective. Mais d’un point de vue du récit, le sens donné au texte prime sur l’objectivité à tout prix.

Pour faire contrepoint, voici un lien vers la photographe inconnue de son vivant Vivian Maier (1926-2009) qui nous permet de réfléchir au rapport subjectif vs objectif de la photographie.

=> A la recherche de Vivian Maier

 

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