Pour en finir avec cette idée de « poumon vert »

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Les urbanistes et les géographes ont apprivoisé depuis des décennies une idée qui est née de leur imaginaire. Cette idée que les espaces verts seraient les « poumons verts » de la ville. Aux débuts des années 1960, Jane Jacobs, dans son célèbre livre Déclin et survie des grandes villes américaines, en parle en ses termes :

« Si l’on veut vraiment comprendre la façon dont les villes et leurs espaces verts s’influencent réciproquement, c’est cesser une fois pour toutes de confondre le rêve et la réalité comme le font les urbanistes. Ceux-ci cultivent en effet une idée absurde venue tout droit de la science-fiction, qui consiste à affirmer que les espaces verts sont « les poumons de la cité ». Or, il faut plus d’un hectare de bois pour absorber l’anhydride carbonique dégagé par la respiration, la cuisine et le chauffage d’un foyer composé de quatre personnes. En réalité, ce sont les grandes masses d’air qui circulent au-dessus de nos têtes qui sauvent les cités de la suffocation, pas les espaces verts. »

Ces lignes écrites en 1961 (2012 pour la version française aux éditions Parenthèse), sont édifiantes. Comment de nos jours, un chercheur peut-il encore convenir d’utiliser cette expression ronflante de marketing urbain et de greenwashing dans un journal de vulgarisation ?

Pour preuve, ce numéro d’été de Toulouse Métropole, dans lequel Alice Rouyer cautionne l’idée de transformer l’île du Ramier en « nouveau poumon vert » (TM, n°19, été 2022). Plus précisément, ce n’est pas elle qui affirme cela, c’est suggéré par la question du journaliste. Mais alors, pourquoi ne pas rebondir sur une affirmation fausse ? Pourquoi ne pas commencer par écarter les prénotions ?

Le projet Live Green Heart, dans lequel la chercheuse est impliquée parle d’ailleurs de « Cœur vert » et non de « poumon vert ». En anatomie, cette précision a un sens. Ne s’agit-il pas simplement d’une propagande ? Prenons deux exemples qui nous questionnent sur la réelle volonté de la Métropole.

« Le Sud-Ouest de la France, nous dit-elle, est notamment vulnérable aux vagues de chaleur et aux sécheresses et le climat urbain aggrave ces conditions. » C’est peut-être pour cette raison que la réponse de la ville a été de densifier le quartier d’Empalot ?

«  L’une des solutions pour combattre ce phénomène, dit-elle encore, est de faire revenir la nature en ville. » C’est sans doute pour cette raison que la réponse de la ville sur le quartier de Niel a été de bétonner la nouvelle place ?

Lorsque l’on compare le discours, qui peut être scienfiquement valide et valable, aux réalités de terrain, nous ne pouvons que déplorer l’absence de cohésion entre ce que préconisent les chercheurs et les enjeux économiques et politiques de la Métropole. Le greenwashing a toute sa place et de longues années devant lui.

Alors s’il vous plait, ne parlez plus de « poumon vert ».

=> Jane Jacobs, Déclin et survie des grandes villes américaines, (1961), Coll. Eupalinos, Marseille : Parenthèses, 2012

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