Epistémologie # 7 – Entrer en questionnement

Les étudiants arpentent le territoire © NJ 2017

Questionner la question

Avant d’en arriver à questionner la question, j’aimerai parler d’une notion forgée par Günther Anders, celle de la supraliminarité. « J’appelle « supraliminarité », dit-il, les événements et les actions qui sont trop grands pour être encore conçus par l’homme » (Anders, 2014). Il existe dans notre monde moderne des phénomènes d’excitation si grands qu’ils ne peuvent être perçus ni mémorisés. Anders en parle à propos d’Hiroshima, un événement si grand que les japonais ne pouvaient même pas en parler, parce qu’ils ne pouvaient pas le percevoir. Cela conduit Anders à penser que « quand nous réfléchissons, nous sommes plus petits que nous-mêmes ». Cette réflexion s’applique-t-elle à une notion comme celle de la mondialisation ? Comment peut-être percevoir à l’échelle mondiale, lorsque notre approche du terrain nous fait prendre conscience qu’il est impossible de percevoir une totalité à l’échelle humaine. Dans ce que nous percevons, beaucoup de choses passent inaperçues. Nos questions servent à nous guider dans les choix qui font de nos observations, un choix raisonné.

Savoir de quel point de vue l’on parle (observe, etc.) est une forme préliminaire à la recherche. Le but est de chercher les enjeux liés au terrain qui sont souvent méconnus, opaques, peu lisibles. Inconsciemment, ces enjeux s’imprègnent dans la recherche et vont censurer les questions. Avant toute chose, il est important de poser des questions sans censure, et de questionner ces questions afin de découvrir quelles sont les questions que l’on ne pose pas.

Lorsque vous dites blanc, vous ne dites pas noir, ni rouge, ni vert. Par exemple, à une femme architecte une journaliste lui pose la question de savoir comment elle se débrouille avec ses enfants. Cela renvoie au rapport de genre et à une sociologie des rapports de domination selon une catégorie homme/femme avec homme/travail et femme/enfant. Pour la journaliste, la question des enfants est une évidence, car elle n’objective pas le rapport de domination à l’œuvre, alors qu’aucun journaliste ne pose cette question à un architecte homme.

Le sociologue posera cette question à un architecte homme ou évitera de poser cette question à une femme architecte, ou s’intéressera au journalisme et à la manière dont il opère pour reproduire les rapports de domination…

La recherche bibliographique

Après coup, ce savoir accumulé (expérience) va orienter la recherche bibliographique. Quand un enseignant vous donne une référence, c’est par rapport à un système de valeurs que vous ne maîtrisez pas forcément, mais qui est pourtant présent. L’enseignant fait un choix parmi un ensemble et vous propose une source, mais vous ne savez jamais ce qu’il a mis de côté.

Dans un premier temps vous allez chercher par vous-même des ouvrages ou des articles se rapportant à votre sujet d’étude en élargissant au maximum les pistes. C’est un survol des textes qui vous dira si vous devez les garder ou bien les supprimer de votre bibliographie. Vous allez peu à peu construire un objet d’étude.

La recherche bibliographique est un moment important et long. Pour les revues, il faut parfois dépouiller chaque numéro lorsque l’on cherche une source sans savoir où là trouver. Le recours aux moteurs de recherche permet aujourd’hui de gagner du temps et de fouiller pour vous. 

Les références bibliographiques sont notées suivant une convention qui peut parfois être modifiée. L’intérêt est de pouvoir retrouver facilement l’ouvrage d’une citation.

Ouvrage :

NOM , Prénom, Titre de l’ouvrage. Sous-titre de l’ouvrage, Villes d’édition : Éditeur, Année d’édition

Article :

NOM, Prénom, « Titre de l’article », Titre de la revue, numéro de la revue, pages de l’article

Les bases de données facilitent la recherche bibliographique :

En plus de la base de la bibliothèque de l’école, il faut chercher vos références sur des bases spécialisées :

ARCHIRES, URBAMET,

ABES-SUDOC, GALLICA, ISIDORE, JSTOR

Il existe des bibliothèques en ligne, notamment aux États-Unis. Les plus intéressantes restent soumises à un abonnement et sont payantes. Le catalogue de l’INIST, par exemple, permet de récupérer chez soi un article scientifique numérisé. Moyennant quelques euros, vous pouvez acheter des articles en ligne sur CAIRN,  PERSEE ou JSTOR. Les centres de ressources du monde de la recherche offrent des outils spécifiques qu’il ne faut pas négliger, comme ACADEMIA. Et puis citons également BEROSE, l’encyclopédie en ligne sur l’histoire de l’anthropologie. 

 

Repères bibliographiques

AGIER, Michel. La sagesse de l’ethnologue, Paris : Éditions Jean-Claude Behar, 2006

AGIER, Michel. Anthropologie de la ville, Paris : PUF, 2015

ANDERS Günther. Et si je suis désespéré que voulez-vous que j’y fasse, Bordeaux : Allia, 2014

CHARMES, Éric. La rue, village ou décor ? : Parcours dans deux rues de Belleville, Paris : Créaphis, 2006

CRESSWELL, Robert. Eléments d’ethnologie, 2 tomes, Paris : Armand Colin, 1975

DEVEREUX, Georges. De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Paris : Aubier-Montaigne, 1998

DURKHEIM, Emile. Les règles de la méthode sociologique, (1901), Champ, 2010

GABORIAU, Patrick. Le chercheur et le politique. L’ombre des nouveaux inquisiteurs, Paris : Aux Lieux d’être, 2008

GOFFMAN, Erving. Les cadres de l’expérience, Paris : Éditions de Minuit, 1991

GUIGO, Denis. « Les termes d’adresse dans un bureau parisien », L’Homme, 21 (3), pp. 41-59
[http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1991_num_31_119_369402]

LATOUR, Bruno. Le métier de chercheur, regard d’un anthropologue, INRA, 1995

JOUENNE, Noël. Dans l’ombre du Corbusier. : Ethnologie d’un habitat collectif ordinaire, Paris : L’Harmattan, 2007

LEVI-STRAUSS, Claude. Tristes tropiques, Paris : Plon, 2001

MAUSS, Marcel. Les règles de la méthode sociologique (1895), Paris : PUF, 2007

OGIEN, Albert. Les règles de la pratique sociologique, Paris : PUF, 2007

OLIVIER DE SARDAN, Jean-Pierre. « La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie », Enquête, Anthropologie, Histoire, Sociologie, 1, Les terrains de l’enquête, pp. 71-112, 1995 [http://enquete.revues.org/document263.html]

PIASERE, Leonardo. L’ethnographe imparfait, cahier de l’Homme, n°40, EHESS, 2010

TEISSONNIÈRE, Gilles et Daniel TERROLLE, À la croisée des chemins. Contributions et réflexions épistémologiques en anthropologie urbaine, Paris : Editions du Croquant, 2012

WARNIER, Jean-Pierre. Construire la culture matérielle, l’homme qui pensait avec ses doigts, Paris : PUF, 1999

WILLIAMS, Patrick. Nous on n’en parle pas. Les vivants et les morts chez les manouches, Paris : MSH, 1993

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