L’état de l’art

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En architecture, on appelle cela l’état de l’art. C’est le fait de vérifier, dans une thématique donnée, si des auteurs ont avant nous écrit quelque chose sur la question que l’on se pose. C’est faire l’état des lieux, dresser le constat a priori de la situation vis-à-vis de sa recherche.

L’état de l’art procède par thématique, par discipline, par approche historique, etc. Peut-on décider de ne pas s’intéresser à tel ou tel auteur, à telle ou telle discipline, à tel ou tel point de vue ? D’une manière très subjective, la communauté scientifique établit des priorités, une hiérarchie, sur qui est un auteur « majeur » et qui est un auteur « mineur ». Il est de bon ton de prioriser les auteurs « majeurs » et de ne pas en oublier. Mais il est aussi à recommander de trouver des auteurs « mineurs » qui ont apporté un regard singulier, et qui vont permettre de prolonger la réflexion.

Ceci n’est que mon point de vue, donc subjectif, de la situation de la recherche en France. Les auteurs « majeurs » sont généralement publiés dans de « grandes maisons d’édition », alors que les auteurs « mineurs » le sont dans des « petites maisons d’édition ». Nous pouvons faire le même parallèle avec les artistes exposés dans des galeries et ceux exposés au musée. Alors que le musée consacre l’artiste au rang des artistes « majeurs », les galeries foisonnent d’artistes encore méconnus, ou en passe de l’être. Le passage de la galerie au musée se fait après un long temps et une reconnaissance parfois tardive. Avez-vous remarqué que la plupart des artistes exposés au musée sont morts ? Alors que ceux exposés en galerie sont la plupart du temps vivants. Ce n’est pas une généralité, mais c’est souvent comme cela.

En sciences sociales, il y a des raisons objectives pour qu’un chercheur soit publié plutôt chez tel ou tel éditeur. Les questions de l’entregent, du réseau de sociabilité, de la fortune personnelle n’y sont pas pour rien. Les grandes maisons d’édition préfèrent publier des « valeurs sûres », des ouvrages tirés à plusieurs centaines d’exemplaires, alors que les petites maisons d’édition travaillent à une autre échelle, mais diffusent la connaissance et, ce qui n’est pas rien, une pensée plurielle.

En général, lorsque l’on démarre une nouvelle recherche, on va pointer les ouvrages les plus lus, les plus « célèbres », et les auteurs les plus marquants. Si l’on parle de la prison, Michel Foucault arrive en tête, puis viendront les chercheurs en sociologie comme Philippe Combessie, car son travail est plus ancien, puis Loïc Wacquant car il est plus jeune. Ce n’est pas qu’une question de jeunesse, mais on peut penser a priori qu’un plus jeune chercheur aura lu un plus vieux, et que sa pensée aura été influencée par des lectures plus anciennes. C’est comme cela que la pensée progresse. Mais nous savons aussi que les trajectoires des uns et des autres ne sont pas neutres, et qu’il faudra contrebalancer ces auteurs en appuyant par des éléments de controverse, quand cela est possible. Mais on peut aussi chercher du côté de l’histoire avec Bronislaw Geremek, et multiplier les disciplines pour élargir le champ de la pensée et la réflexion. A ce titre, le travail ethnologique de Léonore Le Caisne paraît novateur et original.

 

 

=> Léonore Le Caisne, Prison. Une ethnologue en centrale, Odile Jacob, 2000

=> Loïc Wacquant, Les prisons de la misère, Raisons d’Agir, 2015

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