Election présidentielle , limitation des mandats .

Agoravox.fr, article du 2 janvier 2008

Quel intérêt à la limitation du nombre de mandats ?

L’objectif avoué de toute limitation du nombre de mandats électoraux est d’éviter une dérive oligarchique du pouvoir. En limitant le nombre de mandats électoraux, on assure (en théorie) un renouvellement des personnes (et donc en théorie des idées).

Mais, en dehors de toute analyse lapidaire, quelles seraient les conséquences de l’adoption de cette proposition de M. Nicolas Paul Stéphane Sarkozy de Nagy-Bocsa, président de la République Française ?

Des avantages indéniables

Dès lors qu’on limite le nombre de mandats présidentiels, on évite la tentation courante en politique qui consiste à s’accrocher à son poste. L’éventuelle représentation de Jacques Chirac n’a été évitée que par la mainmise de l’actuel président sur le parti majoritaire, l’UMP, et sur sa popularité croissante dans la population française, gagnée grâce à un sens de la communication exceptionnel.
La limitation du nombre de mandats devrait alors éviter des dérives clientélistes et des mesures à application différée (exemples : réforme Balladur des retraites, suppression de l’exonération de redevance pour les retraités…).

La limitation du nombre de mandats présidentiels pourrait aussi assurer une certaine émulation au sein d’un même courant politique. En effet, même lorsqu’une personnalité se dégage par sa popularité écrasante, cela n’empêcherait pas d’autres personnes de continuer à travailler sur des projets politiques différents, en conservant un espoir réel de voir leurs idées écoutées (en pariant sur l’avenir, et sur le renouvellement présidentiel).
La limitation du nombre de mandats devrait alors permettre l’émergence de pensées originales, et d’éviter la domination écrasante d’une pensée majoritaire.
Limiter le nombre de mandats présidentiels pourrait aussi permettre de recentrer les débats électoraux sur les programmes et plus sur les personnes. On a vu les « TSS » (« Tout Sauf Sarkozy » et « Tout Sauf Ségolène« ) focaliser leur rejet de « l’autre camp » sur les personnes, en critiquant leur vie privée et non leurs actes politiques. Empêcher la capitalisation médiatique issue de la multiplication des mandats permettrait de voter non plus pour un candidat « qui a une bonne bouille », ou pour un candidat servant d’alternative à un repoussoir, mais bien sûr un candidat porteur d’un projet cohérent. A ce titre, d’ailleurs, plusieurs critiques existent sur le fait que limiter le nombre de mandats reviendrait à priver les électeurs du droit à réélire la même personne aussi souvent qu’ils le veulent. L’argument principal étant « s’il fait un bon travail, on le garde ». Mais, à mon avis, nul n’est si indispensable, si exceptionnel qu’aucun autre représentant de son courant de pensée politique ne pourrait le remplacer sur la base d’un programme similaire (par exemple, c’est bien un président issu de l’UMP qui a succédé à Jacques Chirac, qui n’était donc pas irremplaçable, ou de manière plus ancienne, Pompidou qui a succcédé à de Gaulle).
La limitation du nombre de mandats devrait alors recentrer la politique sur les programmes, en dissociant la poursuite d’un programme et la réélection de la personne ayant jusqu’ici appliqué ce programme.
Il est donc évident que cette limitation de nombre de mandats présente des atouts sérieux et réels. Mais faut-il pour autant en conclure que la proposition de limiter à deux mandats successifs est idéale ?

Une portée insuffisante ?
La proposition de l’ex-candidat de l’UMP porte sur un nombre de mandats successifs. Rien n’empêche donc un candidat de rester maître de son parti (et c’est bien ce que fait le président de la République française en ayant refusé l’élection d’un nouveau chef unique à l’UMP), en prévoyant un basculement à l’opposition après la fin du dernier mandat « successif » autorisé, et en tablant sur un retour ultérieur à la présidence (et c’est bien ce que fait Vladimir Poutine en Russie). Cet inconvénient va à l’encontre de l’émergence de personnalités et d’idées nouvelles, et diminue la portée du bridage du clientélisme.

De plus, la proposition porte sur le nombre de mandats, pas sur le nombre de candidatures. Or, pour éviter les dérives de type « pensée majoritaire », plus que la limitation en nombre de mandats, c’est la limitation en nombre de candidatures qui assurerait un réel renouvellement des idées, et des réponses aux attentes des électeurs, y compris dans les partis « d’opposition ». En évitant la multiple présentation d’un candidat (Arlette Laguiller, Jean-Marie Le Pen, François Bayrou, Jacques Chirac, François Mitterrand…), on favorise encore plus l’émergence d’idées nouvelles, en évitant une « capitalisation médiatique » sur l’image d’une candidate ou d’un candidat, et en permettant éventuellement à un même programme politique d’être amélioré par de nouvelles personnes.

En outre, la limitation du nombre de mandat à deux successifs présente également un désavantage, certes contestable ou mineur, c’est celui de l’affaiblissement du pouvoir présidentiel en fin de second mandat. En effet, n’ayant plus « l’espoir » d’être réélu (ou le risque de ne pas l’être), le président n’aura plus le pouvoir d’être à l’origine de politiques audacieuses : les parlementaires, sans la « carotte » que constitue un potentiel poste ministériel, seraient alors plus rétifs. Mais s’il s’agit d’un inconvénient, c’est cependant la contrepartie à la limitation d’un clientélisme possible. L’un ne va pas sans l’autre.
De même, toutes les dérives clientélistes peuvent se retrouver au cours du premier mandat, afin d’assurer une réélection : c’est bien la limitation à deux mandats qui ferait du premier mandat celui de tous les abus clientélistes, et cette limitation ne solutionnerait donc que très imparfaitement cette tendance partagée par tous les politiciens au clientélisme.

Enfin, cette limitation à deux mandats aura de plus un effet pervers si on se place dans une optique purement carriériste des hommes et des femmes politiques. En effet, lorsqu’un président, en fin de dernier mandat, observe une victoire probable du « camp opposé » politiquement, il sera tenté, en tablant sur les deux mandats à passer dans l’opposition par son parti, d’initier des politiques désastreuses et longues à « réparer ».

La limitation à deux mandats successifs présente donc des inconvénients équivalents en importance aux améliorations qu’elle apporterait.
Comment donc étendre les points positifs d’une telle proposition sans pour autant aggraver les points négatifs ?

Extensions possibles de la portée d’une telle réforme
NB : Ces extensions ne sont pas toutes compatibles entre elles.

  • Comme indiqué plus haut, l’un des inconvénients est que la limitation à deux mandats successifs est le fait qu’il ne change pas grand-chose à la situation actuelle si l’ex-président peut se représenter à nouveau en laissant un intervalle entre deux mandats. La limitation du nombre de mandats tout court (c’est-à-dire pas le nombre de mandats successifs) permet alors réellement le renouvellement des personnes et des idées.
  • De manière encore plus poussée, plus que la limitation des mandats, c’est la limitation du nombre de candidatures à une élection qui assure le renouvellement, pour l’ensemble des partis, des idées et des personnes, assurant ainsi une représentativité accrue.
  • Pourquoi limiter à deux ? Comme je l’ai indiqué dans la première partie, alors que certains disent que « si un dirigeant plaît au peuple qui veut le réélire, limiter le nombre de mandats prive le peuple de cette liberté de le réélire », je pense au contraire qu’aucun individu n’est si exceptionnel, si irremplaçable que personne, même dans son propre courant de pensée, ne serait capable de se faire élire en défendant les mêmes idées, pour peu que ces idées soient partagées par la majorité des électeurs. En fait, c’est bien là la tragédie de la politique française actuelle : l’identification d’une personne et d’un programme…
    Concrètement, il y a deux autres options possibles, à mon avis plus pertinentes que la limitation à deux mandats :

    • La limitation à un mandat unique. En effet, en limitant à un mandat unique, on conserve les avantages liés au principe de limitation du nombre de mandats. De plus, un président n’étant élu que pour un seul mandat n’aura jamais la tentation personnelle du clientélisme. Cependant, pour conserver les avantages liés à la continuité d’une politique cohérente, revenir sur un septennat pourrait accompagner cette limitation à un mandat (en conservant toutefois la durée de la députation inchangée) ;
    • Le statu quo (pas de limitation). Puisque la limitation à plusieurs (deux ou trois, ou autre) mandats, successifs ou non, ne permettrait pas forcément d’éviter les désavantages liés au système actuel « non limité », et que des inconvénients nouveaux pourraient apparaître, le statu quo « conservateur » (au sens du « principe de précaution ») reste une alternative crédible.
  • Les problèmes soulevés pour l’élection présidentielle sont en fait les mêmes pour tous les types d’élection. L’argument « s’il fait un bon travail, on le garde » est tout aussi peu pertinent dans le cas des autres mandats que dans le cas des mandats présidentiels. De fait, si on veut vraiment changer radicalement le système politique actuel, qui est de facto une oligarchie bureaucratique par cooptation, il faut assurer un renouvellement à tous les niveaux de ceux qui représentent les Français. Sans toucher à l’organisation du pouvoir en France, la simple limitation du nombre de mandats pour TOUS les mandats permettrait d’éviter les cumuls de mandats, permettrait le rajeunissement des responsables et des idées, permettrait de diminuer les possibilités de népotisme et de corruption.
    L’idée, donc, de limiter le nombre des mandats présidentiels va dans le bon sens, mais est insuffisante, et devrait être généralisée.

Une solution ?

Il est certes impossible d’envisager une réforme n’ayant que des avantages, mais il me semble que la proposition du président de la République est insuffisante en l’état, et que les avantages certains liés à l’idée même de limitation du nombre de mandats sont en fait annulés par la portée limitée de fait de la proposition telle que formulée.
La commission Balladur, en ne retenant pas cette limitation du nombre de mandats présidentiels successifs, a fait preuve de bon sens, et a donc avalisé le fait que cette proposition, pour courte qu’elle fût, nécessiterait une étude à part entière.

Il faudrait, pour bénéficier de tous les avantages de cette idée, étudier de manière approfondie, non partisane, non égoïste (i.e. disqualifie les cumulards, et les multiples réélus, souvent les mêmes d’ailleurs), la limitation de tous les mandats, la limitation du nombre de candidature. Une commission comme celle d’Edouard Balladur sur la réforme des institutions serait à même de le faire, mais, serait-ce vraiment l’intérêt des membres (de gauche comme de droite) de l’oligarchie bureaucratique par cooptation au pouvoir en France ?

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